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Les dessous des cartes

Utopie. Du grec ou (non) et topos (lieu) : en aucun lieu. Ou, plutôt, un lieu inconnu dont les contours se devinent, se dessinent. François Schuiten…

Utopie. Du grec ou (non) et topos (lieu) : en aucun lieu. Ou, plutôt, un lieu inconnu dont les contours se devinent, se dessinent. François Schuiten et Benoît Peeters nous invitent à ne pas négliger cette hypothèse d’un ailleurs qui s’offre à nous, puis nous échappe… Un monde parallèle. Depuis vingt ans, le dessinateur et le scénariste d’outre-Quiévrain s’efforcent d’en tracer les contours. Et leurs quatorze albums sont autant de jalons posés sur une carte imaginaire où pointent Urbicande, Samaris, mais aussi Brüsel et Pâhry. Car si les Cités obscures, dont Casterman publie le dernier opus, sont ancrées dans les rêves de leurs créateurs, elles ne sont jamais coupées du monde réel. “Nous [les] considérons comme un reflet décalé de la Terre”, explique François Schuiten (
www.labd.com)
. Entre l’image et son double, chaque album de la série, bande dessinée ou récit illustré, constitue un point de passage à travers le miroir. Tout comme ces lieux bien réels, conçus par les deux rêveurs Belges ?” Schuiten est le fils d’un architecte bruxellois ?” et recensés par l’Office des passages obscurs (
http://passages.ebbs.net
), du métro Porte de Hal, à Bruxelles, à la station Arts et Métiers, à Paris. Faire planer le doute… y compris sur le web (site officiel :
www.urbicande.be
), où d’“obscurs” citadins font vivre le (neuvième) rêve. Tels ces journalistes qui, dans Luminas, se font l’écho de l’actualité politique, économique et culturelle des cités (
http://club.schuiten.peeters.ebbs.net
. Cliquer sur “Français” puis “Luminas”), ou ces habitués du Tram 81 qui, des gargouilles de Blossfeldstadt aux serres de Calvani, guident l’internaute dans les recoins de ce monde fictif (
http://users.swing.be/ graphik
). Mais, passé les portes, au-delà des perspectives expertes et du décorum à la Jules Verne, le lecteur accède à la dimension métaphorique de l’?”uvre. “Sûrement pas pour faire passer un message, assure Benoît Peeters dans le magazine Canal BD, mais pour donner une résonance à notre récit.” Celle des ambitions brisées d’urbanistes manichéens qui assistent impuissants à l’irruption destructrice d’une envahissante structure dans l’harmonie d’Urbicande (Lire “Autour des Cités obscures”, une interview fleuve de Schuiten et Peeters publiée à l’origine par Mosquito Éditions :
www.euronet.nl/ users/rpk/mosquito.htm
). Celle, aussi, des concepteurs de la tour (inachevée), “dont le but avoué était d’ailleurs de tenter d’accéder au spirituel par l’entremise d’une construction qui se serait affinée au fur et à mesure qu’elle s’élevait”, peut-on lire en ligne dans le Dictionnaire obscur (
http://dictionary.ebbs.net
).C’est justement de cartes, de plans, qu’émerge la représentation magnifiée d’une région renaissante, la Sodrovno-Voldachie, dans La Frontière invisible
(*). Où les cartographes un peu fous du Centre découvrent… les dessous politiques des cartes. Et c’est un chercheur novice, Roland, qui mène le lecteur à cette confrontation détonante qui donne la mesure, pour reprendre le leitmotiv de Benoît Peeters, du “rapport entre un univers de papier et le monde réel”.(*) ” La Frontière invisible “, tome I, François Schuiten et Benoît Peeters, éditions Casterman, 64 pages, 12,50 euros.

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Chadi Romanos