01net : On a l’impression que la bioimpression suscite beaucoup d’enthousiasme. Est-ce vrai ?
Fabien Guillemot : Je constate effectivement un intérêt croissant pour la bioimpression, que ce soit au niveau académique ou industriel. Jusqu’à maintenant, les chercheurs étaient concentrés sur le développement de la technologie. Il s’agit désormais de développer les applications. Moi-même, j’ai été mis à disposition de l’Inserm pour créer une startup : Poietis. L’idée est d’exploiter toutes les recherches que nous avons menées depuis 10 ans à ce sujet.
Que faites-vous exactement ?
Nous fabriquons des tissus et des modèles physiologiques complexes pour des études pharmacologiques ou toxicologiques. Nous sommes capables, par exemple, de produire de l’épiderme pour des entreprises de cosmétique. Ce qui crée une alternative aux expérimentations sur les animaux. Cela peut aussi permettre de mieux prédire la toxicité d’un produit en testant plus précisément la sécurité de ses actifs et de ses ingrédients.
La bioimpression 4D prévoit à l’avance la position des cellules
Comment procédez-vous ?
Nous récupérons des cellules immortalisées ou prélevées sur des explants dans les blocs opératoires. Nous les cultivons, ce qui peut prendre plusieurs jours, puis nous les imprimons en quelques minutes grâce à une bioimprimante laser que nous avons-nous-mêmes développée. Mais après cela, les cellules peuvent continuer à évoluer ensuite pendant plusieurs semaines.
C’est ce que vous appelez la bioimpression 4D ?
Pas tout à fait. Pour moi, il n’y a bioimpression 4D que si cette quatrième dimension temporelle a été anticipée dès la phase de design. Il s’agit de prévoir la position des constituants des tissus et la façon dont ceux-ci vont évoluer dans le temps à partir de leur état initial. Pour cela, il faut utiliser un matériel de très haute résolution de manière à contrôler très précisément les coordonnées spatiales des cellules. C’est quasiment du cellule par cellule.
Avez-vous développé vos propres logiciels ?
Nous utilisons des logiciels libres avec des composantes que nous avons nous-mêmes développées. Dans le cas de l’impression 4D sur des matériaux, un agent extérieur joue le rôle de stimulus pour provoquer la transformation.
Est-ce le cas également pour la bioimpression 4D ?
Cela pourrait l’être. Mais l’évolution dans le temps de nos systèmes est spontanée. Les cellules interagissent entre elles, se multiplient sans forcément faire intervenir une contrainte externe.
Réparer les tissus humains
Pourra-t-on un jour imprimer des organes ?
Des recherches sont menées actuellement dans ce sens. Mais on est très loin de pouvoir imprimer un rein et je suis plutôt réservé à ce sujet. En revanche, la réparation des tissus humains, une fois qu’elle aura été validée par des essais cliniques, est très prometteuse. Des chercheurs commencent aussi à explorer des voies intéressantes comme la vascularisation ou le système des glandes.
Quelles limites fixer à ce domaine ?
En France, nous travaillons dans le cadre de la loi bioéthique et de l’intérêt général. Dans le cade de Poietis, nous souhaitons avoir une démarche responsable sur ces questions. Notre volonté est de participer à la mise au point de traitements thérapeutiques, de pathologies, de méthodes de réparation tissulaire mais pas d’améliorer certaines caractéristiques des tissus. La tentation d’utiliser la bioimpression pour créer un « homme augmenté » pourrait surgir. C’est une question fondamentale qui mérite d’être débattue.
Peut-on imaginer que les FafLab s’emparent de la bioimpression ?
Cela me paraît difficile dans un premier temps. Nous travaillons dans des univers aseptisés et nous utilisons un matériel coûteux. Mais il est intéressant d’encourager la rencontre entre la biologie, la physique et le numérique. Cela pourrait permettre de faciliter le développement d’organes complexes et les mettre à disposition de tous.
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