Tim Berners-Lee avait visiblement envie de remettre certaines choses à leur place. L’inventeur du Web et directeur du W3C vient de publier une tribune sur le site Scientific American dont la traduction en français est disponible sur Framablog.
Baptisé « Longue vie au Web » – peut-être en réponse au récent numéro du magazine Wired qui en évoquait la mort –, son article évoque d’emblée que « le Web tel que nous le connaissons est menacé » par des dangers qui pourraient mener à sa « fragmentation »… Il a créé le Web, il faut se le rappeler, « sur [son] ordinateur de bureau à Genève en décembre 1990 », alors qu’il était ingénieur au Cern.
Quelles sont donc les périls qui pèsent sur la Toile ? Il y a d’abord ceux qui planent autour de « l’universalité » du Web, un précepte que le scientifique résume en un concept, l’URI (1), « qui permet de suivre n’importe quel lien, quel que soit le contenu vers lequel il mène et quel que soit celui qui l’a produit ».
Et Tim Berners-Lee de condamner les assauts contre cette fameuse universalité en évoquant d’abord les « compagnies de télévision par câble qui vendent l’accès à Internet et qui envisagent limiter les téléchargements de leurs clients à leurs seuls contenus de divertissement ».
Facebook, Apple et les applications mobiles dans la ligne de mire
Tim Berners-Lee s’attaque ensuite aux sites de réseautage social, qui capturent les informations de leurs utilisateurs et ne jouent pas le jeu de l’universalité. « Facebook, LinkedIn, Friendster et d’autres apportent typiquement une valeur en capturant l’information au moment ou vous l’entrez : votre anniversaire, votre adresse e-mail, ce que vous aimez […] Ces sites assemblent ces données sur de brillantes bases de données et les réutilisent pour fournir un service à valeur ajoutée – mais seulement à l’intérieur de leur site. »
« Plus ce genre d’architecture se répand, plus le Web devient fragmenté et moins nous profitons d’un seul et universel espace d’information », conclut le scientifique, qui fait en contrepoint la promotion des standards ouverts, opposés aux « mondes fermés » que certains grands noms de la high-tech ont commencé à mettre en place.
Pour illustrer ses propos, Tim Berners-Lee prend l’exemple du magasin en ligne d’Apple : « iTunes identifie les chansons et les vidéos en utilisant des URI qui sont ouvertes. Mais plutôt que “http:”, les adresses commencent par “itunes:”, qui sont propriétaires. Vous ne pouvez accédez aux liens en “itunes:” qu’en utilisant le programme propriétaire iTunes. […] Vous n’êtes plus sur le Web, le monde d’iTunes est centralisé et emmuré. »
Dans le même esprit, Tim Berners-Lee écrit également qu’il est « inquiétant » de voir des magazines utilisant des « applications pour smartphones plutôt que des Web-apps » car leur contenu se retrouve du coup hors du Web : « vous ne pouvez pas le garder en favori, l’envoyer par e-mail. Ou le tweeter. »
Google en prend aussi pour son grade
Google, qui s’est récemment opposé à Facebook autour de thématiques similaires à celles évoquées par Tim Berners-Lee, n’est pas épargné par le chercheur… Pour d’autres raisons. Dans la troisième partie de son argumentation, consacrée aux menaces qui planent sur la neutralité du réseau, il évoque notamment la suggestion de loi proposée conjointement par Google et l’opérateur américain Verizon.
« Au mois d’août, Google et Verizon ont, pour je ne sais quelle raison, suggéré que la neutralité du Net ne devrait pas s’appliquer aux connexions depuis un téléphone mobile. De nombreuses personnes, de l’Utah à l’Ouganda, n’ont accès à Internet que depuis leur téléphone mobile. Exempter le sans-fil de la neutralité du Net laisserait ces individus à la merci des discriminations de service », explique-t-il.
Dernière menace évoquée par l’inventeur du Web : l’espionnage du réseau, qu’il critique fortement, en rappelant notamment l’affaire Phorm et… la création de la Hadopi en France, qu’il avait déjà critiquée récemment. « Etant donné à quel point le Web est vital à nos vies et à notre travail, la déconnexion est une forme de privation de la liberté. »
Pour en savoir plus, lire l’intégralité de l’article de Tim Berners-Lee sur Framablog
(1) URI, pour Universal Resource Identifier, soit un lien hypertexte.
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