Le 23 avril dernier, IBM inaugurait son Grid Innovation Center à Montpellier. L’objectif de ce centre unique en son genre : “Permettre aux clients de découvrir les possibilités de la grille [traduction littérale de grid, ndlr] en testant les technologies les plus à la pointe”, précise Nicolas Sekkaki, vice-président Europe, Moyen-Orient et Afrique d’IBM Systems Sales. Quasiment inconnu du grand public et des industries il y a quelques mois, le sigle Grid (globalisation des ressources informatiques et des données) se diffuse progressivement. Née chez les scientifiques, demandeurs de systèmes plus performants qu’internet, la grille consiste à mutualiser la puissance inutilisée des machines pour créer à moindres frais des supercalculateurs.
Une vague de fond
“Exactement comme pour internet, les scientifiques vont déblayer le terrain et la technologie va ensuite se diffuser dans le monde des transactions”, s’enthousiasme Sven Lung, responsable développement du fonds de capital-risque ETF Group. Un fonds qui a su puiser des idées au sein du Cern (Organisation européenne pour la recherche nucléaire) pour créer d’ici à quelques semaines une start-up maison. “C’est un marché qui démarre lentement, mais il s’agit d’une réelle vague de fond”, observe Sven Lung. “Il y a un forum chaque année, et pour le dernier, en février, tous les grands noms de l’informatique étaient là”, ajoute quant à elle Betsy Zikakis, directrice marketing d’Avaki Technologies. Le projet de standardisation Globus a ainsi rallié IBM, Sun, Cisco ou encore… Microsoft. Un engagement d’autant plus surprenant que Globus est une plateforme open source.“Si toutes les machines équipées par Microsoft avaient un logiciel permettant de réquisitionner la machine, la firme de Bill Gates aurait le plus puissant supercalculateur de la planète”, commente Sven Lung, fasciné et effrayé à la fois. “La puissance de calcul devient une arme économique, affirme-t-il. Un jour, pour une nation, elle sera un chiffre clé au même titre que le PIB.” En outre, le système de la grille est très fiable car il permet de stocker les mêmes informations en différents endroits, et de les retrouver systématiquement.Mieux, le système a l’avantage de fédérer des ressources non-homogènes (Windows, Unix, Linux, etc.). Le gouvernement américain a investi quelque 53 millions de dollars (58,3 millions d’euros) dans son projet Teragrid. L’Europe démarre plus modestement avec Datagrid. Lors du premier Forum qui lui était consacré début mars, le ministre français de la Recherche a ainsi fait passer sa participation au projet de 2,2 millions d’euros en 2001 à 3 millions cette année.
Des industriels sensibilisés
Autant de programmes appuyés par les grands noms de l’informatique. IBM a investi 4 milliards de dollars dans la technologie. Sa “présence forte sur ce marché montre l’importance de l’enjeu”, note Betsy Zikakis. “Certes, nous sommes moteurs d’une certaine façon, mais ce n’est pas nous qui faisons le marché”, renchérit Nicolas Sekkaki. La demande est là. “Nous allons voir de grands projets industriels dans les 6 à 12 mois”, estime-t-il.Quelques projets ont déjà vu le jour. Ils ont attiré l’attention du grand public et des industriels sur la technologie. Comme le fameux Setiathome, dont l’objectif était de repérer dans l’espace d’éventuels signaux de source extraterrestre… Plus “terre à terre” ont suivi Fightaidsathome, avec la technologie Entropia ou encore le Décrypthon, à l’initiative d’IBM et de Genomining, la start-up biotech d’Evry.“Le premier secteur massivement intéressé est celui des sciences de la vie, la pharmacie et les biotechnologies”, remarque Betsy Zikakis. En effet, le secteur a dû s’organiser pour stocker, comparer les masses de données extraites des recherches sur le génome humain. IBM évalue le marché des solutions informatiques en ce domaine à 9 milliards de dollars d’ici à 2003. Mais bien d’autres secteurs commencent à regarder de près les possibilités de la technologie, pour la modélisation industrielle et financière ou le design. Ainsi, EDF et le géant de l’aéronautique et de la défense EADS ont annoncé l’avoir mis en place.“Nous croyons que ce marché va être très important à double titre : d’un côté, il va concerner le remplacement de supercalculateurs en place et, de l’autre, il s’adressera à tous ceux qui n’avaient pas franchi le pas”, analyse Mark Weitner, de la société Parabon. Un marché qu’il évalue à 30 milliards de dollars à l’horizon 2005.
4 start-up qui comptent dans le “grid computing”
Avaki (US)Date de création : août 1998
Fondateur : Dr Andrew Grimshaw
Nombre de salariés : 36
Fonds levés : 17,8 millions d’euros (octobre 2001)
Fonds recherchés : non
CA prévisionnel 2002 : NC
Partenaires : IBM, Sun MicrosystemsBasée à Cambridge (Massachusetts, États-Unis), Avaki est financée par Polaris Venture Partners, General Catalyst et Sofinnova. La jeune société a développé des solutions complètes qui permettent de gérer la puissance de calcul mais aussi de faciliter l’accès et le partage de données au sein d’une société. Ses logiciels visent des marchés verticaux, avec, en priorité, l’industrie des sciences de la vie, la pharmacie, les biotechnologies. Les trois premiers clients de la société, annoncés le mois dernier, sont des sociétés de biotechnologies. Avaki envisage de proposer des solutions pour d’autres marchés verticaux, comme le design électronique, les services financiers ou encore l’imagerie médicale. La start-up vient, en outre, de proposer un protocole au Global Grid Forum.Parabon (US)Date de création : juin 1999
Fondateur : Dr Steven Armentrout
Nombre de salariés : 25
Fonds levés : NC
Fonds recherchés : à la fin de l’année
CA prévisionnel 2002 : 5,5 millions d’euros
Partenaires : CeleraAvec des produits mis sur le marché dès le mois de novembre 2000, la société Parabon revendique la place d’acteur historique sur le secteur. Sa solution Frontier Enterprise permet d’utiliser la puissance de calcul inexploitée d’ordinateurs à l’intérieur d’un même pare-feu (dans une entreprise). Quant à Frontier Internet, elle permet d’aller débusquer via le net les ordinateurs oisifs à l’autre bout du monde. Ses équipes de chercheurs ont pour objectif d’adapter les solutions à des acteurs ou des environnements spécifiques, notamment interentreprises. La société a ainsi réalisé des projets dans le monde des médias, de la finance et de la santé. Parabon a noué un partenariat avec Celera, pionnier du décryptage du génome humain, pour des applications de protéomiques.United Devices (US)Date de création : décembre 1999
Fondateurs : Ed Hubbard, Lance Hay
Nombre de salariés : 55
Fonds levés : 34,6 millions d’euros en deux tours
Fonds recherchés : non
CA prévisionnel 2002 : NC
Partenaires : IntelUnited Devices a mis au point des solutions qui peuvent être déployées au sein d’une entreprise. Sa particularité : elle s’appuie sur une communauté d’utilisateurs à travers le monde, utilisateurs qui ont téléchargé un petit logiciel gratuit sur leur poste. La société redistribue la puissance de calcul ainsi acquise pour des projets d’intérêt général, comme la lutte contre le cancer avec Intel, qui réalise le screening de millions de molécules, ou la recherche d’un traitement contre l’anthrax, qui a isolé en moins d’un mois 300 000 molécules potentiellement utilisables à partir d’un pool de quelque 3,6 milliards de molécules. Un troisième projet, HMMER, réalisé en partenariat avec l’université d’Oxford, a pour objectif de décortiquer la structure de la molécule d’ADN.Entropia (US)Date de création : 1997
Fondateurs : Dr Andrew Chien, Scott Kurowski
Nombre de salariés : 60
Fonds levés : 40 millions d’euros
Fonds recherchés : non
CA prévisionnel 2002 : NC
Partenaires stratégiques : IBM, Globus, TurbogenomicsScott Kurowski a posé les bases de la technologie d’Entropia chez lui. Pour créer sa société, il a levé 7 millions d’euros auprès d’investisseurs privés. Des fonds qui lui ont permis de lancer sa première plateforme technologique en septembre 2000. Elle a servi dans un premier temps à assurer l’opération Fightaidsathome, dont l’objectif est de rechercher des traitements du sida en collaboration avec un laboratoire universitaire américain. Après avoir levé 33 millions deuros, la jeune société a lancé le projet Safermarkets, en association avec des financiers, pour prédire la volatilité des marchés. Entropia licencie sa plateforme aux entreprises de différents secteurs, les sciences de la vie en tête (comme Bristol-Myers Squibb, Turbogenomics, ou Novartis).
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