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Les enfants de Napster en procès

Les industries du disque et du cinéma relancent la guerre contre les sites gratuits d’échange de fichiers. Mais, cette fois, la bataille juridique apparaît bien plus difficile.

Les enfants de Napster eux aussi doivent affronter la Justice. Les représentants de l’industrie musicale (la Recording Industry Association of America, RIAA) et leurs homologues du cinéma (la Motion Picture Association of America, MPAA) viennent de porter plainte contre les nouveaux réseaux d’échange gratuit de fichiers multimédia sur internet. La première cible a été Aimster, qui doit comparaître devant cinq tribunaux en Californie, en Floride, dans les villes de New York et d’Albany (État de New York). Puis ont suivi Grokster, Morpheus et Kazaa, trois sites utilisant le même logiciel Fasttrack. Là encore, les avocats de la RIAA et du MPAA, main dans la main, ont porté plainte devant la cour fédérale de Californie.

La piraterie du XXIe siècle

Le site Napster rendu silencieux, nombreux sont ceux qui se sont empressés d’occuper la place, laissée vacante, avec leurs livraisons gratuites de musiques, de films (La planète des singes, The Princess Diaries, Legally Blonde), de vidéos, de photos, de livres…Selon les chiffres recueillis par le consultant Webnoize, 1,5 milliard de fichiers ont ainsi été transférés durant le mois de septembre à travers Grokster, Morpheus et Kazaa. “Ces sites ont inventé une piraterie du 21e siècle, où les échanges illégaux de matériel protégé se déroulent sur l’immensité d’internet”, tempête Hilary Rosen, présidente de la RIAA. Tandis que l’avocat de la maison, Matt Oppenheim recycle l’argumentaire mis au point contre Napster : “Cela ressemble à Napster, cela a la saveur de Napster et, du point de vue du consommateur, cela fonctionne comme Napster.”L’un des accusés, Steve Griffin, président de Music City Networks, opérateur de Morpheus, installé à Nashville, dans le Tennessee, plaide bien sûr sa différence. Le logiciel utilisé, explique-t-il, est un système décentralisé contrairement à Napster. Cette technique “laisse les gens communiquer entre eux. C’est tout.” Autrement dit, les internautes échangent ce qu’ils veulent quand ils le veulent. Steve Griffin n’a absolument aucune idée du contenu envoyé. Et ne peut donc répondre des accusations de violation des droits d’auteurs agitées par la RIAA. “Cette politique de l’autruche a ses limites”, assure Neil Rosini, avocat nouveaux médias du cabinet new-yorkais Franklin Weinrib Rudell Vassallo, montrant à l’industrie la voie à suivre : prouver le contrôle qu’ont gardé ces sites sur les envois.En revanche, à San Francisco, Owen Seitel du cabinet Idell Berman Seitel, souligne l’intérêt de la nouvelle technologie. “Du temps de Napster, tout passait par l’organe central, plus maintenant. Les gérants de sites n’ont pas vraiment été pris la main dans le sac. Et la réalité de la violation sera plus difficile à établir.” Si les sites ne sont pas responsables, poursuit-il en substance, les coupables sont… tous les usagers de ces systèmes d’échange. “Pour l’industrie, c’est le scénario catastrophe, explique l’avocat. Elle devrait se retourner contre les fans, c’est-à-dire ses propres clients .” Les représentants de la RIAA n’iront sans doute pas jusque-là.Autre argument, en faveur des sites pirates : leur nationalité. Certes, les patrons d’Aimster et de Morpheus sont installés aux États-Unis. Mais pas Grokster ni Kazaa. Grokster s’est réfugié sur Nevis, une île des Caraïbes. Et la maison mère de Kazaa, Consumer Empowerment, vient des Pays-Bas. L’industrie devra “démontrer que ces compagnies étrangères ont suffisamment de contacts aux États-Unis pour que la juridiction américaine accepte le dossier”, note Neil Rosini. Et même si c’est le cas, l’affaire n’est pas encore entendue. “Ces pays accepteront-ils d’appliquer les jugements américains, se demande Owen Seitel. De nombreux casinos en ligne se sont justement installés au chaud, dans les îles Caraïbes, pour éviter les interdictions américaines sur le jeu.”Au fond, mieux vaudrait négocier en coulisse avec Consumer Empowerment, suggère Rick Dube, analyste de Webnoize. La société, propriétaire du logiciel Fasttrack, accepterait peut-être de cesser ses activités, en échange de l’abandon des poursuites judiciaires. Consumer Empowerment est une petite compagnie et ses finances supportent difficilement le coûteux procès en cours.

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Caroline Talbot à New York