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Les portails WAP à la recherche d’un modèle économique

Les temps sont durs pour les portails WAP indépendants. Pour survivre sans marché de masse, ils imaginent de nouveaux modèles économiques et se tournent vers les entreprises.

Nous tablions sur cinquante mille visiteurs à la fin 2000. En réalité, nous n’avons que deux mille utilisateurs WAP inscrits”, constate Yvon Corcia, patron du portail Aladdino. Le raz-de-marée WAP que tout le monde attendait n’a pas eu lieu. Et Aladdino n’est pas le seul à dresser ce constat : Wappup, un autre portail indépendant, reconna”t n’avoir que ” quelques milliers ” de visiteurs, alors qu’il doit dépasser la barre des deux cent cinquante mille d’ici à la fin de l’année pour atteindre l’équilibre financier. Les portails mobiles indépendants sont inquiets, car tous leurs modèles économiques reposent sur leur audience. Le nerf de la guerre, pour eux, c’est le trafic qu’ils génèrent. Or, aujourd’hui, les visiteurs ne sont pas au rendez-vous. Les modèles mis en place ont donc du mal à être validés.

Le WAP générateur de temps de connexion

Pour le moment, seuls les opérateurs GSM tirent des bénéfices du WAP : une augmentation de la facture par abonné. Pour utiliser ces nouveaux services, en effet, les abonnés GSM consomment plus de minutes de communication. “Un opérateur mobile peut vouloir créer un portail WAP. Ne serait-ce que pour accroître le trafic sur son réseau”, confirme Stéphane Piot, consultant chez Analysys. Ainsi, NTT DoCoMo, avec son service i-Mode, a vu la facture moyenne de ses abonnés progresser de 20 à 30 % grâce à l’augmentation du trafic sur son réseau. Les portails indépendants, qui sont mis à l’écart de cette manne, militent aujourd’hui pour toucher – à l’image de l’internet fixe – des reversements sur le trafic généré. “Si les opérateurs veulent préparer l’avenir, ils ont intérêt à ce que d’autres acteurs distribuent des services. Pour cela, ils doivent partager la seule source de revenus qui existe à ce jour, c’est-à-dire le temps de connexion”, milite Jean-Pierre Le Rudulier, directeur Europe du Sud de M-Viva, le portail WAP du distributeur The Phone House.Reste que, à ce jour, dans l’Hexagone, les opérateurs dictent leur loi ; même si, tôt au tard, ils devront se résoudre à lâcher du lest. “Le revenu des minutes de communication va chuter, alors que la valeur des contenus – les services de localisation, par exemple – va monter en flèche, prévoit Julien Jauffret, consultant chez Arcome. Plus les services seront utilisés, et plus les fournisseurs de contenu et les portails indépendants auront du poids sur l’opérateur pour négocier des reversements importants.” Néanmoins, personne ne sait quand ces fameux services deviendront réalité.En attendant, le référencement, comme avec les portails web, devait permettre aux portails WAP de générer du chiffre. Le principe est simple : un fournisseur de contenu ou un marchand doit payer un droit d’entrée pour figurer sur le portail. Wappup appelle cela le principe des têtes de gondole : celui qui veut être le mieux placé dans sa catégorie doit payer.

Un modèle qui n’est plus dactualité

Si ce modèle fonctionnait bien aux prémices du WAP, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les fournisseurs de contenu, qui ont déjà investi lourdement, ne veulent plus payer. Surtout quand les promesses de trafic ne sont pas au rendez-vous. Pire, lorsqu’ils estiment que leur contenu génère plus de trafic que le portail ne lui amène de clients, ils exigent d’être rémunérés. “Depuis août ou septembre, le modèle s’est inversé. Ce sont les fournisseurs de contenu qui demandent aux portails de les payer”, confirme Pascal Thomas, ancien directeur du développement de Cosmobilis, un projet de portail WAP qui n’a pu voir le jour faute de liquidités. Les opérateurs sont, eux aussi, confrontés au problème : “Sur les soixante-trois partenaires que nous avons, une majorité sont des start up, explique Jean-Luc Gonzalez, directeur multimédia de Bouygues Telecom. Le but du jeu n’est évidemment pas de les étrangler. Nous négocions en fonction de ce que chacun apporte dans la balance. Nous pouvons leur acheter des licences dans certains cas, échanger leur contenu contre une bonne visibilité sur notre site, ou encore leur proposer des reversements en fonction du trafic qu’ils génèrent.”En effet, les services WAP étant, pour l’instant, gratuits, il faut bien que quelqu’un paye. “Le tout-gratuit n’est qu’un modèle d’appel vers un nouveau média”, estime ainsi Jean-Luc Gonzalez. Il prévoit donc la multiplication des services par abonnement ou par paiement à l’acte. Une opinion partagée par Antoine Duboscq, patron de Wappup : “Pour que la filière devienne rentable, il faudra fournir des services à valeur ajoutée, que le consommateur sera prêt à payer. Mais, actuellement, le marché n’est pas assez mature.” De fait, les revenus publicitaires et les commissions perçues sur les achats effectués grâce aux portails WAP sont inexistants. Résultat, les sites doivent toujours faire face à de lourdes dépenses pour de bien maigres recettes. “Aujourd’hui, sur le WAP, il est impossible d’être autofinancé. A moins de lever énormément de fonds. Mais comme actuellement c’est quasiment impossible, il faut avoir un grand groupe derrière soi”, tranche Jean-Pierre Le Rudulier, de M-Viva.Pour tenir jusqu’à ce que le WAP devienne réellement un marché de masse, les portails ont désormais tendance à se tourner vers les entreprises. Ils se proposent de leur vendre des briques logicielles, d’héberger leur intranet mobile, ou, tout simplement, de leur louer les applications. Ainsi, ils retrouvent un modèle économique classique et éprouvé : celui d’un éditeur de logiciels. Ils sont alors rémunérés sous forme d’abonnement ou de licence.Aladdino, par exemple, prévoit de réaliser cette année – à la fois sur le WAP et sur les assistants personnels – 14 millions de francs auprès des entreprises, soit près de la moitié de son chiffre d’affaires. Wappup, qui souhaite en plus devenir une ” agence WAP “, prévoit que les prestations d’entreprise pèseront pour les deux tiers de ses revenus. Mais attention, les trois opérateurs GSM sont également sur les rangs. Itinéris, qui a lancé son offre en septembre dernier via sa filiale MIB (Mobile Internet Business), revendique déjà plus de cinq cents entreprises clientes. Après l’euphorie grand public de l’an passé, les acteurs ont réalisé que c’était avec les professionnels qu’ils pouvaient générer de la valeur. Et 2001 pourrait bien être l’année du WAP entreprise.

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Claire Chevrier