Dans la nuit de lundi, l’Assemblée nationale a voté l’instauration de la taxe Gafa (Google, Amazon, Facebook et Apple) en première lecture. Dans l’hémicycle presque vide, le projet de loi a été adopté à 55 voix pour, 4 contre et 5 abstentions.
Ce texte fait de la France un des pays pionniers en matière de taxation numérique. Le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, avait vanté avant l’examen du projet de loi, une mesure « à l’honneur de la France » et un « objectif de justice et d’efficacité fiscale » face à la « révolution » numérique. Après le vote, il s’est félicité que le pays « ouvre la voie », se disant « certains que d’autres pays suivront ». Pour Bruno Le Maire, elle servira de « levier » dans les négociations internationales.
Dans le détail, la taxe Gafa concernera les entreprises dont le chiffre d’affaires sur leurs activités numériques sera supérieur à 750 millions d’euros dans le monde et, en France, à plus de 25 millions d’euros. Le taux d’imposition sera à hauteur de 3 % du chiffre d’affaires réalisé sur le territoire français sur les publicités en ligne, la vente à des tiers des données personnelles et les activités dites d’« intermédiation » (mise en relation, par des plates-formes, entre entreprises et clients).
Annoncé en pleine crise des Gilets jaunes, en décembre 2018, cet impôt devrait contribuer à financer 10 milliards d’euros de mesures d’urgence économiques et sociales à la France.
Washington grince des dents
Pendant que la France jubile, l’Union Européenne (UE) se déchire. La taxation française est calquée sur un projet fiscal européen avorté après le veto de quatre pays (Danemark, Irlande, Finlande, Suède). Le projet continue de diviser fortement les pays membres. Or, la règle en matière fiscale dans l’UE est l’unanimité. La commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager avait salué, lundi 8 avril, les pays qui prenaient les devants, jugeant cet impôt nécessaire.
Même si la France joue la carte de l’isolationnisme, le ministre français s’est engagé devant les députés à ne pas relâcher ses efforts « jusqu’à ce que l’OCDE se mette d’accord », estimant cela « possible dès 2020 ». Dans ce cas-là, la France retirera « naturellement sa taxe nationale ». Mais, les négociations pourraient être plus compliquées que prévu.
Outre-Atlantique, Washington grince des dents. Jugeant cette taxe « extrêmement discriminatoire à l’égard des multinationales » basées sur le sol américain, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo avait prié Paris d’y renoncer. Le gouvernement français s’était empressé de rétorquer que la France était « décidée » et « souveraine » en matière fiscale. Des propos qu’il a réitéré dans l’hémicycle.
La « pire des solutions »
Cependant, même en France, un certain nombre d’oppositions se sont dressées face à cette taxe jugée inadéquate. Au premier rang desquels le président de l’Association des Services Internet Communautaires (ASIC), Giuseppe de Martino, qui déplore une « solution […] qui ne règle pas le problème » dans une lettre ouverte adressée au président de la République et publiée, mercredi 10 avril, sur le site Atlantico.
#TaxeNumerique : Monsieur le Président, la start-up nation doit montrer l'exemple. La soit disante #TaxeGAFA est à l'opposé de tous les engagements pris.https://t.co/8Y5D2iCsnv
— ASIC (@L_ASIC) April 10, 2019
Des voix s’étaient déjà élevées contre la mise en application jugée hâtive de cette taxe Gafa. Mounir Mahjoubi, ex-secrétaire d’État chargé du Numérique récemment limogé du gouvernement, estimait qu’elle était la «pire des solutions » dans un entretien accordé à La Tribune, le 22 mars dernier.
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