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Les dîners d’un i-séducteur

De start-up en holdings, journal de bord d’un cadre de la nouvelle économie. Il se confie sous pseudo pour parler ?” et parfois crier ?” plus librement…

Si vous vous en tenez à votre job, vous le perdrez. Restez le nez dans le guidon en pédalant avec application, et vlan, c’est le fossé. Ce qu’il faut, i-coco, c’est du re-la-tio-nnel ! Peloter le peloton, travailler votre réseau au corps.Le labeur n’est rien, tout est dans le tralala : déjeuners utiles et dîners en ville. Soyons clairs : il faut éliminer sans pitié tous les amis d’enfance qui n’ont pas réussi. Ça paraît raide, mais on doit savoir ne pas mollir du genou, et trier les lentilles sans en faire un plat. Tout ce qui est rare est cher, vos amis ne vous en aimeront donc que plus. Fort de ces évidences, j’ai donc décidé de sauver mon job de directeur de la communication en acceptant l’invitation à dîner d’un type que j’avais décidé de ne plus jamais voir. Un hiérarque de la pub suintant d’autosatisfaction, sorte de goret mutant se prenant pour l’arbitre des élégances… Vous le connaissez sûrement, et si vous êtes prêts aux mêmes bassesses que moi, peut-être avez-vous déjà dîné à sa table. Si j’ai ce soir-là accepté de perdre ce qu’il me restait d’âme, c’était pour sauver ce qu’il restait de mon travail : une très mince chance de le conserver.Si j’arrivais à séduire cette journaliste de TV-Big (pour éviter le procès, je déforme le nom de cette grosse chaîne), invitée elle aussi à ce dîner, pour lui extorquer un reportage sur notre boîte dans le journal de 20 heures, les investisseurs daigneraient peut-être remettre la main au portefeuille.
J’avais dit à Roland, notre boss, chatouillé par une envie urgente de me licencier, que l’affaire était déjà dans le sac, grâce à des relations supposées sexuelles avec cette journaliste. Mais elle ne couchait pas plus avec moi qu’avec notre groupe. Elle nous snobait résolument, comme tout ce qui avait un quelconque rapport avec internet. Le web n’était pour elle qu’un ” attrape gogos “. C’est ce qu’elle prétendait, pour masquer son abyssale ignardise. Car en fait, cette soi-disant spécialiste de l’économie (à la télé, le mot ” spécialiste ” ne pèse que son poids de cacahuètes) ne comprenait rien au net, ni même au site de sa propre chaîne… Il s’agissait donc de la séduire, en faisant semblant de la trouver jolie, et d’ignorer le désintérêt total qu’elle affichait pour moi. J’ai failli réussir, en arrivant à la faire rire (à propos des dîners utiles), avant de me faire lamentablement jeter (quand elle s’aperçut que je lui serais totalement inutile).J’ai joué mon joker en flattant sa meilleure amie, pimbêche talentueuse et sexy, Rastignac femelle de la presse féminine. Résultat : la pimbêche étant brouillée depuis peu avec la journaliste de TV-Big, celle-ci me black-lista définitivement. Elle jeta son dévolu sur le Tartarin publicitaire, qui fantasmait sur un rabais pour ses spots de prime time. De ce dîner de cons où je n’ai réussi qu’à remplacer l’ombre de Jacques Villeret, que reste-il ? La certitude que Roland va me virer. Ou, pire, me bannir dans notre filiale bretonne agonisante, avec obligation de réussite. Pour échapper à cet exil de cabillaud surgelé, je sens que je ny couperai pas : il va encore falloir que je dînutile…

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La rédaction