A chaque crise boursière, à chaque menace d’un krach, ils reviennent sur le devant de la scène, à la Une des journaux et scandent les bulletins d’information. Le monde vibre à leur moindre soubresaut. Eux, ce sont les indices boursiers, le Dow Jones, le CAC 40, le Nasdaq ou encore l’IT CAC 50 pour ne parler que des plus connus, car il en existe toute une kyrielle. À tel point que l’on serait prêt à croire qu’ils font la pluie et le beau temps sur les marchés comme dans l’économie en général, au même titre que la croissance du produit national brut ou que l’indice Insee des prix à la consommation. Et, en effet, les indices boursiers ne sont pas de simples baromètres. Ils peuvent influencer fortement les marchés financiers. Pour le meilleur comme pour le pire.
Cliché d’un marché
Outil élémentaire, un indice boursier est un panier d’actions représentatif d’un marché (un pays, un continent, un secteur ou encore l’ensemble des places européennes voire mondiales). Ainsi, le CAC 40 est représentatif de l’évolution de la place de Paris, le Dow Jones de celle de New York, l’Euro Stoxx 50 de celles de l’Europe, le Nasdaq des valeurs technologiques, surtout américaines, et l’IT CAC 50 des valeurs TMT (technologies, médias, télécoms) cotées à Paris.Mais tout n’est pas si simple. S’ils sont indispensables, les indices boursiers font l’objet de trois principaux griefs de la part de nombreux investisseurs comme des particuliers en général. D’abord, comme tout critère qui veut être une référence, leur conception prête le flanc à la critique. Ce sont, en effet, les plus grosses capitalisations boursières (poids d’une société en Bourse) et la plus forte liquidité qui sont retenues pour être éligible dans un indice. Il existe donc une prime à la taille de l’entreprise, qui pénalise les petites et moyennes capitalisations comme, en France, celles du Nouveau Marché, en régression de 74 % depuis le début de l’année.Ensuite, la composition d’un indice boursier est susceptible de changer. Certaines entreprises grossissent rapidement ou fusionnent avec d’autres et prennent une plus grande importance dans l’indice au profit d’autres qui voient leurs cours ?” donc leur capitalisation boursière ?” s’effondrer. Elles sont alors obligées de quitter l’indice, ce qui se traduit en général par une sanction sur les cours.Ainsi, l’indice IT CAC 50 a connu depuis le début de l’année cinq entrées et cinq sorties d’entreprises . Il faut donc relativiser les variations d’un indice boursier sur une période de plus de 10 ans : généralement, sa composition a varié de plus d’un tiers. D’ailleurs, il existe des indices “larges”, moins connus mais plus utiles pour l’analyse du long terme, comme le Dow Jones 500 aux États-Unis ou le SBF 250 pour la France.Enfin, ces indices ne sont pas de simples instruments de mesure, ils servent aussi d’outils de gestion. Ils sont l’instrument de prédilection de ce que l’on appelle la gestion indicielle. Celle-ci consiste à composer, au fil du temps, un portefeuille qui reproduit exactement la composition d’un indice de référence.Née outre-Atlantique dans les années 1970, la gestion indicielle a mis du temps à s’implanter en France. Une étude de l’Essec estime qu’elle recueillait moins de 5 % des sommes collectées par les fonds de pension américains avant d’exploser en 1999 pour atteindre 38 % aujourd’hui. On estime que 50 % des investisseurs institutionnels internationaux, y compris les Français, y consacrent la moitié de leurs allocations d’actifs placés en actions ! On comprend que pour une entreprise, faire partie d’un indice de référence soit un véritable sésame ! France Telecom, encore détenue à 51 % par l’État, en sait quelque chose : le titre ne fait plus partie de l’Euro Stoxx 50 car, pour les indices européens ?” contrairement aux indices franco-français ?” la capitalisation boursière se calcule à partir du flottant (part du capital ouverte au public) et non sur l’ensemble des actions composant le capital de l’entreprise.
Des gains difficiles à battre
L’essor de la gestion indicielle a deux explications. Selon une étude menée par la banque Wells Fargo dans les années 1970, il est mathématiquement prouvé que sur le long terme, un gestionnaire a peu de chance de battre son indice de référence en pourcentage de gain, mais l’avantage vient surtout du fait qu’il ne peut pas faire moins. Sur une période de 30 ans, la probabilité de surperformer est de 10 %. C’est pourquoi les fonds de pension américains qui, par définition, travaillent sur le long terme, ont vite adopté ce type de gestion.À cela s’ajoute une autre raison de poids. La gestion indicielle permet de faire de très grandes économies. Les établissements financiers n’ont pas besoin d’une multitude d’analystes financiers pour passer au peigne fin les valeurs de la cote. Il est plus simple pour eux de suivre tel ou tel indice selon que l’on croit à tel ou tel marché, en fonction de critère macro-économique.On voit tout de suite les dangers de la démarche. “C’est de l’antigestion, tranche Gérard Augustin Normand, président de la société de gestion Richelieu Finances. Le titre n’est plus choisi pour ses qualités, mais on achète et on vend en vrac toutes les actions d’un indice car ce sont les plus liquides et les plus connues. Cela accroît la volatilité des marchés et laisse les valeurs moyennes de qualité sur le côté de la route.” Pour lui, “il faudrait imaginer des indices qui prennent en compte les perspectives de croissance ou la qualité du management de l’entreprise “.On peut toujours rêver, car l’Europe des indices boursiers est en train de devenir une réalité. La même critique est reprise par les associations d’actionnaires. Pour l’Adam (Association de défense des actionnaires minoritaires), la gestion indicielle a pour principal défaut de privilégier la taille de l’entreprise sur la rentabilité, synonyme de création de valeur pour l’actionnaire. Mais on voit mal comment cette tendance pourrait s’inverser.
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