L’élection de Joe Biden a sans aucun doute assoupli la forme des échanges entre les États-Unis et la Chine, mais les tensions qui ont émergé durant les années Trump demeurent. Elles prennent une nouvelle forme, reposant comme l’a promis le nouveau président américain sur la diplomatie.
Ainsi, comme à l’époque de la Guerre Froide, les Etats-Unis veulent rallier leurs alliés les plus puissants pour opposer un front commun à l’Empire du Milieu. S’il ne s’agit pas (encore) d’une bataille rangée de tanks, la confrontation va d’abord se jouer sur le double front du système politique et des technologies. Une raison pour laquelle cette union en gestion est nommée à tour de rôle « Democracy 10 » ou « Tech 10 ».
La montée en puissance de l’économie chinoise ces trente dernières années a en effet vu le pays passer du statut de « l’atelier du monde » à celui de « champion technologique ». La raison étant notamment liée aux budgets chinois de R&D qui égalent désormais ceux des États-Unis. Ces derniers comptent donc sur l’addition des budgets de pays amis et la constitution d’une opposition active à la conquête chinoise.
Selon les « batailles » à mener – différents domaines technologiques, contrôles des exportations, etc. – la liste des pays impliqués pourrait varier, Israël pouvant être sur la liste « intelligence artificielle » et l’Inde sur la liste « exports des technologies ». Une diversité de fronts qui viserait à concentrer les efforts et à éviter la lourdeur technocratique d’un trop gros groupe de pressions.
Les semi-conducteurs ultra stratégiques
S’il reste à voir quelle forme et quelles actions mèneront ces « fronts d’intérêts communs », une chose est sûre : la bataille est déjà bien engagée et repose sur les actions déjà prises par l’administration Trump.
Du blacklistage de Huawei – qui lui a coûté sa domination mondiale des smartphones et son coup d’arrêt dans le domaine des puces – en passant par celui de SMIC (plus important fondeur chinois), les Etats-Unis sont déjà au front.
Car ils savent ce qu’ils doivent à leur domination mondiale dans le domaine des semi-conducteurs. Une domination toujours d’actualité, mais menacée par la perte de l’outil industriel. Alors que plus d’un tiers des puces vendues dans le monde étaient produites aux USA en 1990 (contre rien du tout côté chinois !), les Américains produisent désormais moins de 15% du volume global. Et la Chine, qui a dépassé les USA en volume en 2016, pourrait représenter 24% du total mondial d’ici 2030.
Heureusement pour les Etats-Unis, les plus importants producteurs de puces – les « fabs » – sont installés dans des pays alliés, qu’il s’agisse de TSMC et UMC à Taïwan (respectivement 28% et 13% des volumes du segment des fondeurs), ou bien de Samsung en Corée du Sud (10%).
Mais pour contrer la montée en puissance chinoise, outre l’interdiction d’accès à ces fonderies, c’est aussi et surtout l’accès aux logiciels, composants et machines nécessaires à la production de puces que les Etats-Unis veulent bloquer.
Pour se faire, le pays de l’Oncle Sam qui a déjà interdit à ses propres champions de faire commerce avec la Chine (Cadence Systems, Applied Materials, etc.) doit susciter une unité auprès des Japonais (chimies, machines) et des néerlandais, ASML étant en effet le numéro mondial et maître incontesté des machines de gravure en ultraviolet extrême (EUV), nécessaires à la production de puces de dernière génération.
La Chine affûte ses armes
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La difficulté de la démarche américaine est que la Chine a désormais les budgets et la puissance pour s’opposer aux Etats-Unis. Du jeu des tarifs douaniers en passant par le chantage aux terres rares, l’Empire du Milieu manie la carotte et le bâton face aux alliés des Américains.
Après la double claque des blacklistages de Huawei et SMIC, l’Empire du Milieu a désormais pour projet de devenir technologiquement indépendant. Un état de fait que les Etats-Unis sont bien décidés à contrer, quitte à en payer le prix. Les retombées des actions chinoises paraissant moins importantes que le pouvoir coercitif d’un Pékin trop puissant.
Source : Wall Street Journal
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