La très décriée loi Fontaine aura donné naissance à une forme nouvelle de lobbying. Après les FAI, qui menacent de débrancher du web forums et pages personnelles, voici les éditeurs de services qui se disent prêts à fermer certains
numéros Audiotel, ou à en interdire l’accès aux téléphones mobiles.Certains d’entre eux, regroupés au sein du Geste (Groupement des éditeurs de services en ligne) , s’inquiètent d’un amendement de la Loi sur la confiance dans l’économie numérique (LEN). Déposé par le député apparenté UMP Yves Simon, le
texte – voté à l’unanimité par les députés – précise que ‘ les tarifications particulières des appels émis depuis le réseau fixe vers les numéros ou services spéciaux sous la forme “0 800”, dits
“non géographiques” […] s’appliquent également aux appels émis depuis un terminal mobile ‘.Lors des débats à l’Assemblée nationale, Yves Simon s’est expliqué sur sa démarche, soulignant que ‘ la situation à laquelle cet amendement tend à remédier est particulièrement dommageable pour des populations
plutôt défavorisées qui, appelant des services tels que l’Urssaf, voient la consommation de leur carte épuisée avant même d’avoir pu obtenir un interlocuteur. ‘
Numéros gratuits… mais payants
Aujourd’hui, un utilisateur de téléphone mobile doit en moyenne, selon l’ART, payer un supplément d’environ 15 centimes d’euros par minute s’il appelle un numéro de forme 08xx. Ce qui fait qu’un numéro de type 0800 est gratuit
depuis un téléphone fixe mais pas depuis un GSM.De la même façon, un numéro qui coûte 12 centimes d’euro depuis un fixe coûtera 27 centimes en moyenne depuis un mobile. En pratique, l’utilisateur ne sait pas ce qu’il va payer, et le découvre sur sa facture… dans le cas où
il a souscrit un forfait. Le détenteur d’une carte prépayée reste, lui, dans l’ignorance absolue.Pourquoi ce supplément ? ‘ Les coûts des appels passés sur un réseau mobile sont complètement différents de ceux sur le réseau fixe, explique Franck Moine, responsable des kiosques d’appel chez
Bouygues Telecom. Le réseau fixe est financé depuis longtemps par les abonnés. Les réseaux mobiles, eux, coûtent plus cher, et font encore l’objet d’investissements de la part des opérateurs mobiles. ‘
Le Geste reconnaît le ‘ bon sentiment ‘ à l’origine de cet amendement. Mais s’inquiète : les éditeurs craignent d’avoir à payer eux-mêmes le supplément aux opérateurs mobiles. Ce coût
est estimé entre 90 à 100 millions d’euros annuels, soit, selon Laure de Lataillade, porte-parole du Geste, ‘ environ un tiers des revenus générés par les numéros spéciaux ‘ (Certains numéros
de forme 08xx génèrent en effet des revenus pour les éditeurs : lire l’encadré ci-dessous.)
Le cas des appels à caractère social
Ce coût est tel, pour le Geste, qu’il pourrait aboutir à la fermeture de certains services Audiotel, payants ou gratuits, ou bien à en interdire l’accès aux téléphones mobiles, ‘ comme cela se pratique déjà dans
d’autres pays européens ‘. Ce que Laure de Lataillade qualifie elle-même de ‘ préjudiciable ‘. Une autre solution serait d’augmenter les tarifs, mais le Geste ne le souhaite
pas, car ‘ cela casserait le marché ‘. Le Geste demande le retrait de l’amendement, ou, à tout le moins, une nouvelle rédaction. Le Geste reconnaît en effet qu’il est difficile pour un utilisateur de savoir ce que lui coûtera un appel depuis son GSM, et milite pour une
communication plus claire, en différenciant le coût du contenu et celui de l’appel, à l’instar des SMS+.Il propose aussi que les appels spéciaux soient inclus dans les forfaits, ou encore que certains appels à caractère social ne soient pas surfacturés, et pris en charge par les opérateurs mobiles.Chez Bouygues Telecom, on se dit prêt à travailler sur le sujet, d’autant qu’une discussion avait été entamée dans le passé avec France Télécom, sans résultat. Ainsi, l’opérateur ne se dit pas opposé, par exemple, au financement par les
opérateurs GSM des appels mobiles vers certains numéros à caractère social. Bouygues Telecom souhaite installer un groupe de travail regroupant opérateurs et consommateurs.Le Geste, lui, indique avoir commencé les discussions avec Orange et Bouygues Telecom, qui figurent aussi parmi ses membres. Le groupement va rencontrer prochainement les services de Nicole Fontaine, et les sénateurs Pierre Hérisson et
Bruno Sido, pour exposer ses vues.
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