Les actions de blocage des « gilets jaunes » ne se déroulent pas seulement sur les routes et les ronds-points, mais aussi sur le Net. D’après les experts en sécurité informatique de FireEye, des groupes de cyber-militants ou « hacktivistes » auraient perturbé le fonctionnement de certains sites institutionnels, en les ciblant par des attaques par déni de service distribué (DDoS). « Il y a eu au moins cinq attaques entre le 2 et le 4 décembre. Elles ont visé le site web du ministère de la Justice, l’Urssaf et des universités », nous explique David Grout, directeur technique EMEA chez FireEye.
https://twitter.com/Gow_Th_er/status/1069588565854748672
En réalité, les auteurs ne seraient pas membres du mouvement des gilets jaunes, mais des habitués du cyber-militantisme qui profitent de l’occasion pour montrer leur solidarité et lancer leurs actions. « Parmi ces hacktivistes, certains avaient déjà participé à des actions pro-turques, anti-israéliennes ou en faveur de l’indépendance de la Catalogne », précise David Grout. Toutefois, aucun indice ne montre pour l’instant que ces actions étaient coordonnées par un acteur étatique étranger.
Pour ce week-end, les hacktivistes appellent à de nouvelles actions. Un groupe qui se fait appeler Anonymous France a par exemple annoncé l’opération #OpFrance. En ligne de mire : les sites web du gouvernement, des banques et des médias. On peut donc craindre des attaques DDoS et des défaçages. Selon nos informations, certaines entreprises redoutent également des tentatives d’intrusion informatique, ce qui serait assez inédit pour ce genre de manifestation. Les équipes informatiques seront donc également sur le pont aujourd’hui et demain, tout comme les forces de police.
Un mouvement social sous cyber-influence
Mais il n’y a pas que les hacktivistes qui se joignent de manière opportuniste au mouvement des gilets jaunes. Il y a également des trolls venus d’ailleurs. Depuis plusieurs jours, le chercheur en sécurité qui répond au pseudonyme d’Elliot Alderson capture des tweets anglophones avec le mot-clé #GiletsJaunes. « J’ai décidé de capturer les tweets anglais avec ce hashtag français pour une bonne raison. Le but est de voir si des étrangers cherchent à influencer la perception du monde sur ce mouvement social. Ils tweetent le mot-clé français et non le mot-clé anglais #YellowVests afin d’être vus par les utilisateurs français », explique le chercheur sur Twitter. L’expert a rassemblé les tweets sous la forme d’un graphique qui montre les interactions et les comptes particulièrement retweetés.
For 3 days, I'm capturing the English tweets with the #GiletsJaunes hashtag. Based on 34K tweets, I made this cool retweet interaction graph.
Let see what we can find 🔽🔽🔽 pic.twitter.com/2ValzktKoX
— Baptiste Robert (@fs0c131y) December 7, 2018
L’un des comptes particulièrement actifs est celui de « Abraham Ekris ». Compte tenu de la fréquence d’envoi de messages, il s’agit probablement d’un robot. Le compte arbore des symboles d’appartenance à l’extrême-droite américaine et diffuse des contre-vérités (« la police a employé des snipers contre les manifestants », « les rayons des supermarchés sont vides »). Certains tweets ont d’ailleurs été repris dans des articles de Breitbart News, le site d’actualité chéri de l’extrême droite américaine.
He is covering the yellow vest protests a lot… Of course, none of this is true… pic.twitter.com/pAWQhpe8oa
— Baptiste Robert (@fs0c131y) December 6, 2018
D’autres comptes jouent également avec la réalité. La photo d’un convoi militaire est par exemple suffisant pour sous-entendre qu’Emmanuel Macron envoie l’armée occuper Paris.
Example of a manipulation: Show 3 military trucks on the road, without context and say that war is coming… pic.twitter.com/GEFUv4kHog
— Baptiste Robert (@fs0c131y) December 7, 2018
Dans une note de blog, le chercheur en sécurité x0rz s’est également penché sur le sujet. Il a par exemple détecté le compte Twitter « Happening Now » qui se fait passer pour un fil d’actualité. Il a été créé il y a un mois et diffuse des messages particulièrement effrayants (« Paris brûle »). Il est alimenté par au moins deux personnes qui se relaient de trois heures du matin à sept heures du soir. Parmi les mots-clés les plus utilisés figurent #Paris, #Russia », #YellowVests, #Ukraine et #Macron.
Que tous ces opportunistes profitent de la situation n’est pas très étonnant. On attend avec impatience les premières analyses globales pour connaître l’ampleur de ce phénomène et savoir s’il a eu un impact réel sur le mouvement des gilets jaunes.
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