Face à la “menace” que constituaient encore récemment les start-up, les “entreprises traditionnelles” ont eu deux sortes de réaction. Dans la première catégorie, les sociétés qui n’ont pas bougé et qui se félicitent de leur immobilisme passé. Elles affichent parfois l’air entendu de celles qui savaient bien qu’il était urgent d’attendre, car le vent allait tourner… En refusant de réfléchir aux véritables enjeux, elles ont retardé l’accès à la culture de l’outil internet pour leurs collaborateurs et, par conséquent, à leur créativité.Dans la seconde catégorie, les entreprises qui ont bougé. D’abord, celles qui ont voulu en être, au prix de sites vitrines sans intérêt et sans résultat. Ce sont les premières déçues d’internet. Cette stratégie des petits pas ne les a pas empêchées, pour celles qui sont cotées en Bourse, d’annoncer fièrement des développements stratégiques sur le net, pour profiter de l’extraordinaire sensibilité (à la hausse) des marchés. Ensuite, celles ?” une minorité ?” qui ont intégré internet à leur stratégie et commencé à réellement faire du “business”, avec des résultats significatifs. Il faut reconnaître qu’elles sont presque toujours issues du secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC). La question de la culture fait donc ressortir l’importance de l’évangélisation dans des projets de cette nature.
Le sérénité retrouvée
Les événements intervenus récemment dans l’e-business poussent logiquement les entreprises traditionnelles au constat suivant : finalement, la route n’est pas aussi accidentée qu’elles l’auraient cru. N’ayant plus le fusil dans les reins, les chefs d’entreprise peuvent en toute sérénité travailler à mettre en place leurs développements internet.Est-ce à dire que, comme dans la fable, c’est la tortue qui a gagné face à ce lièvre qui a symbolisé les jeunes pousses ? En fait, aujourd’hui, les deux ont perdu : peu d’entreprises traditionnelles peuvent montrer une création de valeur grâce à la toile et peu de start-up survivent.Mais il existe des gisements tellement considérables, en termes de gains de productivité ou de développement commercial, qu’il faut espérer que les choses bougent, maintenant que l’environnement des affaires s’est apaisé (et en dehors de toute considération conjoncturelle). Aujourd’hui, les chantiers internet des entreprises traditionnelles ne sont plus à ciel ouvert ?” les incessants effets d’annonce, tels que nous les avons connus, sont passés de mode ?” mais souterrains.
De nouveaux aventuriers
Il existe néanmoins des signes visibles, qui témoignent de l’engagement de certaines entreprises traditionnelles, et notamment parmi les plus importantes : d’une part, de plus en plus de groupes (tels EADS, Air France, La Poste, mais aussi certaines sociétés de services informatiques) offrent à leurs salariés des opportunités de travailler sur un projet personnel innovant, dans le cadre de structures d’essaimage. D’autres entreprises vont plus loin et créent par ailleurs leur propre incubateur (L’accélérateur, pour EDF, ou Inventmobile, chez Orange). Enfin, des fonds de corporate venture travaillent à financer des projets cohérents avec la stratégie de leur maison mère.Pour parfaire ces dispositifs, il serait souhaitable que les chefs d’entreprise regardent attentivement les dossiers de jeunes pousses à reprendre (j’allais dire “à saisir”…), sans attendre benoîtement le retour des fils prodigues partis tenter l’aventure de la nouvelle économie. En effet, et contrairement à ce que l’on entend souvent, les hommes ne sont pas le seul actif que ces jeunes entreprises aient réussi à développer. Il existe donc de vraies opportunités, mais il est vrai qu’il n’est pas facile, en ce moment, d’annoncer au marché que l’on achète une start-up…Si les dirigeants d’entreprises traditionnelles s’engagent personnellement ?” comme a pu le faire Michael Dell avec le succès que l’on sait ?” dans leurs projets internet, et s’ils savent tirer les leçons de ces deux dernières années, beaucoup de valeur sera créée. Les lièvres et les tortues pourraient y ?”uvrer de conserve.* directeur de lInstitut HEC start-up
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