C’est auprès de Sofinnova Partners, Sofinnova Ventures et Innovacom, la filiale de France Telecom, que KXEN, un spécialiste franco-américain du datamining (analyse de données), vient de trouver aux États-Unis 2,3 millions d’euros. D’ici à l’été, Sofinnova Ventures, la branche nord-américaine du capital-risqueur français, devrait en outre annoncer le bouclage d’un nouveau fonds de 250 millions de dollars (275 millions d’euros). Une annonce qui détonne outre-Atlantique et qui, ajoutée à un faisceau d’autres éléments, semble indiquer que les capital-risqueurs français installés aux États-Unis prennent le marché à contre-pied. “Les meilleurs investissements se font en période de récession. Des sommes très importantes n’ont pas encore été appelées(*) par les capital-risqueurs auprès de leurs investisseurs. On les estime entre 60 et 65 millions de dollars”, souligne Marc Cellier, un Français, cofondateur du fonds américain Pyramid Technology Ventures. “2002 s’annonce comme l’année du retour des investissements dans les sociétés en création. Elles auront 2 à 4 ans pour se développer, et, une fois leur maturité atteinte, pourront s’introduire en Bourse. D’ici là, le Nasdaq aura rouvert ses portes”, assure Benoît Habert, associé de Dassault Développement.La filiale de capital-risque de Dassault a déjà réalisé 3 investissements aux États-Unis, en partenariat avec Ridge Ventures, un fonds de la Silicon Valley ?” l’investisseur hexagonal a préféré s’adosser à un investisseur local pour gérer au plus près son portefeuille américain. Paul Tholly, directeur associé de Siparex, partage cet optimisme : “Nous sentons un frémissement depuis le début de l’année. Notre bureau de San Francisco reçoit à nouveau un flux régulier de dossiers. Nous comptons réaliser une dizaine d’opérations dans les technologies de l’information sur 2002.”Aux États-Unis comme en France, les valorisations ont retrouvé des ratios raisonnables et la concurrence entre les fonds devient moins rude… Pourtant, les chiffres du capital-risque américain ne reflètent pas l’optimisme des Français. La NVCA (National Venture Capital Association) constate que les montants dédiés au capital-investissement ont chuté de 24 % par rapport au trimestre précédent. Ils représentent pour ce début d’année 6,2 milliards de dollars. Dans le même temps, les capital-risqueurs ont peiné pour trouver de l’argent : 44 fonds ont levé 2,2 milliards de dollars sur les trois premiers mois de l’année, alors qu’ils étaient 65 à obtenir 5 milliards au 4e trimestre 2001.
Moins opportunistes
Pourquoi diable les Frenchies sont-ils prêts à investir alors que les Américains ralentissent le pas ? D’abord, les premiers ont mieux traversé la crise que nombre de fonds américains. Aucun d’eux n’a fermé boutique. Les Français, arrivés outre-Atlantique bien avant la bulle, ne peuvent guère être apparentés aux fonds opportunistes, premiers touchés par la crise. Ainsi, Partech International ouvrait son bureau californien dès 1982. Ce vieux routier du capital-risque se considère plus comme un fonds américain que français : “Nous avons lancé notre activité ici, dans ce berceau du capital-risque. Nous y réalisons aujourd’hui plus de 60 % de nos investissements. Et nous sommes perçus par nos confrères comme une société américaine ayant de bonnes connexions à l’international”, commente Nicolas El Baz, associé chez Partech International. Sofinnova Ventures a aussi fait ses premiers pas très tôt sur le continent américain, en 1974, avec un modeste bagage de 6 millions de dollars (6,6 millions d’euros). “L’implantation allait de soi car tous les éléments de la chaîne se trouvaient et se trouvent encore ici, des fonds de pension au Nasdaq, en passant par les sociétés technologiques”, explique Alain Azan, directeur général de Sofinnova Ventures.À la maturité s’ajoute une autre caractéristique française : la taille. Les intervenants français demeurent modestes face aux mastodontes américains dotés souvent d’un milliard de dollars…” Les sociétés de capital-risque françaises ont connu des déboires comme les Américaines. Mais alors qu’à chaque faillite, les premières ne perdaient que quelques millions de dollars, les secondes en cédaient plusieurs dizaines. Beaucoup ont dû retourner l’argent ou diminuer leur taille, tel Redpoint Venture. Doté à l’origine de 1,25 milliard de dollars, ce fonds s’est vu amputé de 25 % au début de l’année “, explique un spécialiste du secteur. Enfin, reste la question de la fameuse French touch. Élément exotique ou handicap ?” L’Américain qui lance sa start-up a-t-il besoin d’un investisseur français ? Pas forcément. Mais le chef d’entreprise qui vient nous voir est motivé par notre réseau européen. S’il cherche à ouvrir une fenêtre commerciale sur le Vieux Continent, nous sommes mieux placés qu’un fonds local “, note Paul Tholly, directeur associé de Siparex. Aujourd’hui, les jeunes pousses américaines voulant prendre pied en Europe se font de plus en plus rares ! D’autant que le marché américain est assez vaste pour que l’entreprise n’ait pas l’impératif de passer à l’international. Du moins, dans un premier temps.
Plus pragmatiques
Les investisseurs français possèdent néanmoins des atouts, même si tous ont bien conscience que cette année sera difficile. “Pour preuve, même les très gros fonds américains, qui avaient pris l’habitude de faire cavalier seul, reviennent à la collaboration. Ils nous démarchent, pour mutualiser les risques, mais surtout pour pouvoir remettre au pot pour un tour de table supplémentaire”, convient l’un d’eux. Alain Azan partage cet avis : “Si nous levons d’ores et déjà un sixième fonds, c’est pour garder de la réserve sous le pied dans notre fonds précédent. En ces temps difficiles, nous pouvons avoir à refinancer une société, alors que son modèle d’affaires ne le prévoyait pas. Mais nous ne devons pas freiner les nouveaux investissements pour autant. Certains d’entre nous ont stoppé net leur activité. Si la crise dure encore deux ans, ils auront eu raison. Si elle se termine à la fin de l’année, alors nous aurons réalisé de belles opérations, avec de forts multiples.” Rendez-vous en fin d’année.(*) Les sommes non encore ” appelées ” ont été promises par les investisseurs aux fonds de capital-risque (et dans la plupart des cas bloquées), mais non encore concrètement versées. Les bailleurs de ces fonds attendent souvent, selon des modalités définies au départ, qu’une partie de l’argent remis soit investi, avant de compléter leurs versements.
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