En 1910, Edmond Locard créait à Lyon le premier laboratoire de police scientifique en France. Les locaux, situés sous les combles du Palais de justice possédaient pour tout équipement un bec Bunsen et un microscope.
Aujourd’hui l’Institut national de police scientifique et ses six laboratoires emploient 650 personnes réparties dans huit grandes disciplines : balistique, empreintes digitales et documents, incendies et explosions, stupéfiants, toxicologie, physicochimie, biologie, et traces technologiques.. Son directeur, Frédéric Dupuch, revient sur les avancées technologiques qui ont révolutionné la police scientifique.
01net. : Quelles sont les grandes évolutions technologiques vécues par la police scientifique depuis 100 ans ?
Frédéric Dupuch : Deux grandes disciplines ont bouleversé nos métiers : la biologie génétique et l’informatique, présente dans toutes nos disciplines. La génétique est une science très jeune apparue il y a moins de 20 ans. Très rapidement, la France s’est dotée des textes juridiques nécessaires à son exploitation par la police scientifique. Cette science représente 90 % de l’activité de nos laboratoires, les 10 % restants se concentrant sur la toxicologie, la balistique, les empreintes digitales, les incendies et explosions…
L’ADN a-t-il remisé au placard les bonnes vieilles empreintes digitales ?
Il est nécessaire de conserver cette science plus ancienne qui n’a eu de cesse de progresser durant ces années. Les technologies nous permettent aujourd’hui de relever des empreintes sur des supports que l’on aurait jugés inexploitables jadis, comme les surfaces poreuses par exemple.
Après l’ADN peut-on espérer encore d’autres grandes avancées scientifiques pour élucider les crimes ?
Il y a eu deux étapes dans l’exploitation de l’ADN. La découverte initiale qui se fonde sur des traces riches en cellules, comme le sang, la salive ou le sperme. Puis, des progrès technologiques ont permis de travailler sur des traces dites pauvres. Aujourd’hui, on peut exploiter des cellules de peau pour constituer un profil génétique.
D’autres avancées viendront dans ce domaine. D’autres sciences voient la recherche progresser comme l’odorologie [une technique empirique basée sur les traces olfactives que laisse un suspect, NDRL], même si elle est encore difficile à établir comme élément probatoire en justice. Les nouvelles technologies connaissent aussi des avancées. Nous développons par exemple des techniques pour enrichir les images grand angle prises par les caméras de vidéosurveillance afin de les rendre plus nettes, et exploitables.
De quelle manière les nouvelles technologies ont-elles eu un impact sur les métiers de la police scientifique ?
L’apport de l’informatique est presque plus important que celui de la génétique. Elle est omniprésente dans toutes nos disciplines. Sans elle, nous n’aurions pu traiter 220 000 dossiers en 2009. Au niveau du génotypage, les nouvelles technologies nous permettent « d’industrialiser » les analyses. Quelque 120 échantillons sont placés sur des plaques. Chacun d’eux est associé à un code-barres correspondant à un programme informatique.
En matière d’analyses de produits stupéfiants, les microscopes comparateurs sont reliés à des écrans sur lesquels les scientifiques peuvent faire bouger ou grossir l’image. Enfin, les nouvelles technologies deviennent également un champ de recherche. Alors que chacun croit avoir effacé un SMS reçu ou envoyé, nous sommes capables de retrouver au moins partiellement les traces de ces fichiers.
Les preuves apportées par la science sont-elles être sûres à 100 % ?
Le scientifique est certain de la réponse qu’il apporte à une question scientifique. S’il peut établir avec certitude un profil génétique, il ne lui appartient pas de dire qui est le cambrioleur. Ce n’est pas parce que l’on trouve des traces d’ADN dans une cagoule laissée sur place, que cette personne est l’auteur des faits. La cagoule a pu être portée par d’autres personnes. L’enquêteur doit toujours faire son travail pour arriver à des conclusions.
La série américiane Les Experts rencontre un grand succès en France. Est-on loin de la réalité de vos métiers ?
Cette série donne une bonne image de la profession. Elle est proche de la réalité quant à l’aspect scientifique des choses, sur ce que l’on peut faire ou non. En outre dans Les Experts, Edmond Locard [le père de la police scientifique, NDRL] est cité dans une dizaine d’épisodes. En revanche, il existe certaines contre-vérités.
Lesquelles ?
Nos experts sont des scientifiques qui, excepté dans les cas d’explosion, ne vont pas sur le terrain récolter les preuves. De même, un expert en biologie, n’est pas un expert en balistique. Ces champs de compétences sont couverts par des personnes différentes. La vision de notre métier que donne la série est tournée vers les affaires criminelles, alors qu’une grande partie de notre analyse concerne la délinquance du quotidien comme les vols, les agressions ou les infractions routières. Enfin, nous ne sommes pas connectés à une gigantesque base de données qui permettrait de donner le nom et l’adresse d’un suspect à partir de son empreinte digitale.
Et en matière d’équipement ?
Certaines de nos salles sont nettement plus impressionnantes !
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