La politique industrielle d’un pays devrait être un paramètre clé dans la réflexion des hommes politiques : veut-on que le pays ait une industrie puissante ? Quelle doit être la part de cette dernière dans le PNB ?
Notre industrie doit-elle être indépendante de l’étranger dans certains cas ? Quels types d’emplois doit-elle créer ? Cette industrie doit-elle aussi, par ses vocations, répondre aux souhaits profonds des électeurs (sécurité,
écologie, communication, santé…) ? Quelles écoles, formations, technopoles, quels financements et autres programmes de recherches doit-on mener pour parvenir à l’objectif ?Depuis quinze ans, la réponse à ces questions est éludée. L’équivalent d’une ‘ contre-idéologie ‘ nous est tombée sur la tête : un ministre de l’Industrie a même été jusqu’à
nous demander un jour de ne plus prononcer l’expression ‘ politique industrielle ‘ (lors de l’inauguration d’une extension de l’usine autrefois Metrix d’Annecy, ce n’est donc pas
nouveau…). Raisons invoquées ? ‘ Bruxelles nous interdit d’aborder ce sujet. ‘
‘ Ce n’est pas le rôle de l’Etat de se mêler
d’industrie. ‘
‘ L’image de la notion de politique industrielle est déplorable. ‘Résultat : entre-temps, Taïwan, grâce à des prêts à taux zéro, a réussi à mettre en place l’industrie du semiconducteur que l’on connaît (rien que pour l’électronique, le budget du ministère de
l’Industrie de Taïwan est monté jusqu’à 1,2 milliard d’euros par an vers 1998) et l’industrie des afficheurs plats s’est édifiée en Asie et non en Europe. En un peu plus de vingt ans, la part de l’industrie en
général est passée en France de 30 % du PNB à 15 %.Est-ce cela qui inquiète le plus le pouvoir politique ? Pas vraiment. C’est l’une des conséquences qui inquiète : le chômage. Et, comme par miracle, le milieu politique remonte aux sources. Citons Jean-Pierre
Raffarin : ‘ Nous souhaitons que se construise autour de très grands pôles une véritable politique industrielle européenne, dans laquelle la France puisse jouer un rôle fort, de manière à ce que nous puissions lutter
contre les délocalisations. ‘Bien. Mais il ne faudrait pas oublier pour autant quelques préalables : d’abord réaffirmer haut et fort que l’objectif n’est pas de soutenir à fonds perdus des sociétés éternellement subventionnées comme Bull.
Il s’agit là de l’image très négative attachée à la notion de politique industrielle, et à juste titre. Ensuite, comme en toutes choses, il convient de définir des priorités : elles ne peuvent pas être de
‘ devenir bon en tout ‘. Il faudrait enfin évoquer des moyens pour retrouver une industrie forte, et les meilleurs moyens sont d’une part des grands programmes mobilisateurs qui courent sur plus
de quatre ans et qui ‘ obligent ‘ à innover, et, d’autre part, des possibilités de financement adaptées. Tout programme mobilisateur sous-entend en effet des prises de risques, en particulier le risque
d’arriver trop tôt sur le marché avec des solutions innovantes.Priorités : électronique, logiciels, télécoms Pour l’instant, les priorités sectorielles fusent de partout. Citons encore notre Premier ministre, en l’occurrence très opportuniste :
‘ L’industrie ferroviaire, l’industrie pharmaceutique, l’agroalimentaire, les télécommunications, l’espace, l’aéronautique et le nucléaire. ‘. Cette liste ne dégage
malheureusement pas nettement le fil conducteur d’une réflexion globale et ne reflète que partiellement une base de politique industrielle conçue pour le long terme. Une telle base devrait certes tenir compte à la fois de nos savoir-faire et
de nos spécialités historiques, mais surtout des futurs besoins mondiaux nécessitant des matériels à forte valeur ajoutée. Elle devrait si possible s’appuyer sur les aspirations de nos concitoyens, par exemple, pour les thèmes qui nous
intéressent au moins partiellement, la sécurité, la communication au sens large (télécoms mais aussi ‘ l’électronisation ‘ des infrastructures de transport), et l’énergie en général, y compris les économies
d’énergie et les énergies nouvelles.Au c?”ur de l’innovation de presque toutes les industries et même des services, les technologies de base sont en tout cas aujourd’hui l’électronique, les logiciels et les télécommunications. Elles devraient
constituer la priorité des priorités. Pour l’instant, les aspirations des pouvoirs publics ne sont pas en contradiction avec ce qui est souhaitable pour le long terme. Il y a seulement danger de dérive.* Directeur de la rédaction d’Electronique International Hebdo
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