En une année, plus de 1300 hotspots se sont ouverts dans l’Hexagone. Un record qui, selon Intel, place aujourd’hui la France au troisième rang mondial, derrière les Etats-Unis et la
Grande-Bretagne. Tout le monde s’accorde d’ailleurs sur l’explosion de ce marché. A commencer par les analystes : Forrester table ainsi sur plus de 32 000 hotspots européens en 2007, contre
environ 1000 en 2002. Quant à Juniper, il estime que, sur la même période, leur chiffre d’affaires bondira de 37 millions d’euros à près de 3 milliards.
Les tarifs les plus élevés d’Europe
Les opérateurs de hotspots ont-ils trouvé une nouvelle poule aux ?”ufs d’or ? Pas vraiment. Car si l’intérêt est bien réel, les tarifs pratiqués dissuadent clairement les utilisateurs les plus
volontaires. La France affiche ainsi le triste record des tarifs les plus élevés d’Europe. Il faut en effet compter, en moyenne, un peu plus de 24 euros pour une connexion de vingt-quatre heures ?” soit quatre fois plus
qu’en Suède. C’est aussi quasiment le prix d’un abonnement ADSL à 128 Kbit/s ou 512 Kbit/s dégroupés. ‘ Possédant un modem-routeur Wi-Fi à la maison, j’étais parmi les premiers intéressés
par les hotspots, raconte Didier Lassalle, un commercial qui passe sa journée sur la route. Mais les tarifs m’ont vite découragé. Du coup, je m’en remets à mon modem GPRS, moins rapide, mais moins
cher. ‘S’ajoute à cela une tarification des connexions qui s’effectue à la durée et par session. C’est-à-dire qu’une carte d’une heure, sur laquelle on n’a consommé que dix minutes, sera définitivement
perdue une fois la connexion coupée. Difficile à avaler quand l’usage premier de ces hotspots reste la synchronisation de la messagerie ou la réplication d’une base de données. Ces tarifs astronomiques sont
d’autant plus incompréhensibles que Wi-Fi reste, de l’avis de tous, l’une des technologies réseau les moins chères à déployer ?” moins de 8 000 euros par an pour gérer un hotspot de bonne
taille.
Mille deux cents réseaux totalement gratuits
‘ J’ai pour habitude de qualifier les tarifs français d’expérimentaux, raconte Philip Low, analyste au Broad-Group et auteur d’une étude sur la tarification des
hotspots en France. Comme personne n’offre de réel service à valeur ajoutée, les tarifs sont clairement dissuasifs… Sauf pour ceux qui peuvent se permettre de confortables notes de frais ou pour les
grands comptes, qui parviennent à négocier un prix de gros. ‘Sans oublier les problèmes de facturation. Chaque réseau public propose, en effet, son propre système ?” bien souvent incompatible avec celui du voisin. Des accords d’itinérance entre opérateurs existent bien. Mais on
reste à des années-lumière de l’ubiquité du GPRS, tant en matière de couverture que de facilité de connexion.Le résultat était prévisible : personne ne se bouscule devant les hotspots. Quand on interroge les opérateurs sur le nombre d’utilisateurs de leurs réseaux, tous se perdent en circonlocutions pour éviter
de donner un chiffre précis. Orange, qui revendique plus de 1000 hotspots ouverts, n’en dispose, après enquête, que de 414 actifs. Il y a encore un an, il tablait sur 200 à 300 connexions par jour dans
les grands hôtels. Selon nos informations, il dépasse rarement les 50 utilisateurs.A Amsterdam, l’aéroport de Schiphol, avec 41 millions de passagers par an, ne compte qu’une douzaine d’utilisateurs quotidiens du réseau Wi-Fi contre six cents pour Internet filaire. Même désaffection chez
Wixos, qui couvre l’ensemble de la ligne de bus 38 à Paris et la gare de la Défense. Il affichait 1700 abonnés et de 900 à 1000 transactions mensuelles pendant sa période de tests, durant laquelle l’accès était
gratuit. Depuis qu’il a basculé au payant en septembre, le nombre de transactions s’est réduit de moitié. Et encore, beaucoup consultent le site gratuit de la RATP. ‘ Nous avons interrogé les bêtatesteurs du
service, se souvient Pierre Marteau, directeur général de Telcité, filiale de la RATP qui gère le réseau Wixos. Leur message était clair : ils sont prêts à payer si le forfait mensuel se situe entre 10 et 20 euros
[le tarif illimité actuel est de 45 euros ?” NDLR]. Nous avons remonté l’information aux opérateurs Internet. La balle est dans leur camp. ‘Difficile, enfin, d’accepter de payer si cher l’accès quand les hotspots gratuits pullulent. Plusieurs municipalités, dont celles d’Issy-les-Moulineaux, Lille ou Paris, proposent déjà des accès
gratuits ?” hôtels de ville, écoles, stades, bibliothèques, etc. S’ajoutent à cela des réseaux associatifs ou communautaires, maintenus par des particuliers qui partagent gracieusement leur connexion à haut débit. Fédérés, entre
autres, par Wireless France (wireless-fr.org), ils ambitionnent de tisser un réseau Wi-Fi sur l’ensemble du territoire. On estime ainsi que la France est tissée de 600 à 1200 réseaux totalement gratuits, accessibles à
n’importe qui.
Des nouveaux services pour justifier les tarifs
Les professionnels commencent aussi à succomber aux sirènes du tout-gratuit. C’est le cas, par exemple, de l’aéroport international de Pittsburgh en Pennsylvanie. Après un démarrage payant peu convaincant, il se félicite
aujourd’hui du succès de la bascule au tout-gratuit. Depuis, il a été rejoint par cinq autres aéroports et plusieurs chaînes d’hôtels : Best Western, Choice aux Etats-Unis, et Four Seasons à Hambourg.Les nouveaux venus ont d’ailleurs un avis tranché sur la question. A Paris, le Bamboche, table en vogue de Claude Colliot, dispose depuis quelques mois d’un accès Wi-Fi. Il n’a jamais envisagé de le faire
payer : ‘ Il ne me viendrait pas à l’idée de facturer aux clients l’air conditionné ou les toilettes ! Eh bien, avec Wi-Fi, c’est la même chose ‘, estime le grand cuisiner.
L’analyse est toujours la même : l’accès Wi-Fi gratuit ne représente qu’un faible investissement, et il peut rapporter. Beaucoup s’en servent donc comme d’un outil marketing et promotionnel. Quitte à limiter
les débits, les ports et le temps de connexion, comme chez McDonald’s.Mais tout le monde ne partage pas cette thèse. ‘ Même si l’investissement est faible, il coûte quand même quelque chose, estime Philip Low, du Broad-Group. Il n’y a
d’ailleurs pas de raison pour qu’un service ?” car c’en est un ?” soit gratuit. ‘ S’interroger sur l’avenir des réseaux auxquels l’accès est vendu à prix
d’or reste néanmoins légitime. A moins que de nouveaux services à valeur ajoutée ne viennent en justifier le tarif. On pense principalement à la sécurité ?” principal point faible des réseaux Wi-Fi ?”, à cause de laquelle
nombre de directions informatiques hésitent encore à équiper les nomades. Dans tous les cas, beaucoup devront revoir leur modèle économique. Sinon, le soufflé hotspot pourrait retomber aussi vite qu’il est monté.
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