Passer au contenu

Les NTIC menacent-elles l’emploi ?

Les syndicats se méfient des processus d’automatisation et des progiciels de gestion intégrés. Aussi bien en termes de redéfinition des qualifications que de compression des effectifs.

Dans un climat de tensions économiques, l’antique peur de l’homme remplacé par la machine ressurgit comme un réflexe de Pavlov. Rappelons les faits : les sociétés de services en ingénierie informatique (SSII) et éditeurs de logiciels étoffent leurs équipes pour pourvoir à une demande croissante des entreprises, qui modifient leurs systèmes d’information ou leurs outils de gestion de la relation client. “Les entreprises cherchent à faire autant pour moins cher”, constate Roger Abehassera, directeur de la division services de Microsoft France.De là à en déduire qu’elles peuvent ainsi éviter de créer de nouveaux postes tout en poursuivant leur croissance est un raccourci que refuse d’emprunter Didier Herrmann, membre du directoire de la SSII Unilog : “Que les entreprises fassent évoluer leur système d’information dans des optiques de gain de temps, de productivité et éventuellement d’économie d’effectifs, cela a toujours été le cas. Mais actuellement, ce n’est pas leur priorité. La mise en place de ces outils vise avant tout à favoriser la conquête de nouveaux clients.” Et à répondre aux besoins des sociétés qui “adoptent dorénavant une logique inter-entreprises et non plus intra-entreprise”, poursuit Karim Mokhnachi, le directeur marketing et des alliances de SAP France, spécialiste des progiciels de gestion intégrés (PGI).Les syndicats en conviennent : ces nouveaux systèmes PGI bouleversent avant tout l’organisation du travail. Chez Arcelor (ex-Usinor), Dominique Plumion, délégué syndical CFDT, n’hésite pas à parler de révolution : “Cet empilage de logiciels crée un système tentaculaire qui vient entourer la maison.” Avant de rappeler que l’automatisation et l’informatisation ont entraîné une baisse des effectifs sur le site Usinor de Florange. En l’espace de trente ans, depuis 1976, ils sont passés de 7 117 à 3 300. “Mais les informaticiens ont encore du travail pour quelques années”, avance son homologue Christian Chaumont. Tout en précisant que l’organisation syndicale manque de visibilité quant à l’impact de ces solutions en termes d’emplois.Emmanuel Couvreur, délégué CFDT chez Renault, assure que “le système SAP, mis en place dans certains services ?” comme les achats ou la comptabilité ?” conduit à une réduction des étapes intermédiaires dans le traitement de l’information. Tout le personnel administratif en subit le contrecoup “. Toutefois, le syndicaliste reconnaît qu’il est difficile de mesurer les conséquences exactes sur les effectifs. Car il faut prendre en compte le nombre de départs en retraite ou encore l’externalisation de certains services.

Les syndicats perplexes

À titre d’exemple, Informatique Renault compte 1 000 postes en interne et 1 000 autres en sous-traitance. “C’est un vrai jeu de piste”, lâche Emmanuel Couvreur, avant de rappeler que l’ex-régie aura embauché 7 000 personnes sur la période allant de 1999 à 2004, pour pallier les 10 500 départs en retraite . “L’évolution reste positive par rapport aux plans sociaux de 1985 à 1998”, observe-t-il. En revanche, le gain de productivité auquel doit mener un système PGI laisse le syndicaliste perplexe : “Nous sommes réservés sur l’efficacité de ces solutions”, précise-t-il. Serge Corfa, délégué syndical CFDT du groupe Carrefour, affiche un même scepticisme : “Le groupe cherche à rationaliser les coûts dans le service de la logistique. Pour l’instant, cela marche plutôt mal.” Le représentant fait part de ses inquiétudes en termes d’emplois d’ici à 2003 dans ce département, tout en spécifiant que Carrefour poursuit les embauches, mais “transforme aussi les emplois “.Son homologue de la CGT confirme qu’“il y a de moins de moins d’administratifs et plus de salariés sur la surface de vente “. Dans les banques, qui déploient elles aussi des systèmes de gestion de la relation clients (GRC), Sébastien Buciri, délégué national de FO au Crédit lyonnais, prévoit que “la révolution [en termes d’emplois] se fera plus tard “. Alors “la fin du travail”, envisagée par le philosophe André Gorz dans Métamorphoses du travail, quête de sens, est-elle vraiment pour demain ?

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Valérie Quélier