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Les États-Unis promettent des représailles aux nations qui oseraient taxer les champions US du numérique

En moins d’une semaine, un mémorandum et une lettre : l’administration Trump menace de tarifs douaniers tout pays qui oserait taxer les géants du numérique américains comme Google, Apple, Microsoft, Netflix… Ces taxes sont désormais vues comme « des violations de la souveraineté des États-Unis », susceptibles de représailles. Sont visées les taxes mais aussi les législations européennes du numérique comme le DSA et le DMA.

Après les discours cinglants du vice-président américain J.D. Vance au sommet de l’IA de Paris et à la conférence de Munich, place aux actes : alors qu’Emmanuel Macron rencontrera Donald Trump ce lundi 24 février à la Maison-Blanche sur fonds de négociation de paix en Ukraine plus que tendue, les États-Unis ont envoyé quelques jours plus tôt deux « messages » écrits destinés aux régulateurs : un mémorandum adressé au monde entier, et une lettre spécifique à l’Union européenne (UE).

Les deux textes s’attaquent frontalement aux taxes et aux régulations européennes qui visent les géants du numérique américains comme Google, Apple, Microsoft, Amazon, Meta (Facebook, WhatsApp…) en Europe.

Acte 1 : le mémorandum

Vendredi 21 janvier, le président américain Donald Trump a d’abord publié un « mémorandum » dont l’objet est sans équivoque. Il s’agit de « défendre les entreprises américaines (…) contre l’extorsion et les amendes et pénalités injustes à l’étranger ».  Son idée : prévenir le monde entier, dont la France et l’Europe, que toute taxe visant les plateformes et mastodontes américains entrainera des tarifs douaniers.

Dans ce document, on peut notamment lire que « les gouvernements étrangers ont de plus en plus exercé une autorité extraterritoriale sur les entreprises américaines, en particulier dans le secteur de la technologie, entravant le succès de ces entreprises et s’appropriant des revenus qui devraient contribuer au bien-être de notre nation, et non au leur ».

De nombreux pays, dont la France et l’Union européenne, ont cherché à imposer une participation financière aux géants du numérique qui ont échappé pendant plusieurs années à toute imposition, ou à une imposition moindre, notamment grâce à des mécanismes d’optimisation fiscale. Paris a par exemple adopté une taxe Gafa, une taxe streaming, une taxe sur les vidéos…

Les lois qui « limitent les flux de données transfrontaliers, obligent les services de diffusion (…) américains à financer des productions locales et imposent des frais d’utilisation du réseau » sont « conçus pour piller les entreprises américaines », estime l’administration américaine. « Toutes ces mesures violent la souveraineté américaine et délocalisent les emplois américains, limitent la compétitivité mondiale des entreprises américaines et augmentent les coûts opérationnels américains tout en exposant nos informations sensibles à des régulateurs étrangers potentiellement hostiles », poursuit-elle.

Désormais, prévient-il, dès lors qu’un gouvernement étranger « impose une amende, une pénalité, une taxe ou toute autre charge qui est discriminatoire, disproportionnée ou conçue pour transférer des fonds importants ou de la propriété intellectuelle des entreprises américaines vers le gouvernement étranger ou les entités nationales favorisées par le gouvernement étranger », l’administration américaine imposera des droits de douane. Ou prendra toute autre mesure pour réparer le préjudice et le déséquilibre.

Dans ce document, Washington vise non seulement les taxes, mais aussi  « les réglementations imposées aux entreprises américaines par des gouvernements étrangers qui pourraient entraver la croissance ou les activités prévues des entreprises américaines ». Ce qui comprend en théorie les régulations qui préconisent, pour certains hébergements de données particulièrement sensibles, le SecNumCloud français, tout comme les régulations comme le DSA (Digital Services Act, le règlement européen sur les services numériques) ou le DMA (le Digital Markets Act, le règlement européen sur les marchés numériques).

Toute violation de ces textes entraîne en théorie jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial à toute entreprise récalcitrante. L’administration américaine précise aussi qu’elle compte reprendre ses enquêtes commencées pendant le premier mandat de Donald Trump. Ces dernières visaient les taxes sur les services numériques édictées dans plusieurs pays européens, dont la France.

Acte 2 : la lettre

Puis dimanche dernier, c’est une lettre, directement envoyée à la Commissaire européenne en charge de la Concurrence, Teresa Ribera, qui est venue accentuer la pression, rapporte Reuters. « Nous vous écrivons pour vous faire part de nos inquiétudes quant au fait que le DMA (Digital Markets Act, le règlement européen sur les marchés numériques NDLR) pourrait cibler les entreprises américaines », écrit le président de la commission judiciaire de la Chambre des représentants, Jim Jordan, à la Commissaire européenne – son courrier n’a pas encore été publié.

Le texte, consulté par nos confrères, critique directement le DMA, cette législation européenne qui s’applique depuis le 6 mars dernier aux services de messagerie, de moteurs de recherche, de système d’exploitation les plus importants comme Alphabet (Google), Amazon, Apple, ByteDance (TikTok) et Microsoft. Le DMA leur impose des obligations bien plus strictes qu’avant, censées mettre fin aux abus de position dominante des géants du numérique, avec pour objectif de garantir des conditions de concurrence équitables et d’offrir davantage de choix aux consommateurs.

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Mais pour le représentant républicain, ce type de réglementation donne surtout un avantage aux entreprises européennes. Les amendes prévues (allant jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial) ont « deux objectifs : contraindre les entreprises à respecter les normes européennes dans le monde entier et constituer une taxe européenne sur les entreprises américaines », tacle Jim Jordan.

Les exigences du DMA « étouffent l’innovation, découragent la recherche et le développement et remettent de vastes quantités de données propriétaires de grande valeur à des entreprises et à des nations adverses » dont la Chine, poursuit-il. Elles pourraient d’ailleurs « bénéficier à la Chine », regrette-t-il.

La lettre demande à Teresa Ribera de répondre d’ici le 10 mars prochain. Cette dernière, qui réagissait aux velléités jusqu’ici orales de l’administration américaine, répondait déjà une semaine plus tôt que Bruxelles ne modifiera pas des lois adoptées par les législateurs européens.

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