L’Europe, avec le Japon, est pionnière en matière d’équipements UMTS (Universal Mobile Telecommunications System), la fameuse troisième génération de mobiles. Et, pour une fois, l’Amérique du Nord est à la traîne. Aux Etats-Unis, les fréquences de l’UMTS ne sont d’ailleurs toujours pas libres, puisque aux mains du Pentagone. C’est donc sur le Vieux Continent que les places se prennent actuellement.Le prix des licences UMTS a défrayé la chronique en Europe, notamment avec les enchères britanniques et allemandes. En France, chacun des quatre opérateurs devra débourser 32,5 milliards de francs pour acquérir les précieuses fréquences. Mais on a moins parlé du coût des infrastructures.
En France, le réseau UMTS coûtera 30 MdF
Déployer un réseau UMTS dans un pays comme la France sera tout aussi coû- teux. Il faudra investir au bas mot 30 milliards de francs, selon les estimations des opérateurs hexagonaux. Ces investissements porteront surtout sur les infrastructures radio, qui devront être complètement changées. Le c?”ur de réseau, lui, sera moins touché, puisqu’il ne nécessitera pas une mise à jour aussi radicale. En effet, l’essentiel de la mise à niveau aura été effectué pour le passage à IP ou au GPRS, l’évolution du GSM. Au total, Merrill Lynch estime que les opérateurs européens débourseront environ 200 milliards d’euros (1 311 milliards de francs) pour leur infrastructure réseau dans les quatre ans à venir. Ce gâteau très crémeux se répartira entre les ténors du marché des équipements. Les premiers contrats commencent à se signer. Il ne s’agit pas encore de commandes fermes, mais de promesses d’achat.Un constat s’impose : les équipementiers européens s’en sortent, pour le moment, mieux que leurs homologues nord-américains. Et plus particulièrement les deux Nordiques Ericsson et Nokia. L’explication tient au fait que les numéros un et deux des infra- structures mobiles, avec, respectivement, 30 et 14 % de parts de marché, sont centrés sur les mobiles : des infrastructures aux terminaux, la mobilité est leur c?”ur de métier. De ce fait, ils sont déjà très bien implantés chez les opérateurs GSM européens. Ericsson surtout. Dominique Roussel, directeur conseil Europe du cabinet Strategy Analytics, l’explique : “Ericsson est déjà en place chez de nombreux comptes. De plus, il travaille sur la troisième génération depuis au moins dix ans. ” Et d’ajouter : “Ericsson, c’est un peu comme IBM : personne n’a jamais été licencié pour en avoir acheté. ” Aujourd’hui, Ericsson revendique la signature de dix-huit contrats UMTS dans le monde, dont le dernier en date avec Mannesmann D2, filiale de Vodafone. C’est donc sans surprise que l’on retrouve les équipementiers du Grand-Nord parmi les trois opérateurs présélectionnés par France Télécom pour ses filiales mobiles, regroupées sous la marque Orange. Le troisième larron étant le Français Alcatel, fiancé à Fujitsu. Cette présélection signifie que les filiales où France Télécom est majoritaire devront retenir leur(s) équipementier(s) parmi ces trois noms-là. Les filiales où l’opérateur historique est minoritaire demeureront libres de leur choix.Figurer parmi les fournisseurs d’Orange était primordial pour Alcatel. Le Français veut faire mieux qu’avec le GSM, où il n’a guère brillé jusqu’ici. C’est pourquoi il a créé une filiale commune – Evolium – avec Fujitsu, l’un des fournisseurs de NTT Docomo. Alcatel peut se gargariser d’avoir également été retenu il y a peu comme ” fournisseur privilégié ” de l’Italien Wind. L’opérateur transalpin a aussi passé contrat avec Siemens. Ce dernier, allié également à un Japonais – NEC -, sera le rival le plus proche d’Alcatel. Il a été choisi avec Ericsson pour équiper Mannesmann D2. Dans le contrat cadre d’Orange, le grand perdant est donc le Canadien Nortel, qui apparaît sur une liste élargie à quatre équipementiers. Rappelons que le constructeur figure parmi les grands fournisseurs d’Itinéris.
Nortel séduit grâce à sa palette de solutions
Malgré ce revers, Nortel s’en sort mieux que ses confrères nord-américains Motorola et Lucent. Nortel était, jusqu’à présent, bien implanté chez les opérateurs GSM européens. “Il y a six mois, les opérateurs citaient beaucoup Nortel. Et cela pour sa solide expérience du GSM et de la technologie mobile cdmaOne, que l’on trouve aux Etats-Unis et dont s’inspire l’UMTS“, note Dominique Roussel. Pour Jean-Charles Doineau, consultant à l’Idate, Nortel séduit grâce à sa palette de solutions. “Nortel est perçu comme une référence pour le c?”ur de réseau. Son leadership dans l’optique rassure. De plus, il a une très forte part de marché dans les équipements radio dans certains pays d’Europe, comme la France. ” Même s’il comptabilise moins de contrats fermes que Nokia et Ericsson, Nortel a signé avec BT Cellnet au Royaume-Uni et avec Airtel et Xfera en Espagne. Il fournira le c?”ur de réseau de ce nouvel entrant, dont Vivendi est le premier actionnaire, et une bonne partie des stations de base radio.En revanche, Lucent et Motorola sont bien plus à la traîne. Selon Jean-Charles Doineau, l’explication tient surtout au fait que les deux constructeurs sont très diversifiés et que leur stratégie n’est pas centrée sur les mobiles. Leurs compétences en radio sont d’ailleurs moins évidentes que celles d’Ericsson ou de Nokia.Motorola, malgré une assez bonne implantation chez les opérateurs GSM européens, n’a pas réussi à séduire ses clients habituels que sont France Télécom ou BT. Pour le moment, il n’a convaincu que Telefonica… aux côtés de Nokia et d’Ericsson ! Quant à Lucent, il est largement distancé, puisqu’il n’affiche toujours aucun opérateur européen au compteur. Le constructeur ne cite que des tests avec le Batave KPN. Il paye donc cher sa focalisation sur la technologie radio cdmaOne. Inexpérimenté dans le GSM, Lucent est quasi absent du marché européen, excepté l’Allemagne. Il est donc resté focalisé sur les opérateurs américains. De fait, Lucent a signé des contrats de troisième génération avec le Canadien Clearnet, les Américains Verizon et Sprint PCS, ainsi qu’avec Telecom New Zealand. Or, “les opérateurs ont tendance à faire confiance aux mêmes fournis- seurs“, commente Dominique Roussel. Il n’est tout de même pas trop tard pour les équipementiers américains, parce que tous les contrats n’ont pas encore été signés. Rien que dans l’Hexagone, France Télécom excepté, les probables futurs opérateurs UMTS – SFR, Bouygues Telecom et Suez-Lyonnaise – devront choisir leurs équipementiers. Motorola est, par exemple, déjà fournisseur de SFR. Ce qui pourrait l’aider. De plus, comme le souligne Jean-Charles Doineau, “il est impossible d’être seul et unique fournisseur“. Les opérateurs signeront forcément d’autres contrats.Motorola et Lucent auront donc des arguments à faire valoir. Le premier en matière de terminaux, puisqu’il occupe la deuxième place mondiale sur ce secteur, derrière Nokia. Quant à Lucent, il pourrait briller avec les applications, pierre angulaire de l’UMTS. Ces derniers temps, il a multiplié les partenariats avec des éditeurs et des fournisseurs de services – une soixantaine, selon lui. Si l’Europe a remporté haut la main la première manche, elle n’a pas encore gagné la partie. La preuve : Maribu, consortium allemand commun à Telefonica et Sonera, vient de signer un préaccord avec Lucent.
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