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Les fonds étrangers revisitent la France

En 2000, sur 5,3 milliards d’euros levés par les entreprises françaises, 63 % l’ont été localement. En 2001, investisseurs américains et européens ont inversé la tendance.

Le capital-risque étranger fait les yeux doux aux start-up hexagonales. En quelques semaines, les fonds d’investissement hors-France ont déposé aux pieds des jeunes pousses technologiques des sommes records. Alors même que la plupart d’entre elles venaient à peine de souffler leur première bougie !Artech a levé 22,9 millions d’euros (150,2 millions de francs), Storage Telecoms a obtenu la somme rondelette de 19 millions d’euros, tandis que Kyriba a séduit l’Américain Global Retail Partners pour une levée de 12 millions d’euros. L’Afic (Association française des investisseurs en capital), dans son rapport sur ” l’activité du Capital Investissement en France “, réalisé en collaboration avec Price Waterhousecoopers, notait déjà sur l’année 2 000 : “La part des fonds levés hors de France (et, en particulier, hors d’Europe) est multipliée par 2,3 par rapport à 1999. Elle représente 2,3 milliards d’euros, soit 37 % du total de l’activité du capital risque.“Marie-Annick Peninon, déléguée générale de l’Afic, confirme la tendance : “ Les fonds étrangers, américains en particulier, disposent de beaucoup d’argent et surveillent le marché français depuis ces trois dernières années. S’ils se tournent massivement vers la France, c’est parce que le Royaume-Uni apparaît saturé. L’allégement de la fiscalité sur les bénéfices des sociétés et le bon comportement global de l’économie française ont fait le reste.

Ruée américaine

Les capital-risqueurs américains se ruent sur le Vieux Continent. Le dernier en date, Accel Partners a annoncé, au début du mois de juin, la création d’un fonds de 602 millions d’euros dédié aux entreprises européennes. Classé deuxième plus grand capital-risqueur par le magazine Red Herring, ce fonds gère une enve loppe totale de 3,6 milliards d’euros. Un montant destiné aux secteurs de la communication, du logiciel, d’internet. “ Les conditions de marché sont très attractives en France. Nous y poursuivons notre stratégie, à savoir l’investissement dans les secteurs technologiques“, précise Fearghal O’Riordain, chargé du marché européen.D’autres ont déjà sauté le pas. Spectrum Equity Investors, un fonds américain de quelque 3,6 milliards d’euros, évalue les jeunes pousses européennes depuis la capitale britannique. “ Nous nous sommes intéressés en France à Storage Telecoms et à Intexxia, société qui propose des solutions pour sécuriser l’e-business. Notre vision se veut globale. Nous n’avons pas d’enveloppe prédéfinie par pays“, explique Shawn Colo, principal de Spectrum Equity Investors.Softbank partage cette vision. Le capital-risqueur japonais dédie un fonds de 723 millions d’euros au Vieux Continent, qu’il gère à partir de trois implantations européennes, à Londres, Munich et Paris.

Sofia Antipolis et Grenoble

La France regorge de sociétés aux technologies attractives. Les technopoles de Sofia Antipolis, de Grenoble en sont de belles illustrations. Nous avons investi dans Cril Software, un éditeur de logiciels pour les opérateurs… Et nous sommes très intéressés par tout ce qui se produit au niveau de la téléphonie en France“, commente James Stuart, directeur de Softbank Europe Ventures. Mais,si Softbank investit en France, c’est uniquement dans les start-up qui prétendent à une expansion européenne, voire internationale.Maurice Khawan, le directeur général France du groupe Suisse ETF, tient le même discours : “Nous croyons en la globalisation des sociétés. Les Français Mems Cap et PHS Mems, dans lesquels nous avons investi, devraient rapidement se développer à l’étranger.“Autre dinosaure de la place : The Carlyle Group. Longtemps consacré aux activités de LBO (rachat d’entreprises par leurs salariés avec effet de levier), l’Américain a bouclé, en avril 2000, le Carlyle Europe Venture Partners, fonds doté de 730 millions d’euros. Pour l’heure, Carlyle a participé au financement de 17 jeunes entreprises, telles Skillvest.com, une place de marché britannique, l’incubateur Yazam.com, ou, dernièrement, Egencia, une agence française de voyages d’affaires en ligne.

Une échelle européenne

Jacques Garaialde, le directeur du Carlyle Internet Partners Europe, tente d’expliquer cette nouvelle vague d’investisseurs étrangers en réaction à la trop forte localisation des fonds français : “Les méthodes de travail deviennent mondiales. La nationalité d’une société d’investissement ne veut plus dire grand-chose. Mais, l’engouement des start-up pour les investisseurs américains a son explication. Dans l’Hexagone, les jeunes entreprises innovatrices ont en face d’elles des interlocuteurs locaux, spécialistes du marché français, alors que la logique se veut désormais européenne. C’est pourquoi, elles préfèrent opter pour des fonds étrangers rodés à l’internationalisation“. Pour d’autres, les étrangers profitent du désistement et des défaillances du capital-risque français.

Pusillanimité française

Nouveau métier en France, l’activité de capital-risque a connu un cycle euphorique l’année dernière. Depuis l’e-krach de mars 2000, les investisseurs perdent leurs illusions et développent un excès de prudence. Alors qu’aux États-Unis, berceau du capital-risque, nous n’avons jamais ignoré que le retour de bâton faisait partie du jeu“, explique Yves Sisteron, cofondateur de Global Retails Partners, qui a décidé d’allouer entre 15 et 20 % de son dernier fonds de 350 millions d’euros aux jeunes pousses européennes, dont Kyriba.La brèche entrouverte par le capital-risque français laisse la part belle aux fonds étrangers. Ces derniers devraient être d’autant plus sollicités que les jeunes pousses font de plus en plus appel à l’investissement privé , en raison de la difficulté de lever des fonds en Bourse. Sur le Premier Marché notamment.

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Hélène Puel