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Les noms de domaines plus que jamais à portée de plainte

Le processus de gestion des noms de domaines, mis en place il y a deux ans par l’Icann, vit des moments difficiles : défiance de la justice, départ de l’un des prestataires, iniquité des règles…

Effondrement de la bulle Internet ou pas, les conflits autour des noms de sites restent l’un des secteurs d’activité les plus vivaces du Web. Une tendance qu’avait espéré limiter l’Icann, l’organisme chargé, entre autres, de réguler la gestion des noms de domaine. Fin 1999, il mettait en effet au point l’UDRP (Uniform Domain-Name Dispute-Resolution Policy), présenté comme ” une alternative plus rapide et moins coûteuse que les tribunaux pour la résolution de conflit autour des noms de domaines “. Et qui a pris du plomb dans l’aile ces derniers jours.Pour traiter les cas d’UDRP, l’Icann avait en effet désigné quatre prestataires : l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (Ompi), deux organismes américains (le NAF et le CPRCDR) et une société canadienne, eResolution, créée par des juristes spécialisés dans le droit d’Internet. Mais eResolution vient d’annoncer qu’elle ne travaillerait plus sur les conflits de noms de domaines. Pour l’Icann, cet arrêt se justifie par des “raisons économiques”.

Des règles qui favorisent les détenteurs de marque

eResolution précise cependant que les règles du jeu étaient faussées dès le départ. Et de remonter au processus de création d’UDRP. L’Ompi, chargée de protéger la propriété intellectuelle, donc plutôt favorable aux détenteurs de marque, a participé à la mise au point de ces règles. Or, à la différence d’autres processus de médiation, l’UDRP permet au plaignant de choisir l’organisme auprès duquel il portera plainte. Très majoritairement, les sociétés et organismes se considérant victimes de cybersquattage se sont alors dirigés vers l’Ompi, qui récolte 58 % des plaintes. Seul le NAF, avec 34 % des actions, recueille lui aussi une part significative.Ce n’est pas un hasard pour Michael Geist, universitaire canadien spécialiste du droit d’Internet, qui a collecté ces données : avec l’Ompi comme avec le NAF, un plaignant a plus de 82 % de chances de l’emporter. Avec eResolution comme avec le CPRCDR, ce pourcentage avoisine les 60 % seulement.Une société désirant récupérer un nom de domaine aura donc tout intérêt à s’adresser à l’Ompi, plus favorable aux plaignants, pour augmenter ses chances de succès. Un mécanisme dénoncé par eResolution et qui a poussé la société canadienne hors de ce marché, faute d’un nombre suffisant d’affaires à traiter. Au même moment, l’Icann accréditait pourtant un autre organisme, l’ADNDRC, basé en Chine, qui devrait se concentrer sur les cas d’UDRP relatifs à la zone Asie.

Les décisions de l’UDRP constestées en justice

Critiqué par un de ses prestataires, le processus de médiation mis en place par l’Icann commence aussi à se fissurer aux yeux de la Justice américaine. Une cour d’appel vient de donner raison à Jay Sallen, un particulier américain qui avait déposé le nom de domaine corinthians.com. Or Corinthians est aussi l’un des principaux clubs de football brésilien.Grâce à lUDRP, ce dernier avait porté plainte devant l’Ompi et obtenu le nom de domaine. Jay Sallen (qui vient aussi de se faire retirer vivendiuniversalsucks par l’Ompi) s’était alors tourné vers les tribunaux américains pour récupérer ce nom de domaine. En première instance, ils s’étaient déclarés incompétents sur un tel cas.Mais une cour d’appel fédérale vient de décider du contraire. Dans le courant de l’année, un tribunal du Massachusetts devra donc se prononcer sur la légitimité d’une décision de l’Ompi. Et fragiliser encore plus le système de résolution des conflits de noms de domaines.

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Ludovic Nachury, correspondant à New York