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Les opérateurs à la veille d’échéances cruciales

La pression monte d’un cran pour France Télécom, mais aussi pour ses concurrents. À quelques semaines de l’élection présidentielle, les principaux candidats dévoilent leurs projets afin de relancer les accès hauts débits dans l’Hexagone. La place du régulateur est également au c?”ur du débat.

C’est peu dire que, à la veille d’importantes échéances électorales, les opérateurs présents dans l’Hexagone sont sous tension. La situation de France Télécom, eu égard au montant de sa dette, est connue depuis de nombreux mois. Désormais publiquement mis en cause pour sa stratégie internationale et ses nécessaires dépréciations d’actifs, l’opérateur public a vu la pression s’accentuer au cours de ces dernières semaines.

Une levée de boucliers

Pendant ce temps, ses concurrents ?” du moins ce qu’il en reste ?” sont aux abois, même si certains, comme Cegetel ou Bouygues Telecom, résistent plutôt bien. Que penser, en revanche, de la situation des plus malmenés, tels 9 Télécom ou les opérateurs de BLR ?Le climat est donc particulièrement morose, et d’autant plus tendu que les concurrents de France Télécom n’hésitent plus à dénoncer, mezza voce, le comportement de l’Autorité de régulation des télécommunications (ART) et/ou du gouvernement. “Sur les grands dossiers (préfixes, dégroupage, service universel, BLR, UMTS), il n’y a pas de quoi pavoiser”, relève François Maire, président de l’Association française des opérateurs de réseaux et services (Afors). “L’ART a des pouvoirs certains, mais ne les utilise qu’à doses homéopathiques, et sur des sujets mineurs”, estime Philippe Germond, président de Cegetel, qui déplore le manque de moyens de l’Autorité. “On ne peut pas attendre que le monopole se réinstalle ou que la concurrence disparaisse pour agir. Il faut remettre le système à plat”, explique-t-il.Sans compter la question de la dette et des développements de France Télécom à l’étranger, dont “il ne faudrait pas que les consommateurs français deviennent l’otage”, avertit un concurrent de tout premier plan.Alors, que pensent les principaux candidats à l’élection présidentielle de cette situation ? On connaît les positions franchement libérales d’Alain Madelin sur la déréglementation et celles, ultraconservatrices, d’Arlette Laguiller ou de Robert Hue. À quelques semaines d’échéances électorales qui pourraient indirectement contribuer à redistribuer les cartes dans les télécoms, 01 Réseaux a sollicité Jean-Pierre Chevènement, Jacques Chirac et Lionel Jospin, afin de connaître leur position sur les grands dossiers du secteur (réponses disponibles dans leur intégralité sur 01net.com).Il est vrai que, au-delà des incantations, il y a désormais urgence. “Une libéralisation totale mal conduite risque de déboucher, à terme, sur des catastrophes, comme on le voit pour l’électricité en Californie ou pour le rail en Grande-Bretagne”, considère Jean-Pierre Chevènement, pour qui la défense de “l’intérêt général” doit passer avant toute autre considération. “La concurrence doit être favorisée, afin d’accélérer la baisse des tarifs”, estime Jacques Chirac, qui évoque également l’“intérêt général”, tandis que Lionel Jospin plaide, lui, pour un “juste équilibre entre l’ensemble des acteurs en favorisant le développement continu de la concurrence”.

Des prix de gros supérieurs aux prix de détail !

Le grand chantier de l’Internet rapide et du dégroupage est également au c?”ur de la campagne. “On n’a jamais vu cela, les prix de gros sont supérieurs aux prix de détail, s’insurge Philippe Germond, qui dénonce le monopole de France Télécom dans les hauts débits.” Vue des candidats, la question ne se pose pas nécessairement dans les mêmes termes. “En France, le taux de foyers connectés à Internet est inférieur de près de 40 % à la moyenne européenne”, regrette Jacques Chirac. Et la proposition de Lionel Jospin de connecter chaque citoyen à 2 Mbit/s d’ici à 2005 ? “C’est bien, mais il faut dire comment l’on fait, répond le président sortant, pour qui il ne faudrait pas refaire les erreurs du plan câble.”
“Cette proposition est irréaliste, tranche Jean-Pierre Chevènement, qui considère comme douteux que le candidat Jospin se donne les moyens de tenir cette promesse électorale.”Le Premier ministre, lui, justifie le bien-fondé de sa proposition par le rôle central qu’il entend faire jouer aux collectivités locales, à la Caisse des dépôts, à la Datar, aux contrats de plan État-régions, ainsi qu’aux pylônes d’EDF… Pour Jacques Chirac, le développement des accès hauts débits passe par “la concurrence sur la boucle locale téléphonique, [ce qui] suppose que les barrières tarifaires et non tarifaires opposées aux nouveaux opérateurs soient levées. L’État, en tant qu’actionnaire majoritaire de France Télécom, a dès aujourd’hui les moyens de l’imposer”. Toujours bon à savoir pour le président de France Télécom, Michel Bon, auquel on prête la formule selon laquelle “chaque semaine qui passe est une semaine de gagnée pour le dégroupage”.Pour Lionel Jospin ?” qui dément vigoureusement que la France soit à la traîne ?”, “il faut accélérer la mise en ?”uvre du dégroupage (…) et faire baisser de façon significative les coûts d’accès au réseau”. Une litote, à l’heure où la Commission de Bruxelles menace la France de la déférer devant la Cour de justice de Luxembourg, précisément pour ne pas avoir mis en ?”uvre le dégroupage avec suffisamment de célérité ! Jean-Pierre Chevènement situe, lui, le débat sur un autre terrain : “Je propose d’élargir le service universel aux accès hauts débits [afin de les rendre disponibles] sur tout le territoire à un prix abordable.”

Bercy en concurrence avec l’ART

Côté organisation de la régulation, les positions sont également assez tranchées. Le plus audacieux est sans doute Lionel Jospin, qui rend hommage à la “vigilance” avec laquelle l’ART exerce sa mission et recommande la création d’un “régulateur européen des télécommunications” (avec une présidence tournante) compétent dans un certain nombre de domaines (numérotation, répartition des fréquences, gestion des serveurs racines, noms de domaine, dorsales à hauts débits). Pour le reste, il préconise un renforcement des pouvoirs de l’Autorité en matière d’interconnexion, de dégroupage et de sanctions.Même son de cloche chez Jacques Chirac pour ce qui est du “renforcement” des pouvoirs de l’ART, afin de lui permettre d’intervenir de “manière plus claire, plus rapide et plus indépendante”. Quant à la position de Jean-Pierre Chevènement, elle est sans ambiguïté : au-delà d’une meilleure efficacité, “l’ART doit aussi pouvoir recevoir des directives publiques de politique générale du gouvernement”. Une prise de position dont il n’est pas certain qu’elle soit compatible avec le droit communautaire !Reste le problème de fond ?” sur lequel aucun candidat ne s’exprime : “Il y a en réalité deux instances de régulation : l’ART d’une part, et Bercy (par le biais de l’homologation des tarifs de France Télécom) de l’autre. Il faudrait recentrer le dispositif sur l’ART”, estime Thierry Miléo, directeur général de FirstMark France. Une situation qui n’est visiblement pas près d’évoluer tant que l’État sera le principal actionnaire de l’opérateur public. Autant dire que, sur cette question, la plupart des candidats marchent sur des ?”ufs…Les entourages des candidats ont été sollicités début mars, en fonction du niveau des intentions de vote en leur faveur ; ce tour d’horizon a été réalisé grâce au concours de Sébastien Crozier (Jean-Pierre Chevènement), Émilie Delpit et Valérie Pécresse (Jacques Chirac), et Olivier Ferrand et Jean-Noël Tronc (Lionel Jospin).

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Henri Bessières