Pour s’élever vers l’infini et au-delà, une fusée génère un flux de données incessant à destination des centres de contrôle au sol. Lors de chaque vol, ce sont ainsi quelque 3 à 4 Go de données qui sont analysées par les mémoires des ordinateurs du Cnes. Toutefois, tout n’est pas exploitable directement par ordinateur. Une partie des informations doit encore subir une interprétation “manuelle” de la part des ingénieurs d’Arianespace. “Lors d’un vol, des événements peuvent survenir dans un ordre ou dans un autre. Seul l’?”il de l’expert humain est alors capable d’interpréter ces séquences d’événements”, explique Manuel Sanchez, chef du département exploitation des vols à la direction industrielle d’Arianespace. En effet, Ariane 4, dont 12 exemplaires restent encore à lancer, dispose d’un calculateur embarqué dont la puissance découragerait n’importe quel utilisateur de PC. “Le calculateur d’une Ariane 4 dispose d’à peu près la puissance d’un PC… d’il y a 12 ans”, avoue Manuel Sanchez. Avec son processeur 16 bits et ses 40 Ko de mémoire, on ne peut pas demander à un tel équipement de produire des données trop élaborées. De ce fait, à la différence des informations générées par Ariane 5, dernier lanceur mis au point par Arianespace, toutes les données ne sont pas “taggées” et donc immédiatement interprétables par logiciel.
Un intranet au secours des non-informaticiens
L’essentiel de l’analyse des indications de vol est effectué directement par le Cnes à Toulouse. Mais à chaque vol, il reste 1 Mo de données qui ne peut être interprété automatiquement. Ces informations sont donc transmises au Cnes d’Évry par le réseau à fibre optique de l’organisme spatial français, puis auprès d’Arianespace, le constructeur, situé sur le même site. Pour analyser ces informations, Arianespace a développé des applications en langage C, dont l’interface en mode texte sur console Unix s’est rapidement montrée bien difficile à manipuler par une population d’ingénieurs, pour qui l’informatique n’est qu’un outil de travail. Un appel d’offres a donc été lancé pour créer ce qui allait devenir la première application intranet mise en ligne chez Arianespace. Cela se déroulait en avril 1999. Parmi les points clés du cahier des charges, il s’agissait de réutiliser au maximun du code C déjà développé et surtout de s’appuyer exclusivement sur les standards internet. L’application devait impérativement être compilable par une machine Unix ou NT. L’interface avec le serveur web devait être de type CGI. Au niveau des postes clients, n’importe quel navigateur de l’époque, internet Explorer et Netscape 4.0 en l’occurrence, devait accéder à l’application.
Le calculateur d’Ariane 5 sera plus puissant
Sur la demi-douzaine de propositions reçues par Arianespace, celle de Keyrus-Progiware a été retenue. François Deshaies, analyste-programmeur, a donc assuré le développement de cet intranet. Après environ un mois d’analyse, il débute la programmation en mai. Initialement formulée en C, l’application est réécrite en C++ et mise en production quatre mois plus tard. De fortes contraintes ont poussé François Deshaies vers des technologies standard. “Pour son paramétrage, la nouvelle application s’appuie sur un fichier XML. J’ai utilisé des bibliothèques de code open source pour l’interface CGI, ainsi qu’un parseur XML pour la gestion des paramètres”, explique le développeur.La recette de l’application a finalement lieu chez Keyrus-Progiware en novembre 1999, la mise en production est effective dès le mois suivant. Pour assurer la maintenance de l’applicatif, deux personnes sont formées par Keyrus- Progiware en plus des trois utilisateurs réguliers. “Actuellement, l’application fonctionne très bien et nous ne prévoyons aucune modification à apporter avant la fin des tirs d’Ariane 4”, conclut Manuel Sanchez. Le nouveau modèle de la fusée européenne, Ariane 5, embarque en effet un calculateur suffisamment puissant pour interpréter complètement les données de vol. Le dernier tir d’Ariane 4 signera donc l’arrêt de mort de ce développement.Aujourd’hui, cette application “Séquence de vol” a été rejointe par une application de gestion de documentation, puis par l’ERP accessible sur l’intranet. Mais c’est désormais à un intranet de dimension européenne qu’Arianespace s’est attaqué. Un projet de longue haleine car, à l’image de son capital, le constructeur travaille avec des entreprises situées dans toute l’Europe. Une mise en ligne n’est pas prévue avant 2003…
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