01net. : Il y a trois ans les professionnels du disque et les FAI signaient une charte sur le ‘ développement de la musique en ligne ‘. Où en est-on aujourd’hui ?
Hervé Rony (1) : Le comité de suivi de cette charte a dressé
un bilan assez positif. Nous continuons à considérer qu’il y a là de bonnes choses. Mais il existe aussi des points négatifs. Notamment pour tout ce qui concerne l’information des
internautes. C’est un domaine où les FAI n’ont pas fait assez d’efforts. Nous regrettons aussi que l’AFA (Association des fournisseurs d’accès et de services Internet) n’ait pas souhaité être partenaire de l’initiative
PromusicFrance.com, c’est-à-dire du grand portail de promotion de la musique en ligne et du téléchargement légal.
Pour revenir à la charte proprement dite : doit-on continuer sur les mêmes bases ou repartir dans une nouvelle négociation ? C’est difficile à dire et nous sommes aujourd’hui dans une position d’attente par rapport à la future
majorité politique.Concernant le téléchargement illégal, quelle est aujourd’hui la place de la France par rapport aux autres pays européens ?
Le téléchargement illégal est plus important dans l’Hexagone qu’au Royaume-Uni ou qu’aux Etats-Unis. Selon
certaines études, une très grande partie de la bande passante de l’accès à Internet (jusqu’à 80 %) est consacrée à l’activité des réseaux peer to peer.
Mais on note tout de même un ralentissement du nombre de fichiers téléchargés car, avec le temps, beaucoup d’internautes ont pu se constituer une discothèque à peu de frais.Qui est responsable de cette situation ?
J’ai envie de dire tout le monde et personne à la fois. Mais on peut penser en priorité aux FAI et aux opérateurs télécoms qui pendant des années ont utilisé la musique comme un simple produit d’appel. Ce qui a entraîné une véritable
démonétisation des contenus contre laquelle il nous faut désormais lutter. A part cela, il y a également une responsabilité individuelle des internautes. Même si nous ne mettons pas sur le même plan un adolescent de 12 ans et un adulte de 35 à
40 ans. Enfin, il y a eu tout un climat d’empathie et de confusion qui a beaucoup nuit à l’émergence d’une offre légale de musique en ligne.
Et du point de vue de l’industrie du disque, si vous me demandez ce que nous pouvons faire, la réponse est simple. Il n’y a jamais eu autant de plates-formes de téléchargement, alors à part donner la musique gratuitement, je ne vois pas
ce que nous pourrions faire de plus !Le mouvement de concentration actuel sur le marché de l’accès à Internet peut-il changer la donne ?
Oui. Je le crois et je l’espère. Car si le marché de l’accès à Internet arrive aujourd’hui à un certain niveau de maturité, il aura bientôt besoin pour se développer de nouveaux relais de croissance. Nous allons certainement entrer dans
une nouvelle phase, cela devrait passer par le déploiement de nouvelles offres et de nouveaux rapprochements avec les FAI ne sont pas à exclure.Que pensez-vous de la décision de certains acteurs de l’industrie du disque (comme EMI) d’abandonner les DRM ?
Cela montre au moins que la loi DADVSI que l’on a beaucoup critiquée sur ce point est au final un texte équilibré, qui permet la présence en ligne de musique avec ou sans DRM. Au-delà des choix stratégiques qui sont faits actuellement, ce
qui nous intéresse, c’est de voir si oui ou non la mise à disposition de musique sans DRM va se traduire par une hausse des ventes. Et d’un autre point de vue, cela va au moins retirer une excuse fallacieuse, invoquée par des internautes qui
justifiaient le piratage de la musique par la présence des DRM sur les plates-formes de téléchargement légal !Quelles mesures comptez-vous prendre et quelles pistes sont à l’étude pour lutter contre le piratage de musique en ligne ?
Nous avions souhaité l’envoi de messages d’information automatisés aux internautes qui téléchargent illégalement de la musique en ligne. Mais la Cnil a bloqué cette initiative. Nous travaillons donc aujourd’hui à la mise en place d’un
indispensable mécanisme d’information. Par ailleurs, au-delà des sanctions pénales, nous étudions, et ce n’est qu’une piste pour le moment, la mise en place d’un régime de responsabilité des internautes à travers un délit de négligence.
En pratique, les FAI ou les opérateurs pourraient mettre à la disposition de leurs abonnés des outils de filtrage. Et si l’on en venait à trouver des fichiers de musique piratés sur un ordinateur, l’abonné pourrait être poursuivi au
civil sur la base d’un délit de négligence qui pourrait être sanctionné par une amende. Mais je vous le répète ce n’est qu’une piste. En tout état de cause ce dont nous avons besoin c’est d’un environnement législatif et réglementaire qui valorise
les offres légales de musique en ligne. Et pour l’instant, nous sommes bien seuls.(1) Hervé Rony est délégué général du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep).
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