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Les grandes man?”uvres des SSII pour atteindre la taille critique

Depuis trois ans, les rachats se multiplient entre sociétés de services informatiques. Et ce phénomène de consolidation ne ferait que commencer.

Les sociétés de services ont les dents longues. Fusions et acquisitions se succèdent dans ce secteur depuis trois ans. Y compris dans l’Hexagone, où les plus grandes SSII briguent désormais une stature internationale. Le phénomène n’est pas nouveau. “Déjà à la fin des années quatre-vingt, les principales SSII de l’Hexagone rachetaient à tour de bras “, rappelle Philippe Audrain, associé du cabinet de conseil en stratégie Business Intelligence Group. Le phénomène a néanmoins pris une tout autre ampleur. En témoignent les deux rapprochements phares de l’année : celui d’Origin, la filiale de Philips, avec la SSII Atos, et celui du pôle conseil d’Ernst & Young avec Gemini pour environ 10 milliards d’euros – un record en Europe.

Nouveau critère : la solidité financière

Pour expliquer cette effervescence autour des services informatiques, on peut évoquer la propension des entreprises à externaliser leur informatique pour mieux se consacrer à leur propre activité. S’ajoute à cela une bonne conjoncture économique, qui profite aux investissements informatiques. Il faut néanmoins rechercher plus loin l’origine de ces mouvements : du côté des prestataires, on évoque l’effet déclenché par la crise du milieu des années quatre-vingt-dix. “Celle-ci a agi comme un révélateur, se souvient Pierre Dalmaz, directeur général de Transiciel. Certaines SSII étaient proches de la banqueroute à cause d’une trésorerie défaillante. Beaucoup ont alors pris conscience qu’il fallait avoir une taille suffisante pour bâtir une solidité financière.” Les sociétés de services pratiquant l’assistance technique, et dont la rentabilité était fragile, ont particulièrement souffert. “D’où le besoin désormais affiché par les grandes SSII de gérer un large portefeuille d’offres pour moins dépendre de la volatilité du marché et conserver une bonne rentabilité “, affirme Paul Hermelin, membre du directoire de Cap Gemini. Les SSII doivent ainsi passer par des acquisitions si elles veulent mutualiser les frais de structures et développer des prestations à forte marge.La demande des entreprises a, elle aussi, changé. Les grands comptes, échaudés par cette période houleuse, ont mis en place des systèmes d’agrément des SSII plus draconiens : aux compétences techniques et fonctionnelles s’est ajouté un critère de taille et de solidité financière. “Aujourd’hui, nous ne pouvons pas décrocher de grands contrats à 50 ou 100 MF. Les grands comptes ne veulent pas les confier à une société comme la nôtre, car ils estiment que c’est trop risqué “, regrette Bernard Leng, PDG de la SSII Team Partners Group. Dans le même temps, la plupart des domaines économiques, comme la banque, la pharmacie ou l’automobile, ont, eux aussi, connu la consolidation. Face à des clients multinationaux qui lancent des projets extraterritoriaux, les sociétés de services sont obligées d’enrichir rapidement leur structure et leur offre. Et ce renforcement des compétences passe généralement par une fusion ou par des acquisitions. “Cependant, rares sont les SSII qui peuvent aujour-d’hui répondre à un projet multinational dans sa globalité. Et, sans une présence aux Etats-Unis, c’est impossible “, pointe Paul Hermelin, de Cap Gemini.Plus récemment, la tension sur le marché de l’emploi informatique a également eu un effet direct sur la consolidation. “Aujourd’hui, c’est la croix et la bannière pour recruter. Alors, il est plus facile de racheter une société à bonne rentabilité “, confie Yves Rouilly, directeur de la stratégie du groupe Steria. Le rachat de sociétés s’apparente dans ce cas-là à une acquisition de ressources. D’autant que le turnover des sociétés de services a augmenté de deux à cinq points cette année. Et cette crise affecte à plus forte raison les ténors, à l’instar de Cap Gemini, qui affiche cette année une rotation de son personnel proche de 25 %.

Obligées de racheter pour soutenir la croissance

Pour autant, ces acquisitions répondent-elles toujours à une stratégie d’entreprise réellement définie ? “La stratégie d’une SSII à l’international se résume souvent au seul argument d’accompagner ses clients, souligne Jean-François Perret, directeur associé de Pierre Audoin Conseil. Mais, dans les faits, il y a rarement de synergie entre les filiales étrangères et la maison mère.” La visée internationale serait-elle un argument fallacieux ? Selon le consultant, la véritable raison serait plutôt de soigner son image auprès des investisseurs. Le phénomène boursier est passé par là.Au début de la décennie, en effet, les sociétés de services introduites en Bourse pouvaient se compter sur les doigts de la main. Elles sont désormais près d’une centaine à avoir ouvert leur capital sur l’un des marchés de la place parisienne. Tiraillées par des actionnaires volatils, leur nouveau credo est devenu croissance, rentabilité et chiffre d’affaires. “Or, à moins d’être sur une niche de marché très profitable, telle que la gestion de la relation client, la plupart des SSII sont obligées de racheter pour avoir une croissance supérieure à celle du marché “, observe Jean-François Perret.Les mouvements de fusion/acquisition vont-ils persister ? Tous les analystes répondent par l’affirmative. Parce que le marché est considérablement émietté. IBM Global Services, pourtant le premier prestataire français, représente moins de 10 % du marché.

Conseil et informatique se rapprochent

Quant aux SSII moyennes, telles Unilog, Sopra ou Steria, elles naviguent autour de 1 à 2 % du marché hexagonal. Après les grands rapprochements, ces sociétés situées dans le ventre mou du secteur doivent maintenant se poser la question d’un développement à l’étranger si elles veulent rester compétitives. Et les candidats potentiels au rapprochement avec des sociétés françaises ne manquent pas : beaucoup de SSII européennes, à l’instar de TietoEnator en Finlande ou d’Indra en Espagne, sont, en effet, fortes au niveau national, mais faibles sur le plan international.Steria a d’ores et déjà annoncé en septembre dernier qu’elle envisageait une acquisition importante outre-Manche. Des rumeurs soulignent également que Thomson CSF, la Cogema et Alcatel sont en pourparlers pour fusionner leurs filiales informatiques, composées, respectivement, de Syseca, d’Euriware et d’une partie d’Alcatel TITN Answare. Cet accord donnerait naissance à la cinquième SSII française (source PAC).Il y a ensuite l’arrivée des nouveaux projets liés à l’internet. Leur cycle plus court oblige les SSII à mieux gérer leur personnel. Afin d’éviter que le taux d’intercontrats n’augmente et, donc, que la rentabilité ne baisse. Elles devront, elles aussi, réaliser des économies d’échelle grâce à la croissance externe.Enfin, le principal moteur de cette course à la consolidation reste le rapprochement entre les activités de conseil et l’informatique (voir encadré ” Le conseil devient un secteur stratégique “). On l’a observé cette année avec les fusions entre Cap Gemini et Ernst & Young, Sopra et Orgaconseil, ou Bull et Osis. Tout cela laisse à penser que le mouvement de consolidation est loin d’être terminé.

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Olivier Discazeaux