Seulement quelques mois après la mise en ligne des premières places de marché, se pose déjà la question du respect des règles de concurrence sur ces nouveaux espaces d’échanges commerciaux. Au point que la Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) vient d’organiser à Bercy un séminaire sur le sujet. Et cela alors qu’aucun contentieux ni aucune saisine du conseil de la concurrence relatifs aux places de marché sur internet n’ont encore été signalés. Mais les enjeux financiers sont considérables. “ Une structure comme le World Wide Retail Exchange (WWRE), réunissait déjà à la fin 2000 une cinquantaine d’acteurs du secteur de la grande distribution, souligne Michel Ponsard, avocat associé du cabinet UGGC. Ce qui représente un chiffre d’affaires de plus de 800 milliards d’euros (5 247 milliards de francs) et une puissance d’achat qui frôle les 700 milliards d’euros. “
Revenir à l’égalité de traitement
Mais pour que lesdites places de marché ne se transforment pas en ” clubs privés ” affranchis de toute loi, le gendarme de la concurrence consacre désormais une personne à temps plein au suivi de cette matière. “Un centre de surveillance du commerce électronique a ainsi été crée au sein de la DGCCRF, explique Me Nicolas Charbit du cabinet Allen & Overy. Mais il veille pour l’instant aux seules relations B to C, dans le but de protéger le consommateur. Il devrait traiter prochainement des échanges B to B. ” Parmi les aspects particulièrement étudiés : la question de l’accès restreint. En principe, tous les membres de la place de marché doivent bénéficier des mêmes prérogatives, qu’ils fassent ou non partis des fondateurs de la structure. Un point de vue pas forcément partagé par les créateurs qui peuvent souhaiter offrir des conditions préférentielles à leurs premiers clients.” L’inégalité de traitement semble faire partie de la relation B to B, tempère Xavier de Cuverville, directeur marketing de B2build, une place de marché réservée aux professionnels de la construction. Il est évident que celui qui achète plus n’aura pas les mêmes conditions que celui qui commande des montants symboliques “. Autre nécessité : la pluralité de choix.“Hormis la période de démarrage de l’activité, où des clauses d’exclusivité peuvent être tolérées, il est primordial que les adhérents puissent effectuer des transactions en dehors du groupement. Et qu’ils soient autorisés à collaborer avec d’autres entités, dans la mesure où cette relation ne porte évidemment pas préjudice à leur premier engagement “, insiste Me Nicolas Charbit.Du côté de la DGCCRF, on estime qu’il n’y a pas de risques anticoncurrentiels si les parts de marché cumulées des entreprises concernées par une transaction sont inférieures à 15 %. Et ils s’interrogent sur la manière dont les enquêteurs pourront accéder auxdites places de marché pour les surveiller, comme ils le font en se promenant dans les rayons des commerces traditionnels. Bénéficieront-ils alors d’un code d’accès spécifique ? En matière de réglementation, les services du ministère des finances ne peuvent pas encore s’inspirer des pratiques de leurs homologues américains, puisque le Département de la Justice et la Federal Trade Commission se contentent pour l’instant d’observer ce marché sans prendre juridiquement position. À ce jour, aucune notification préalable à la DGCCRF n’est nécessaire avant d’ouvrir une place de marché en ligne. Seule certitude pour l’avenir : le droit des places de marché devrait ressembler trait pour trait au Code de la concurrence et à la législation sur les ententes. En plus strict. Car seule la technologie internet permet d’envisager un catalogue de tarifs ou de produits qui peut varier en fonction de chaque client. Voire un site vitrine qui changerait d’aspect selon le profil de l’internaute. Autant de démonstrations de souplesse que certains appellent du marketing particulièrement ciblé… ou une concurrence pure et parfaite pas franchement respectée. Tout est une question de point de vue !
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