Passer au contenu

Les premières mises en ?”uvre voient le jour

La fièvre de l’e-procurement serait-elle en passe de gagner les grandes entreprises françaises ? Une chose est sûre, les premières mises en ?”uvre voient le jour….

La fièvre de l’e-procurement serait-elle en passe de gagner les grandes entreprises françaises ? Une chose est sûre, les premières mises en ?”uvre voient le jour. C’est l’équipementier automobile Valeo qui lance le bal en rationalisant d’abord ses achats hors production. Il achève un déploiement sur 120 sites mondiaux. Puis vient la filiale service du pôle énergie de Suez, Elyo, qui démarre un déploiement généralisé auprès de six mille utilisateurs. En mars dernier, Thomson Multimedia, Schneider, Rhodia et Usinor ont créé à leur tour KeyMRO, échafaudage assez complexe de réduction des coûts indirects qui fait, en partie, appel à une place de marché. Enfin, les autres exemples sont ceux d’AtoFina et Saint-Gobain. Ambitieux, ce dernier vise une mise en ?”uvre simultanée de son application sur la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Mais, il n’est pas encore certain qu’il s’agisse là d’un véritable mouvement de fond. En Europe, et en France en particulier, la partie ne fait que s’engager.

Tous les achats de lentreprise sont concernés

“Dans le climat économique délétère actuel, les entreprises risquent de réviser à la baisse leurs investissements dans l’e-procurement”, prévient Marc Le Vernoy, directeur général adjoint d’Hubwoo, place de marché qui compte AtoFina parmi ses clients. L’industriel n’a pas dépassé le stade de l’expérimentation régionale. Son projet d’e-procurement, confié à l’intégrateur local Alti, est circonscrit à trois sites.Autre signe troublant : les trois grandes banques françaises créatrices de Answork n’en profitent pas pour rationaliser leurs propres achats de manière intensive. Or, en matière d’e-procurement, l’investissement des grands groupes est primordial. Il s’agirait même là de la condition sine qua non de son décollage. “Les mouvements de fond économiques sont initiés par les grands comptes. Ce qu’ils font se répercute ensuite sur les petites et moyennes entreprises “, souligne ainsi Randy Joss, directeur commerce services chez l’éditeur Ariba. A l’échelle mondiale, les Américains les appellent les Global 1000. En France, ils sont environ une centaine, pour un peu moins de cinq cents en Europe. “Cette catégorie d’acteur est la plus à même de gagner en réductions de coûts, car ces économies se réalisent surtout à grande échelle “, précise Jean-François Cazenave, le fondateur d’Hubwoo.Aux Etats-Unis, les pionniers de la première heure ont été les géants de la high-tech – Seagate, Motorola et autres Compaq. Tous se font fort d’avoir taillé dans leurs coûts à hauteur de plusieurs dizaines de millions de dollars. Mais, outre-Atlantique, la contagion a assez vite gagné les acteurs de l’ancienne économie. Et ce, dès la fin de l’année 1999. “A cette époque, les premières applications d’e-procurement ont ciblé les achats hors production “, rappelle Tom Hardwick, consultant au Giga Group.

Une réduction des coûts supérieure à 5%

Les gros consommateurs de cette catégorie d’achats sont les services financiers, les prestataires d’énergie, les opérateurs de télécommunications et l’administration, ainsi que le secteur pharmaceutique. Cette accélération se reflète d’ailleurs dans le bond en avant du chiffre d’affaires des principaux éditeurs de logiciels de places de marché. Les meneurs de jeu étant toujours les start up CommerceOne et Ariba. Ce dernier revendique quarante des cents plus grandes entreprises américaines comme clients.D’autres start up sont entrées dans le jeu. Et les éditeurs de progiciel de gestion intégré (PGI) entendent également leur tenir la dragée haute. En Allemagne, l’équipementier Bosh ainsi que le roi du multimédia Bertelsmann ont déployé le module BBP (Business to Business eProcurement) de SAP auprès de plusieurs milliers d’utilisateurs. Mais, les solutions de ces éditeurs manquent encore d’ouverture sur les standards. Ils pâtissent en effet d’une imbrication trop étroite à la plate-forme de leur éditeur. C’est l’un des facteurs qui a poussé Elyo à ne pas retenir l’offre d’Oracle.Mais c’est surtout face à la complexité des solutions de gestion de la chaîne logistique globale et à la jeunesse du commerce collaboratif que l’e-procurement prouve son efficacité. “L’entreprise rentabilise rapidement son investissement en réduisant ses coûts “, explique Tom Hardwick.

Six mois pour obtenir des résultats concrets

De plus, les temps d’intégration, d’une durée initiale de trois mois, sont courts. “En comparaison avec un projet d’intégration de PGI qui dure dix-huit mois, les premiers résultats concrets de l’e-procurement s’échelonnent sur une période de six mois”, confirme Olivier Wajnsztock, chef de projet e-procurement pour Valeo. L’intégration avec le progiciel de gestion intégré demeure légère. Même s’il faut tenir compte, lors du déploiement multisites, qui s’inscrit sur une durée d’un an, d’un parc de progiciels souvent hétérogène.Les éditeurs et les opérateurs préconisent, de fait, des déploiements à large échelle. “Nos critères de sélection sont les grandes entreprises européennes avec un volume d’achat hors production de plus de 100 millions d’euros et capables de s’engager globalement sur un projet de réduction des coûts “, explique le fondateur d’Hubwoo. Ce dernier cible en priorité les produits et les services consommés en interne par l’entreprise. Par exemple, les employés de l’assureur Royal Sun Alliance achètent en ligne leurs matériels informatiques et bureautiques, leurs fournitures et leurs mobiliers de bureaux. “Mais pas uniquement, explique Anthony Doyle, son directeur des achats. Nous incluons aussi les offres de voyages, les locations de voitures, la formation interne, l’intérim et les programmes promotionnels.” Cela concerne également, dans le cas de clients industriels, les pièces de rechange et d’entretien dédiées à la cha”ne de production.

5% de réduction des coûts administratifs

Le principal avantage ? Ces produits et ces services se caractérisent par leur homogénéité. “Ils peuvent être achetés auprès des mêmes fournisseurs par les différentes branches de l’entreprise, au niveau national, régional ou mondial. Les risques sur l’activité de l’entreprise liés à la remise en cause des fournisseurs locaux sur les achats indirects sont normalement limités “, souligne Dominique Perrot, consultant logistique chez PricewaterhouseCoopers. Et de souligner que “les achats indirects constituent le terrain idéal pour démarrer et convaincre de l’intérêt de l’e-procurement au sein de l’entreprise “. De l’avis des analystes, les réductions potentielles des coûts administratifs sont de l’ordre de 5 %. Alors que la rationalisation du nombre de fournisseurs et la négociation de meilleurs prix contribuent en moyenne à des gains de 3 à 10 %, selon le Giga Group.Autre atout : l’e-procurement optimise l’application du contrat cadre. “Toutes les demandes d’achats utilisent les mêmes contrats cadre, négociés au niveau européen avec les mêmes fournisseurs partenaires “, explique Dominique Perrot. Et ce, d’autant que toutes les catégories d’achats hors production ne sont pas, en principe, couvertes par des contrats négociés au niveau international. “Sans e-procurement, le suivi opérationnel de ces contrats cadre est impossible.”Poussant cette logique jusqu’au bout, ce prestataire a même développé pour son client Valeo un module logiciel de contrôle de gestion en temps réel des budgets consacrés aux achats.

Les salariés effectuent leurs achats directement sur leur PC

Enfin, l’implication de plusieurs milliers d’employés est un facteur de motivation : “En disposant d’un système simple d’utilisation, les salariés peuvent effectuer leurs achats à partir de leurs postes de travail. Ils se sentent ainsi concernés et contribuent activement à la constitution des catalogues d’achats “, souligne Anthony Doyle. Et d’ajouter que si une entreprise ne vise pas haut et large, elle aura beaucoup de peine à retirer des gains de l’e-procurement. Pour faciliter cette participation, les éditeurs placent au c?”ur de leurs offres les fonctions de workflow et de définition des profils d’utilisateurs. “Les processus sur les achats indirects, à l’instar du circuit validation de la demande d’achat, sont en général très administratifs et peuvent faire l’objet d’une simplification et d’une norme unique au niveau de l’entreprise “, commente Dominique Perrot.Il reste, toutefois, à mobiliser les vendeurs de fournitures. “Le fait que les fournisseurs européens n’aient pas acquis la technologie de construction de catalogue et n’aient pas le personnel compétent figure parmi les difficultés rencontrées, explique Muriel Bertrand. Ils ont mis plus de six mois avant de nous envoyer leurs catalogues.”Un constat qui sonne en partie juste. Mais qui ne tient absolument pas compte d’une différence de pratiques : aux Etats-Unis, un grand compte rémunère ses fournisseurs pour numériser et exploiter leurs catalogues sur sa propre place de marché. Alors qu’en Europe, les fournisseurs préfèrent prendre en charge eux-mêmes ces travaux. Ils craignent en effet de perdre tout contrôle sur ce qu’ils considèrent être leur propriété intellectuelle.

Première antenne française pour Requisite

Toutefois, ces derniers prennent aujourd’hui la mesure de l’enjeu. C’est le cas, par exemple, de Rexel ou encore Manuttan. Ce dernier a basculé sur son propre site l’intégralité de son catalogue. Il l’a même fait en plusieurs langues. Un autre signe encourageant : l’Europe s’est enfin dotée d’une Content factory, baptisée Content Europe, dont la plaque tournante se trouve en Belgique. “Nous estimons qu’environ 10% des cinq cents plus importants fournisseurs européens sont désormais entrés en phase de production “, avance Jérôme Lindström, directeur général de Content Europe. Preuve de ce nouvel engouement, son grand concurrent américain, Requisite Technology, ouvre tout juste sa première antenne française.Mais, le chantier de la création de contenu prend des dimensions pharaoniques. “Les besoins de définition de normes de classification sont si importants que les grandes places de marché verticales courent le risque de se transformer en organismes de standardisation “, remarque le fondateur d’Hubwoo, Jean-François Cazenave.Pour Dupont de Nemours, il faut faire franchir plusieurs étapes aux fournisseurs. Il s’agit dans un premier temps de la correction orthographique et du changement des libellés pour préparer les données issues des tables d’articles des progiciels. Dans un deuxième temps, il est impératif de réviser la syntaxe pour que les descriptifs des produits, des marques et des couleurs soient homogènes.

Qui dit e-procurement dit aussi réorganisation interne

De son côté, l’acheteur ne pourra pas faire l’impasse sur ses mutations internes. Preuve de l’importance attribuée à cette étape, Schlumberger a engagé sa propre réorganisation neuf mois environ avant de passer à l’acte. Elyo a organisé l’année dernière près d’une centaine de réunions en interne. Chez Royal Sun Alliance, on insiste sur le défi constitué par la conduite du changement. Dupont de Nemours a, lui, lancé un programme baptisé Sourcing Advantage. Fort logiquement, cette réorganisation touche, en priorité, la direction des achats. “Les pratiques du service achat sont modifiées, d’un rôle de simple exécutant de transactions, il se transforme en opérateur du système “, souligne Alain-Michel Diamant Berger, responsable des achats de produits pétroliers pour le groupe Schlumberger. Les utilisateurs ont aussi besoin d’être formés en amont. Et ce, même si pour aller plus vite et provoquer un effet d’entra”nement, la LloydsTSB Bank a désigné, à l’occasion de chaque extension régionale de son projet d’e-procurement, des meneurs de jeu capables d’entra”ner les plus frileux. Les retombées se font sentir au niveau interne de l’entreprise. Celle-ci acquiert davantage de souplesse et de flexibilité, bénéficiant ainsi d’avantages concurrentiels pour attaquer de nouveaux marchés. En témoigneraient les percées européennes de Dupont de Nemours et de Schlumberger, deux grands comptes américains justement en pointe dans l’e-procurement. Alors que l’euro approche, leurs concurrents français sauront-ils relever à temps le défi ?

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


amuel Cadogan, avec Ismaïla Sarr