Le fait est là : les ondes radio émi- ses par les mobiles GSM ont un effet sur les êtres vivants, même à puissance faible. Plusieurs équipes de chercheurs différentes l’ont démontré sans ambiguïté, contrairement à ce que l’on pensait il y encore quelques années (voir l’encadré). La question est de savoir si ces effets sont dangereux pour la santé, ce que l’on ignore encore. . . En avril dernier, Micro Hebdo (n?’ 53) rapportait l’expérience du professeur Madeleine Bastide, immunologiste à l’université de Montpellier I. Un simple mobile posé au-dessus d’?”ufs de poules en incubation avait provoqué une hécatombe chez les embryons de poulets : 60 % n’avaient pas survécu à ce ” coup de téléphone “, alors que le taux de mortalité n’atteignait que 10 % chez les embryons non exposés. D’autres travaux ont montré la possibilité d’effets à l’échelle moléculaire ou sur le développement de tumeurs, et les soupçons se sont étendus aux antennes émettrices que les opérateurs installent un peu partout. Mais aucun résultat certain n’a pu être obtenu à ce jour.
Rumeurs sur les ondes
Malheureusement, le débat scientifique s’est vite transformé en foire d’empoigne médiatisée. Que le marché du mobile soit actuellement l’un des plus juteux du monde a alimenté les pires suppositions : les chercheurs démontrant l’innocuité des micro-ondes seraient à la solde des fabricants, tandis que ceux ayant découvert un risque seraient interdits de publication, voire menacés. Aux Etats-Unis, cette rumeur est alimentée chaque fois qu’un laboratoire abandonne ses travaux. Motorola aurait ainsi cessé de financer l’université de Californie pour cette raison, tandis que le professeur Henry Lai, de l’université de Washington, à Seattle, a vu se tarir les subsides gouvernementaux au moment où il découvrait que les micro-ondes pouvaient détruire des brins d’ADN.
Résultats contradictoires
Quant à notre enquête d’avril, elle révélait que les travaux de Madeleine Bastide étaient partiellement financés par un fabricant d’oreillettes protectrices. . . “Mais en toute petite partie !”, précise la scientifique. Il est vrai que les laboratoires de recherche doivent souvent, en France comme ailleurs, chercher de l’argent auprès des entreprises privées, ce qui favorise les soupçons.
En Europe, une émission de la BBC puis le magazine Envoyé Spécial, le 21 octobre, a relancé le débat sur la place publique et présenté l’affaire sous un jour assez inquiétant.
Si l’on y regarde de plus près, on tombe sur un véritable problème scientifique, avec tout ce qui fait le quotidien du chercheur, mais déroute le profane : des travaux sont présentés, publiés, critiqués, mis en doute, tandis que d’autres fournissent des résultats complètement contradictoires. Les tenants de l’innocuité autant que les “mobilophobes” peuvent donc trouver des arguments propres à conforter leurs propres thèses.
Mais on peut tout de même dégager quelques pistes. Celle de Madeleine Bastide innocenterait les micro-ondes et orienterait les soupçons vers les ondes à très basses fréquences (voir l’encadré). Cependant, la piste ne va pas plus loin : ces travaux n’ont toujours pas été publiés, ce qui, dans le monde scientifique, signifie qu’ils n’ont encore aucune valeur, puisqu’on ne peut pas exactement savoir comment s’est déroulée l’expérience.
En revanche, une équipe suédoise de l’université de Lund a présenté, lors d’un colloque à Toronto, un résultat peut-être moins spectaculaire, mais finalement plus embarrassant : chez des rats soumis durant deux heures à des ondes de 915 MHz (quasiment du GSM), deux protéines du sang, l’albumine et le fibrinogène, diffusent dans le cerveau, alors que chez les autres rats, la barrière hémato-encéphalique interdit ces escapades. Une protection, précisent les chercheurs suédois, qui fonctionne identiquement chez l’homme.
Rendez-vous dans quelques années
D’autres résultats, eux, montreraient que l’albumine serait nocive à l’intérieur du cerveau, mais cette analyse reste douteuse. Ce même trio de chercheurs suédois a également étudié l’effet des ondes du GSM sur la croissance des tumeurs, toujours chez le rat. Avec un résultat négatif : les micro-ondes n’ont aucun effet.
Enfin, lors de ce même colloque, Henry Lai a montré des micro-ondes brisant net des brins d’ADN, mais la fréquence utilisée est celle des fours (2 450 MHz). Ces résultats viennent s’ajouter à d’autres et ne portent pas toujours sur les mêmes fréquences, ni sur les mêmes puissances et effets. L’un d’eux aurait, chez l’homme, montré une élévation de la pression artérielle d’ampleur sans conséquence, après l’utilisation d’un mobile.
Bref, on s’y perd un peu. Mais nous en saurons peut-être davantage… dans quelques années. Car, si, aux Etats-Unis, les travaux se sont raréfiés, l’Europe prend le problème au sérieux. En France, le projet Comobio a démarré depuis le mois de mai avec un budget de 12 millions de francs sur deux ans. Des fabricants (Alcatel et Sagem) et les trois opérateurs (France Télécom, Bouygues Telecom et Cegetel) figurent parmi les participants, mais uniquement pour le volet technique. Les autres parties relèvent pour la plupart des laboratoires universitaires, qui s’attachent aux effets éventuels des ondes au niveau de la tête.
Risques faibles… à ce jour
Une autre étude, franco-anglaise, a commencé grâce au Centre international de recherche sur le cancer. Il s’agit d’épidémiologie, c’est-à-dire du dépouillement minutieux de cas cliniques pour déceler d’éventuelles maladies liées à l’utilisation de mobiles. On saura alors si le portable a conduit des personnes à l’hôpital. . .
Globalement, on peut conclure que les recherches les plus alarmistes ne démontrent qu’un risque faible. Appliquer le principe de protection et interdire les mobiles jusqu’à plus ample information serait déraisonnable. Les plus sereins observeront que, pour l’instant, tout va bien… Les autres réfléchiront à deux fois avant de téléphoner !
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