Les gouvernements vont-ils revoir les modalités d’obtention des licences UMTS en Europe ? Si tous se refusent encore à remettre en cause les obligations des opérateurs, ils ne subissent pas moins de fortes pressions en ce sens. Ainsi, le commissaire européen Erkki Liikanen vient lui-même d’appeler les Etats membres à s’ouvrir au dialogue avec les opérateurs et les équipementiers, afin de ne pas mettre en péril le développement d’une technologie sur laquelle l’Europe mise pour entrer de plain-pied dans la société de l’information.De leur côté, les opérateurs se préoccupent surtout de leur santé financière. Ce ne sont pas les seuls. Les marchés financiers sont également préoccupés par les volumes de liquidités mobilisés par les emprunts des opérateurs. Le calendrier du retour sur investissement de l’UMTS n’est pas encore clairement établi. Les conséquences s’en ressentent non seulement pour les opérateurs, mais aussi pour les équipementiers télécoms ou les entreprises de services qui gravitent autour des opérateurs. L’avenir de tous ces acteurs est plus ou moins suspendu à la façon dont les opérateurs sauront se désendetter.
Accélérer le désendettement
Après avoir dépensé 130 milliards d’euros en coûts de licences l’année dernière, les opérateurs européens ne disposent plus d’argent frais pour rentabiliser ce colossal investissement. En conséquence, les banques rechignent à leur consentir de nouveaux prêts, alors qu’il leur faut encore, pour la plupart, assurer la maintenance d’un réseau GSM existant. Les signaux financiers sont au rouge, les cours de Bourse au plus bas, et les dettes s’amoncellent, au point de faire vaciller un secteur industriel jusque-là des plus pérennes.L’ endettement de France Télécom, par exemple, est, pour l’année 2000, 16 fois plus important que son résultat net, et près de deux fois plus important que son chiffre d’affaires annuel. L’opérateur néerlandais KPN, qui vient de publier ses résultats, affiche un chiffre d’affaires de 13,5 milliards d’euros, pour une dette de 21,9 milliards d’euros.Selon RatingsDirect, qui fait la synthèse des notations données par les analystes sur la dette des opérateurs, le secteur des télécoms est celui qui a connu le plus de rétrogradation en 2000. Onze opérateurs télécoms ont vu la notation de leur dette rétrogradée parce que les analystes estimaient qu’elle affaiblissait la santé de l’entreprise.Pour Vincent Fravel, analyste financier chez KBC Securities, ” KPN est en fâcheuse posture. Contrairement à France Télécom, il ne dispose que de peu d’actifs non stratégiques dont il pourrait se séparer. Pas plus de 3 ou 4 milliards d’euros. A cause de ses investissements dans l’UMTS, KPN risque la faillite dans les trois ans s’il ne trouve pas de solutions. “Et vu l’état actuel des marchés, KPN ne peut pas compter sur l’unique introduction en Bourse de sa filiale mobile pour assurer son désendettement. Finalement, la situation financière de l’opérateur pourrait précipiter sa fusion avec l’espagnol Telefonica, après une première tentative avortée.
Partager les coûts avec les concurrents…
L’un des scénarios possibles pour financer le déploiement de la technologie UMTS serait de mutualiser la construction de l’infrastructure. Selon les études, les opérateurs pourraient, en s’associant, économiser entre 20 et 40 % du coût global d’un réseau. Seulement, les règles fixées par les régulateurs nationaux ne permettent pas toujours cette possibilité.En Allemagne, MobilCom, Viag Interkom, T-Mobile, Telefonica et E-Plus tentent d’obtenir de la part des autorités le droit de mutualiser la construction des réseaux et, donc, des coûts d’investissement estimés à 5 milliards d’euros le réseau. Cependant, cette demande va à l’encontre du cadre actuel de la convention signée par les opérateurs et le gouvernement allemand. Le même problème se pose au Royaume-Uni.En France, si aucun des opérateurs ne s’est encore prononcé en faveur d’un tel cas de figure, l’Autorité de régulation des télécommunications encourage les opérateurs à mutualiser leurs efforts sur le réseau passif, c’est-à-dire tout ce qui concerne le génie civil (pylones, transpondeurs…). Néanmoins, elle refuse le droit aux opérateurs de construire à plusieurs le réseau actif. Et si le prix des licences reste, au terme de la phase de sélection en cours, à 32,5 milliards d’euros, les opérateurs français seront en butte aux mêmes problématiques que leurs homologues anglais et allemands.
… sans menacer la rentabilité
Pourtant, le principe de mutualisation a lui aussi ses contraintes. Pour Vincent Fravel, ” le problème est que les opérateurs refusent de partager leurs revenus sur les zones urbaines, là où ils gagneront le plus d’argent. Si les opérateurs mutualisaient leurs réseaux, il y aurait de grandes chances que cela ne concerne au final que les zones rurales. Autrement dit, la baisse des coûts ne pourrait pas être supérieure à 20 %. “Ainsi, pour de ne pas mettre en péril leur activité, les opérateurs européens militent vigoureusement afin que soient revues les obligations affectées à l’obtention des licences. S’il leur sera difficile de faire revoir le prix de celles-ci à la baisse, leurs demandes portent sur de nombreux points qui pourraient leur donner un bol d’air : les obligations de couvertures géographiques, la durée de l’exploitation des licences, la mutualisation des réseaux…” Il y a eu un enthousiasme fou autour de l’UMTS qui a donné lieu à des surenchères, déclare Vincent Fravel. Même s’il est vrai que les opérateurs étaient conscients des dépenses que cela engendrerait, il est aussi vrai qu’ils n’avaient pas d’autres choix pour trouver un relais de croissance. D’autant que le marché de la téléphonie fixe était ouvert à la concurrence. Pour eux, le seul relais de croissance était le mobile, sauf que le marché de l’UMTS a été surestimé ! Finalement, les gouvernements auraient dû allouer les licences gratuites, comme en Finlande. Ne serait-ce que parce que les opérateurs sont de très grands employeurs [un million de salariés en 1998, NDLR ]. “
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.