La loi droit d’auteur et droits voisins d’août 2006 a donné une nouvelle arme aux ayants droit : la responsabilité des éditeurs de plates-formes de peer to peer en matière de contrefaçon. Pour
la première fois, une société de droits vient de s’en saisir. La Société des producteurs de phonogrammes français (SPPF) qui représente les labels indépendants (Naïve, Tôt ou Tard, Wagram Music, Harmonia Mundi) a annoncé, ce mardi 12 juin,
vouloir assigner devant le tribunal de grande instance de Paris les sociétés éditrices de Morpheus, d’Azureus et de Shareaza.Selon la loi, qui, à l’article 12 bis, interdit ‘ d’éditer, de mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment et sous quelque forme que ce soit, un logiciel manifestement
destiné à la mise à disposition du public non autorisée d’?”uvres ou d’objets protégés ‘, ces sociétés risquent jusqu’à 300 000 euros d’amende et trois ans de prison. La SPPF demande également 16,6 millions
d’euros de dommages et intérêts à Azureus et 3,7 millions à StreamCast Networks, qui édite Morpheus. Le dossier visant Shareazea est, lui, en cours de constitution. Enfin, la SPPF veut l’arrêt des échanges illégaux sur ces
logiciels.La société appuie sa démarche sur des constats d’huissier et sur le travail technique concernant les réseaux de la société AdVestigo. Elle a fait observer, sur une semaine en avril, des actes illégaux de mise à disposition et de
téléchargement sur un échantillon d’une centaine de titres de son catalogue. ‘ Le but était d’estimer un préjudice et d’attaquer des éditeurs, explique Jérôme Roger, président de la société de droits, il
n’y aura pas de poursuites d’internautes, pas de traitement d’adresses IP. ‘ Du moins, pas dans le cadre de cette procédure.
Une procédure ‘ pis-aller ‘
Si Morpheus, Azureus et Shareaza sont dans le collimateur de la SPPF, ce n’est pas parce que ce sont les plates-formes les plus utilisées mais parce qu’elles s’appuient chacune sur une société commerciale bien identifiée. C’est là où le
bât blesse : toutes sont étrangères, avec des sièges sociaux aux Etats-Unis et en Australie. Du coup, la procédure va prendre du temps, les assignations, qui n’ont pas encore été envoyées, devront être traduites et transiter par l’ambassade de
France, il faudra attendre leur retour. Mais rien ne dit que les sociétés concernées répondront.Dans ce cas, le tribunal pourra toujours prononcer un jugement par défaut mais après, c’est l’éternel problème, avec Internet, de l’application du droit d’un pays à une société installée à l’étranger.‘ Ce n’est qu’un pis-aller, reconnaît Jérôme Roger, ce n’est pas avec cette action que nous allons régler le problème de la piraterie. Mais c’est un moyen d’interpeller les pouvoirs
publics. ‘ En fait, depuis quelques temps, l’industrie du disque est remontée au créneau sur plusieurs dossiers. D’abord la responsabilisation des fournisseurs d’accès à Internet. ‘ Nous attendons que
le Gouvernement intervienne pour pousser à la coopération les FAI qui détiennent une grande partie de la clé du problème. ‘ Les intéressés sont déjà tenus à cette coopération dans le cadre d’une charte signée en
juillet 2004 avec les pouvoirs publics et l’industrie du disque. Mais ils n’en feraient pas assez. La SPPF est notamment très favorable à des solutions de filtrage.L’autre cheval de bataille est la riposte graduée. Un dispositif prévoyant dans un premier temps des avertissements envoyés aux internautes qui téléchargent puis, en cas de récidive, des poursuites en justice, avec un système de
contravention selon l’acte illégal constaté. Tout cela avait été voté dans la loi DADVSI mais
annulé par le Conseil constitutionnel. La SPPF ne serait pas contre une modification de la loi. Il faut dire que la ministre de la Culture, Christine Albanel, a fait état
récemment de tout le bien qu’elle pensait de la riposte graduée.
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