Un succès pour Qualcomm et MediaTek : c’est ce que professe un rapport d’analyse du marché des PC portable publié par Counterpoint. Le cabinet spécialisé dans l’analyse des ventes de matériel électronique prédit que les PC portables, un marché assez difficile, verront la part de marché des puces ARM passer à 25 % d’ici à 2028. Et prédisent même que les puces ARM pèseront déjà 10 % du marché global dès 2025, « aux dépens d’Intel et AMD ».
Après que le monde des ordinateurs personnels a entièrement été piloté par les jeux d’instructions x86 d’Intel et AMD, le vent a commencé à tourner en 2017 quand Qualcomm a présenté avec Microsoft le premier PC disposant d’un Windows on Snapdragon. Une version du système d’exploitation spécialement compilé pour une puce ARM de smartphone (le Snapdragon 835). Si Qualcomm a continué son travail, tout a réellement basculé quand Apple a effectué une transition sur ses propres puces en 2020. Conçus sur la base des jeux d’instructions ARM et d’une conception interne, les puces M1 puis M2 ont depuis intégré toutes les machines d’Apple, Macbook comme iMac et Mac Mini – à l’exception notable du Mac Pro.
Lire aussi : Qualcomm dévoile Oryon, le coeur CPU de son arme anti-M1, d’Apple (nov. 2022)
L’annonce assez fracassante de Counterpoint fait écho à une précédente prévision de Canalys qui, en décembre 2022 dernier, tablait sur pas moins de 30% du marché d’ici à quatre ans. Une analyse encore plus optimiste pour ARM, tant en parts de marché qu’en rapidité de « conquête ». Le jeu d’instruction ARM a des atouts, mais ce qui séduit généralement le plus, c’est la possibilité de concevoir des puces « à la carte » plutôt que d’avoir à se contenter des designs imposés par Intel et AMD.
Les analyses n’engageant que ceux qui les écoutent, faisons ici un petit pas de côté. Alors que cinq ans représente à la fois une éternité dans le monde ses semi-conducteurs, mais aussi, et surtout, un cycle de développement complet, regardons ensemble ce qui pourrait faire dérailler le scénario pro-ARM qu’entrevoient les analystes.
Des écarts d’architectures fantasmés
Counterpoint et Canalys voient sans aucun doute les forces de traction des futures puces ARM pour PC basées sur des analyses à un instant T. Un état des lieu où se mêlent, pêle-mêle, les gains d’autonomie des MacBook ainsi que leur rapport performances/watt, les promesses de la puce Oryon de Qualcomm ou encore la connectivité intégrée aux SoC ARM qui devrait profiter aux Chromebook. Des réussites réelles, des promesses tangibles, mais qui semblent oublier un peu qu’Intel et AMD ne dorment pas. Et que les atouts actuels des puces concurrentes à venir ne sont pas si décisives.
Parlons d’abord des oppositions de microarchitectures – on dit aussi « ISA » pour instruction set architecture – et de finesse de gravure. Si par le passé les mondes RISC et CISC s’opposaient, désormais les conceptions de puces sont hybrides : les puces x86 ont simplifié leurs briques fondamentales, les puces ARM ont complexifié leurs instructions. ARM a toujours comme atout la simplicité à additionner des cœurs – mais trop de cœurs ne profite pas vraiment au grand public – et le rapport perfs/watt reste meilleur que x86…
Mais moins que par le passé. Une des raisons majeures de l’avantage d’Apple avec sa première puce M1 était clairement la gravure en 5 nm de TSMC. Qui est arrivée à un moment où le gros des puces Intel étaient soit en 14 nm (ok : en 14 nm+++), soit en 10 nm de première génération pour les puces mobiles. Depuis, Intel a non seulement progressé (Intel 7, ce qui équivaut à un 10nm amélioré) mais AMD a aussi démontré l’importance des nodes en faisant graver des puces jusqu’à 4 nm. Quand on voit les 14 h d’autonomie d’un PC portable comme l’Asus Zenbook S OLED dont la puce Ryzen 7 6800U est gravée en 6 nm, on mesure que le node de fabrication y est pour beaucoup. Et sortie de cette finesse de gravure, il faut aussi rappeler qu’AMD et Intel ont de gros atouts.
Puissance d’Intel, flexibilité d’AMD
Intel bousculé, Intel dans la tourmente : c’est ce que ressortent (trop ?) rapidement les analystes au regard des derniers chiffres de vente d’Intel. Un géant qui continue de gagner de l’argent (beaucoup d’argent), mais qui a quand même dû resserrer les cordons de la bourse, licencier des employés et couper des branches (kit de développement RISC-V notamment) pour se concentrer sur des objectifs concrets.
Ce que semblent oublier les analystes, c’est qu’après des années de direction molle ou hasardeuse, M. Gelsinger a pris les rênes d’Intel il y a exactement deux ans en imposant un changement stratégique majeur : réorganisation des unités business, priorité sur les développements de microarchitecture et développement d’un service de fonderie indépendant… tout en se donnant la permission d’aller voir ailleurs pour ses propres produits. Un virage à 180° par rapport à ce que demandait Wall Street. Et surtout, une première année pour revoir en profondeur les feuilles de route technologique – en pleine crise COVID. Or, poser les bases profondes d’un renouveau technologique prend entre trois et cinq ans. Comme l’a prouvé AMD qui a pris le temps de bien développer les fondations de Zen qui est toujours au cœur de ses puces Ryzen.
Intel donne déjà des pistes de son évolution vers des architectures modulaires (disagregated dans le jargon de l’entreprise), et surtout, plus efficaces… Et moins chères, comme en témoignent des processeurs récents comme les N100, N200 et N300. Sans parler des puces à venir, comme Meteor Lake. Un processeur qui pourrait jeter un (sacré) pavé dans la mare…
L’autre représentant du monde x86 qu’est AMD dispose, lui aussi, de très belles cartes dans sa manche. Au rang desquelles des architectures Zen successives (Zen 2, 3, etc.) ainsi qu’une conception en « chiplet » qui lui permettent de proposer désormais des puces peu chères et efficaces. Ainsi qu’un savoir-faire graphique qui lui donne la latitude de monter en puissance tant du point de vue gaming (Zen 2, Zen 3) que multimédia. Le tout avec une compatibilité logicielle unique, due à plusieurs décennies de travail de pilotes dans le jeu.
Autre atout et non des moindres : AMD est le king des collaborations. Xbox Series, PlayStation 5 et autre SteamDeck, l’entreprise motorise le gros des consoles, car elle est à même de proposer des puces « customs ». Une personnalisation qui pourrait aller en grandissant avec des constructeurs PC à mesure que sa conception en « briques » technologiques s’améliore. Ici, l’intérêt d’ARM s’érode puisque si on peut faire une puce aux petits oignons, les coûts de conception et validation des puces en 5 nm et moins explosent. Là où AMD peut littéralement jouer aux Lego pour proposer des processeurs uniques.
L’inconnue de l’impact de la connectivité
Les puces pour PC de Qualcomm et MediaTek ont une promesse en filigrane (car on attend de les voir) : l’intégration des réseaux. Basées sur les puces pour smartphones, ces puces pourraient donc avoir une connectivité de pointe Wi-Fi, mais aussi 5G. Ce qui simplifie le design des cartes mère, l’intégration générale. Et pourrait, dans certains cas, faire la différence, notamment dans les flottes professionnelles ou les commandes étatiques – équipements scolaires, etc.
L’argument n’a cependant toujours pas pris. Qualcomm pousse évidemment à fond la 5G tout comme son concurrent taïwanais MediaTek. Mais les PC Windows (Qualcomm Snapdragon 8cx Gen 3 et autres Snapdragon 7c) et autres Chromebook (Kompanio 1000) n’ont pour l’heure pas réussi à vraiment percer. Le succès du déploiement de la 5G par le monde et les usages qui en seront faits, dicteront sans nul doute une partie du succès de leurs puces. Ainsi que le prix de leurs solution : pourquoi choisir une puce aussi chère qui risque d’être moins compatible, la compatibilité étant le dernier argument technique clé de x86 ?
Finalement, les analystes basent une partie de leur conclusions avec le simple regard de la technologie pure. Or, ce serait occulter que tant Intel qu’AMD sont aussi des partenaires industriels, technologiques… et marketing. De la conception de puces à la carte, en passant par la fourniture de designs électroniques clés en main, par le financement de campagnes de pub et le soutien des marques par leurs canaux de distributions, ces deux géants ont beaucoup d’atouts. Et nul doute qu’ils vont en jouer pour contenir – et contrer ? – cette « menace » ARM.
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Source : Counterpoint Research
Très bonnes observations ; on s’aperçoit que les puces Apple marquent le pas en terme d’évolution de perfs.
Reste à Intel, AMD et nVidia à réduire drastiquement leur consommation. Si Intel montre des signes encourageants pour sa prochaine génération, on est encore dans l’expectative pour les 2 autres.
Quant à l’explosion des solutions ARM sur Windows cela parait bien improbable. Peut-être dans un temps lointain où les OS seront dans le cloud.
L’intérêt le plus flagrant est la conso. Quand ont voit les tests sur M1 à la prise de courant(avec un wattmètre) c’est bluffant. Je pense qu’au moins 70% des gens qui ont un PC fixe n’ont pas besoin d’une telle puissance.
Et le PC gamer ainsi que les gig de crypto sont des gouffres énergétique à l’heure du zero émission.
Ne parlons pas des data-centers…
NB: notons qu’Apple maîtrise le matériel et le logiciel ce qui lui permet ce résultat. Difficile à reproduire pour une système multi-plateforme et flexible comme Windows