Un ordinateur qui fait aussi télé ? Un assistant personnel baladeur ? Un téléphone mobile qui lit les e-mails ? Chaque mois, les industriels annoncent de nouvelles innovations qui prétendent rassembler en un seul produit des fonctions différentes pour le plus grand bien du consommateur.Le mot qu’ils ont à la bouche ?” convergence ?” part de la constatation qu’une même technologie, nouvelle et ” transversale “, comme l’ont été l’électricité, le laser, le transistor, le microprocesseur, peut être utilisée pour des applications différentes. Soit. Mais de là à considérer que ces applications vont converger en un objet unique, il n’y a qu’un pas, souvent trop vite franchi.Les films du début du siècle nous montrent beaucoup d’inventeurs ayant imaginé des ” voitures-avions-bateaux ” propulsés par le même moteur à essence. Des meubles faisant bureau, étagère et lit, des vêtements réversibles ” tous temps “, des ” robots ménagers ” réalisant toutes les tâches ménagères, etc. Il suffit d’aller au Concours Lépine pour observer l’émergence régulière de ces objets ” à tout faire ” !
A part le couteau suisse, les objets ” à tout faire ” ne servent à rien
Mais, en pratique, il est rare qu’un même objet possède plus de deux fonctions réellement différentes.Même les produits dits ” deux en un ” ont un marché limité.Et mis à part le couteau suisse à fonctions multiples qui a séduit les militaires et les randonneurs, les produits polyvalents ont rarement débouché sur des succès.Dans la vie courante, c’est même l’inverse ?” la monospécialisation ?” qui s’impose. En effet, si la technologie nouvelle est universelle, son coût devient faible. Du coup, son utilisation dans des objets variés adaptés à des usages spécifiques est peu coûteuse. Exemple ? Le succès d’Intel, avec son principe ” Intel Inside “.Faire d’une technologie nouvelle le c?”ur d’un objet polyvalent se révèle toujours illusoire.Nous en avons la preuve avec l’émergence du numérique. Il s’agit là d’une technologie commune de transmission des données, sons, images et vidéo. Elle débouche, sans surprise, sur le mythe de la convergence : on parle de terminaux polyvalents, intégrant l’ordinateur et la télé, de cafetière permettant de gérer les e-mails ou (et) de calculettes-GPS-montre-stylo-téléphone, dignes de James Bond. Mais quel est l’intérêt réel de ces objets ” à tout faire ” ? En pratique, le consommateur préfère au contraire des terminaux spécialisés, simples d’usage correspondant à un besoin précis.Le second mythe de la technologie moderne, l’interactivité, procède de la même erreur de raisonnement.Parce que les liaisons multiples et en ” temps réel ” existent, on croit que les consommateurs vont les utiliser. En fait, il n’en est rien. Bien sûr, les jeux et l’apprentissage, par exemple, sont par nature demandeurs d’interactivité. Comme les nouvelles technologies permettent de fournir ces services avec un niveau acceptable d’interactivité, les e-mails, l’e-learning, les e-games se développent donc logiquement.En revanche, on ne constate pas d’interactivité croissante dans les médias et la culture. La télévision, par exemple, est moins interactive aujourd’hui qu’elle ne l’était dans les années 60. Idem pour l’édition littéraire ou musicale, ou la presse. L’interactivité se limite au ” stop ou encore “, au courrier des lecteurs, fût-il par e-mail, à la question choisie d’un téléspectateur, fût-ce par l’internet, et surtout au zapping, qui en est la forme la plus sommaire.Le trafic internet n’évolue pas dans le sens d’un équilibre croissant des flux. Au contraire : le flux entrant chez les internautes, fait de textes, d’images, de sons, d’animations, est de plus en plus important par rapport au flux sortant, fait de clics et d’e-mails.Papier, disque, vidéo, online, quel que soit le support, le phénomène des best-sellers ne se dément pas. Tout se passe comme si les NTIC permettaient d’élargir encore le nombre des lecteurs, auditeurs, spectateurs, téléspectateurs ou internautes, respectueux du texte intégral ou de la version originale.Les séries ou les romans qui laissent à ” l’utilisateur ” le soin de choisir la fin du scénario ne déchaînent pas l’enthousiasme. Il reste donc de beaux jours aux auteurs qui pensent que c’est d’abord à eux de décider du contenu diffusé vers les utilisateurs.* professeur d’économie de la technologie et de l’innovation au Conservatoire national des arts et métiers.
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