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Les pouvoirs publics ne veulent que des sociétés mastodontes : une erreur

Nos pouvoirs publics négligent trop les sociétés d’importance moyenne, au chiffre d’affaires compris entre 100 M? et 1 000 M?. La qualité de notre tissu industriel est pourtant en jeu.

Nos pouvoirs publics tiennent à ce qu’Alstom reste une ‘ grosse ‘ société. Ils se sont réjouis de la fusion Snecma-Sagem. Ils poussent à la roue pour un rapprochement Thales-EADS. En fait, depuis la
période de réindustrialisation initiée par le général de Gaulle, ils appellent de leurs v?”ux la naissance de pôles industriels forts capables de rivaliser avec les géants mondiaux sur la scène internationale.Rien à redire à cela puisque l’expérience montre que les géants internationaux figurant parmi les trois premiers de leur secteur ont un potentiel de survie ou de croissance nettement supérieur aux autres (accessoirement,
c’est aussi politiquement bon pour le ‘ cocorico ‘).Mais il ne faudrait pas que ces géants se créent au détriment des sociétés d’importance moyenne. Car une société moyenne peut très bien, elle aussi, être le leader mondial de son secteur ; les numéros un mondiaux des
planeurs ou des balances de précision par exemple sont allemands et vivent très bien : ils n’ont pas besoin d’appartenir à un grand groupe.Leur force, c’est un savoir-faire dans une ou deux spécialités, savoir-faire exclusif qui peut justifier le prix de vente élevé de leurs produits, nécessaire à leur survie en Europe. Ces sociétés de 100 M? à
1 000 M? de CA ont en général un patron qui connaît bien les rouages de l’entreprise et qui n’hésite pas à aller sur le terrain rencontrer les clients.D’où une capacité de réaction et d’initiative rapide, une bonne prise en compte des compétences humaines internes, et des probabilités d’erreurs plus faibles que chez les mastodontes ; des erreurs de
diversification telles que celles qu’a pu faire Intel ces dernières années, par exemple, sont alors réduites.Ce niveau de chiffre d’affaires autorise malgré tout en principe l’exploitation des outils de réussite des grands tels l’internationalisation, la participation aux programmes de recherche de Bruxelles, le lobbying
ou le renseignement. Il peut certes arriver que, pour ces sociétés, le contexte change et les fragilise rapidement.Qu’un ‘ gros ‘ par exemple ait un réseau de vente qui s’avère idéal pour les produits du ‘ moyen ‘. Le patron du ‘ moyen ‘ sera alors le mieux
placé pour savoir se vendre au bon prix, au bon moment, et avec le moins de casse possible. C’est la vie.Ce sera d’ailleurs aussi peut-être pour des petits (moins de 100 M?) l’occasion d’occuper des bouts de place laissés vides par les plus gros. En faisant mieux. Les nouveaux arrivants ont toujours une
motivation extraordinaire qui leur donne une chance supplémentaire de réussite face aux ‘ micro-immobilismes ‘ des plus grosses structures.Pour des raisons historiques, la France a 9 sociétés importantes en électronique contre 6 pour l’Allemagne (voir notre numéro du 11 novembre, page 14). Mais la distribution allemande fait un chiffre d’affaires trois
fois supérieur à celui de la distribution française.C’est bien que notre tissu de sociétés moyennes est déficient en électronique. Et s’il est déficient, c’est qu’il est obligé de subir tous les inconvénients du contexte français sans pouvoir bénéficier
pleinement de ses quelques avantages.Il ne faudrait surtout pas que nos sociétés moyennes se retrouvent de fait au service des mastodontes. Elles devraient pouvoir au contraire trouver localement des ressources pour figurer parmi les trois premières mondiales de leur
spécialité : si les exportations allemandes se portent relativement bien, ce n’est pas seulement grâce à Siemens.Sans compter que les structures moyennes ont souvent moins avantage à délocaliser que les grosses (pour des questions de coût indirect de la logistique, de protection du savoir-faire et de just-in-time). Elles
savent par contre externaliser tout ce qui n’est pas leur c?”ur de métier et font vivre ainsi d’autres structures, plus petites et plus régionales.* Directeur de la rédaction d’ Electronique International HebdoProchaine chronique jeudi 16 décembre

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Jean-Pierre Della Mussia*