L’envolée des marchés boursiers des deux ou trois dernières années, en particulier aux États-Unis, a fait exploser le nombre de millionnaires. Selon le dernier rapport de Merrill Lynch, 7 millions de personnes dans le monde possèdent plus de 1 million de dollars (hors résidence principale) et parmi elles 2,5 millions habitent aux États-Unis et 2,2 millions en Europe. Elles étaient 6 millions en 1998. Les super-riches ?” à plus de 5 millions de dollars ?” sont 600 000 aux États-Unis, et ils sont encore 55 000, au-delà de 30 millions, sur la planète.Rien de nouveau sous le soleil, me direz-vous. Les riches deviennent plus riches ?” les ventes de diamants chez De Beers et celles de foulards chez Hermès battront les records cette année ?” et l’observation de l’Histoire (l’émergence au XIXe siècle d’une classe de rentiers après la première révolution industrielle) pourrait laisser craindre l’avènement d’une ère moins propice à l’innovation et à la mobilité de classe. Erreur ! C’est, à mon avis, le phénomène inverse qui se produit, sous l’action conjuguée de deux facteurs : le profil démographique et sociologique de ces nouveaux riches et l’abondance incroyable des projets d’investissements dans le secteur des technologies.
En Californie, des secrétaires millionnaires bossent encore
Avec la Net-économie, une nouvelle classe est née, celle des jeunes entrepreneurs et des managers dégagés à jamais de l’obligation de travailler pour vivre. Mais, à la différence de leurs ancêtres, ils sont souvent trentenaires, ou à peine quadragénaires, et remplis d’énergie créatrice. On dénombre, dans la Silicon Valley, plusieurs centaines de milliers de personnes dans ce cas. En Europe, la seule petite ville universitaire historique de Cambridge recense entre 500 et 1 000 employés de sociétés high-tech locales devenus millionnaires en livres sterling. La région de Lannion, en Bretagne, pourrait bientôt égaler ce ratio si l’on en juge par le foisonnement de jeunes sociétés d’optoélectronique qui se créent dans le sillage du Cnet (Centre national d’études des télécommunications).Ce nouveau phénomène sociologique bouleverse le rapport traditionnel travail-capital, et l’on imagine déjà la créativité nécessaire pour motiver ces nouveaux employés qui n’ont plus besoin de l’être. Les cas concrets que nous vivons en Californie, où des secrétaires millionnaires continuent à assumer avec enthousiasme (et en général plus de 35 heures par semaine !) leurs responsabilités, indiqueraient plutôt que la notion de patron-exploiteur et employé-exploité ?” donc à protéger par des lois ?” est devenue obsolète dans des pans entiers de l’économie mondiale.
Ils investissent leur fortune dans des projets qui les passionnent
L’existence des nouveaux ” super-riches ” (en général les fondateurs des start-up) a aussi un effet d’entraînement important pour les jeunes entrepreneurs des prochaines générations. Car ces millionnaires de la nouvelle économie ont retiré des marchés financiers assez de liquidités pour être à l’abri du besoin pour le reste de leur vie, et réinvestissent le reste de leur fortune dans les projets qui leur tiennent à c?”ur. Contrairement aux rentiers d’antan, ces entrepreneurs veulent le rester. Aux États-Unis, nombre d’entre eux ont déjà replongé dans une aventure à plein temps : c’est le cas notamment de Marc Andreessen, le fondateur de Netscape, avec sa nouvelle société LoudCloud. D’autres sont devenus des business angels (voir glossaire), qui prennent des parts de capital dans les jeunes sociétés, et qui serviront de guides aux nouvelles générations. Certains encore, de plus en plus nombreux, ont choisi d’être des investisseurs actifs et de long terme dans des fonds de capital risque, ce qui leur permet d’assouvir leur passion pour l’entrepreneuriat tout en étant moins exposés que les business angels. Ainsi, 40 à 45 % des capitaux qui composent les derniers fonds de Benchmark Capital aux États-Unis et en Europe proviennent de ces investisseurs privés. Cette couche intermédiaire de financement actif, long terme et moins technocratique que les fonds de pension, a déjà rééquilibré le rapport de force entre investisseurs institutionnels et capital-risqueurs dans la Silicon Valley. Elle change aussi les rapports entre capital-risqueurs et entrepreneurs. Elle servira enfin, pendant les prochaines années, de couche tampon entre les actionnaires des marchés financiers et les nouvelles générations d’entrepreneurs. Une forme de ” postcombustion entrepreneuriale “, déconnectée des marchés de capitaux mondiaux, est née, qui ne disparaîtra pas de sitôt.
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