Fromages, vins, cognacs, parfums… ces articles bien de chez nous sont, depuis quelques semaines, dans la ligne de mire des consommateurs américains. Si les industriels et les grands groupes ne mesurent pas encore l’impact de ce
mouvement francophobe sur leurs ventes, les cybermarchands de taille plus modeste se veulent circonspects.Il est vrai que la campagne va bon train. Sur Internet, les sites ‘ patriotiques ‘ appelant au boycott des produits français fleurissent.
Frogweenies (ces toutes petites grenouilles) diffuse une liste d’entreprises dont il ne faut pas acheter les produits. Les visiteurs français s’amuseront d’y voir figurer The International
Herald Tribune, mais le journal britannique trouvera cela peut-être un peu moins drôle.L’affaire bat également son plein sur les
forums. Mais le consommateur américain s’y retrouvera-t-il, tant des orthographes fantasques circulent sur le réseau ? Entre le champagne ‘ Veue
Cliquot ‘ et la ‘ Bénadictine ‘, on en doute.Quoi qu’il en soit, le consommateur américain a bien reconnu
Fromages.com. ‘ Avec notre nom, nous sommes clairement identifiés comme Français. Au plus chaud de la crise, nous avons reçu mille demandes de désabonnement à notre newsletter.
Notre chiffre d’affaires outre-Atlantique a baissé de 20 % sur le dernier mois. Et nous connaissons des pics de fréquentation tout à fait inhabituels. Si bien que notre serveur n’a pas tenu le coup le 13 février
dernier ‘, détaille Marc Refabert, PDG de Fromages.com.
Le haut de gamme ne semble pas concerné
En outre, le site reçoit des centaines de mails, dont on devine les propos peu élogieux. La direction en a pris son parti : elle fait le dos rond en attendant des jours meilleurs. ‘ On ne peut pas dire que
nos soyons très inquiets. Mais nous ne nous attendions pas à ce que la période soit si difficile. ‘Chez
Poilane, la crise franco-américaine n’aurait pas vraiment d’impact. Le boulanger ne réaliseà l’export que 10 % de son chiffre d’affaires de 10 millions d’euros, dont une
infime partie outre-Atlantique. ‘ Nous n’avons à ce jour reçu qu’un seul mail désagréable. Qui plus est d’une personne qui n’avait jamais commandé chez nous ‘, raconte Joan Richardson.Et si la responsable export de Poilane avoue néanmoins qu’elle commence à perdre des revendeurs aux Etats-Unis, c’est à la récession économique qu’elle attribue ce phénomène et non à l’appel au boycott. Mais, comme pour mieux conjurer
le sort, Joan Richardson s’empresse de préciser que Poilane est désormais une entreprise franco-américaine.Le boulanger s’adresse à des clients haut de gamme qui font bien la différence entre politique et commerce voire habitude de consommation. ‘ Quand Berlusconi est arrivé au pouvoir en Italie, en France la gauche
caviar a crié au scandale. Elle n’a pas pour autant arrêté d’acheter des costumes Armani ou Gucci ‘, commente ce marchand en ligne.Le PDG du site de vente de vin et de champagne
1855.com partage cette analyse. ‘ Nous ne ressentons pas l’appel au boycott. Il y a le “mass market” et le haut de gamme. Chez nous, le panier moyen tourne autour de
800 euros, et nos clients sont sensibles à la marque. Ils n’ont pas la réaction épidermique de l’Américain moyen ‘, commente Emeric Sauty de Chalon.
Les sites moins touchés que les magasins
Pourtant, Philip Lempert, directeur de supermarketguru.com, et analyste du secteur de la distribution, affirme : ‘
Je ne sais pas si le boycott a un effet sur les ventes de fromage… mais sur le vin,
c’est certain. Chez plusieurs détaillants, les ventes de crus français ont chuté dramatiquement. ‘ Alors ?En fait les cybermarchands ne sont pas en première ligne, comme peuvent l’être les enseignes physiques. Tout simplement parce qu’ils ne réalisent qu’une partie de leur chiffre avec les Etats-Unis. Seuls 5 % du chiffre d’affaires de
1855.com est généré outre-Atlantique. Chez Comtesse du Barry, on explique que la part du chiffre d’affaires réalisé en ligne aux Etats-Unis est ‘ non-significative ‘.A contrario, pour fromages.com, le marché américain est vital. Le marchand y réalise 80 % de son chiffre d’affaires. Il est donc fort logique que le fromager en ligne ait rapidement mesuré le phénomène. Quitte,
selon certains, à lui donner de l’ampleur. Après tout, toute crise n’a telle pas du bon, puisquelle garantit une certaine notoriété et visibilité à la marque ?
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