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Les pauvres ne savent pas ce qu’ils gagnent

Les icônes communistes sont déboulonnées. La Net-économie va-t-elle transformer les travailleurs en joyeux boursiers?

Il est de bon ton, de nos jours, de se moquer bruyamment des icônes communistes. Robespierre, Marx, Lénine et Gandhi ?” les mêmes que sur le plan de Bobigny ?” l’ont mauvaise : grâce à la Net-économie, plus la peine de bosser, plus besoin de travailleurs, plus de drapeau rouge. On respire mieux dans les Hauts-de-Seine. Et donc, puisqu’on n’a plus peur, on se gausse.Chômeur en fin de droits, sauvageon des banlieues et autre oublié de la croissance, tu n’apprécies pas ton bonheur. Tu n’as qu’à miser ton RMI sur Internet pour faire péter le livret A. Fa-cile. Connecte-toi vers 8 heures du mat’ pour prendre la température des marchés. Investis ta thune dans une start-up bien cotée au Nasdaq. Le temps d’aller faire pisser le rottweiller, te voilà plus riche que MC Solaar et Djamel Debbouze réunis. Consacre le reste de l’aprèm’ au catalogue BMW.On objecte à Bobigny que pour se brancher sur le Web il faut un ordinateur. Pure mauvaise foi : on en trouve à Confo pour le prix de cinq barrettes de shit. Mon interlocuteur balbygnien me fait encore remarquer qu’il n’a jamais pu boursicoter en ligne, car sa ligne de téléphone est coupée. Si j’étais lui, je remercierais France Télécom de lui avoir fait gagner du pognon.
Mais si ! Parce que, moi, quand la Bourse sest cassé la gueule, mes économies sont descendues aussi vite que Robespierre, Marx, Lénine et Gandhi des murs du métro. Mais, eux, au moins, il leur reste les rues de Bobigny…Chronique parue 29 avril

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Pierre Grumberg