‘ Il y a trop d’argent à investir dans les sociétés innovantes! ‘ Cette affirmation un brin provocatrice prononcée par un capital-riqueur parisien va faire bondir plus d’un entrepreneur,
alors que le financement de la création d’une jeune société a rarement paru aussi difficile.Pour preuve, seuls 61 millions d’euros ont été investis dans des premiers tours de table au premier semestre 2003, selon l’Indicateur Chausson Finance, contre 102 millions d’euros à la même période l’année précédente.’ La France ne fournit que dix très belles opérations annuelles pour soixante-dix investisseurs potentiels. Il y a trop d’intervenants et trop d’argent ‘, confie l’une des figures
emblématiques du capital-risque. Et un second de préciser : ‘ Nous nous retrouvons dix à nous battre sur un dossier. Par conséquent sur ces dossiers les entrepreneurs demandent des valorisations trop élevées. L’arrivée
des FCPI [Fonds commun de placement pour l’innovation, NDLR] a provoqué une distorsion du marché. ‘Le nom est lâché : les FCPI ?” ces véhicules financiers qui ont pour obligation d’investir 60 % de leur montant dans les sociétés innovantes labellisées par l’Anvar ?” seraient responsables de la
défaillance du capital-risque.
Une réserve de 1,3 milliard d’euros largement inexploitée
Entre 1997 (la date de leur création) et la fin de 2002, ces fonds ont levé plus de 1,9 milliard d’euros auprès du grand public. Somme à laquelle il faut ajouter, les neuf FCPI de 293 millions d’euros agrées par la COB
(Commission des opérations de Bourse), depuis le début de l’année 2003.Au total donc, les entreprises innovantes labellisées par l’Anvar (dite Agence française pour l’innovation) disposent d’un tapis de financement de 1,3 milliard d’euros. Pourtant, force est de constater que seuls 500 millions
d’euros ont été investis dans les jeunes entreprises innovantes depuis 1997. Les FCPI ne joueraient-ils pas leur rôle ?Pas pour Dominique Agrech, directeur associé chez ABN Amro Venture, une société de gestion de FCPI et de FCPR : ‘ Il y a de l’argent qui cherche à investir. Et de jeunes sociétés qui cherchent à
lever de l’argent. Mais nombre d’entre elles possèdent un profil similaire à celui de sociétés existantes et cotées. Les investisseurs préfèrent alors les sociétés cotées lorsque les cours leur semblent aux creux de la vague.
C’est de surcroît moins risqué si l’entreprise a un historique. ‘Il ne faut donc pas croire que les 60 % d’investissements obligatoires dans les sociétés innovantes vont uniquement à de jeunes acteurs. La réglementation n’interdit pas d’investir dans ‘ le
coté ‘ à partir du moment où ces entreprises possèdent le label Anvar. ‘ Les FCPI n’ont pas pour vocation à faire de l’amorçage. La moitié de nos investissements est du
refinancement ‘, confirme Philippe Hayat, responsable des participations NTIC de la Sgam, la branche capital-risque de la Société Générale (la Sgam a investi 25 millions d’euros depuis le début de l’année).Si plus de 800 millions d’euros dorment encore dans les caisses des FCPI, ces derniers se sont montrés bien plus actifs sur le premier semestre que les sociétés de capital-risque, avec 60 % des montants investis contre
33 % pour le premier semestre 2002.
Une rentabilité incertaine
Le problème ne serait-il pas plutôt le manque d’entreprises innovantes prometteuses ? Ou encore la justesse de l’adéquation entre le label Anvar et le type de sociétés que recherchent les investisseurs ?Les observateurs du secteur lancent une autre piste. ‘ La rémunération des équipes de gestion étant sensiblement élevée sur ce type de produits [les FCPI, NDLR] les fonds doivent êtres
rentables et obtenir rapidement des performances. La question est de savoir si les entreprises innovantes peuvent aujourd’hui offrir une rentabilité suffisante pour assurer la viabilité du modèle des FCPI ‘,
s’interroge Ephraim Marquer, responsable épargne salariale et capital-investissement à la COB.Depuis leur création en 1997, la réglementation contraint les FCPI à être entièrement investis en 30 mois (sur deux exercices de 18 et 12 mois). Depuis quelques mois, des rumeurs laissent entendre que certains fonds ne
pourraient pas tenir ces délais, conjoncture économique oblige, ce qui priverait les souscripteurs de leurs avantages fiscaux. L’année dernière un décret a donc prévu l’allongement de cette période de 6 mois supplémentaires.A la COB, si on ne confirme pas la rumeur, on ne nie pas réfléchir aux sanctions que pourraient encourir les FCPI en cas de manquement à leurs obligations. Ephraim Marquer, explique : ‘ Pour l’instant,
tous les fonds ont été investis dans les temps. Si jamais l’un d’entre eux ne l’était pas, les souscripteurs [le grand public, NDLR] risqueraient de perdre l’avantage fiscal lié au produit, mais cette
décision relève du ministère des Finances et non de la COB. ‘ Aussi, dans un souci d’information envers le souscripteur, les sociétés de gestion ont-elles pour obligation, depuis le
1er octobre 2003, de communiquer le taux d’investissement réalisé dans les tranches précédentes des FCPI.Rallongement des délais, transparence, frais de gestion trop elevés… C’est la question de la légitimité des FCPI qui se pose et, avec elle, celle de l’investissement dans les sociétés innovantes. Disons le tout haut : plus
personne ne veut croire aux entreprises high-tech… Tout du moins jusqu’à ce que la Bourse reprenne des couleurs.
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