Pour réussir dans son travail, ce n’est pas son travail qu’il faut réussir. Ce sont tous les à-côtés, qui vous éviteront d’aller dans le fossé. Donnez raison à Heidegger, pénible philosophe allemand, qui avait néanmoins tout compris de nous : “Les Français sont superficiels par profondeur.”
Appréciation flatteuse, que nous ne méritons pas vraiment. Car, malgré d’évidentes dispositions, nous ne sommes jamais assez superficiels ! Ainsi, au lieu de vous échiner sur votre business plan ou votre media planning, sous prétexte que votre boss vous le demande pour hier matin, occupez-vous plutôt de votre apparence vestimentaire. Fringuez-vous plus branché que vos collègues ?” laissez-leur Célio et Gap en investissant dans du Kenzo ou de l’Armani : le petit complexe d’infériorité que vous créerez alors chez eux vous permettra de les charger de ce rapport urgent, que, plus tard, vous rendrez vous-même au boss.
Si ça ne suffisait pas, plongez-vous dans la lecture de Courrier International et du Nouvel Hebdo, pendant qu’ils se déprécient en potassant une de ces laborieuses gazettes destinées aux cadres low level… Ceux-là même qui, en réunion, noircissent studieusement l’écran de leur Palm V pendant que d’un geste vous déclenchez le mémo vocal de votre Jornada 568 pour y glisser deux ou trois mots sibyllins.Dans le même esprit, sachez faire la différence à table : quand vous réussissez enfin à vous faire inviter à dîner chez le boss, ne faites pas comme les autres petits malins qui, eux aussi, ont réussi à s’incruster. Ne bâfrez pas. Quitte à descendre deux boîtes de choucroute et un camembert une heure auparavant, ne montrez jamais votre appétit. La faim, c’est bon pour les pauvres…
Rayon usages et bienséance, marquez aussi des points : si vous ne savez pas comment saluer qui, ni lequel des 18 couverts utiliser, entraînez-vous avant le jour J ! N’ayez pas honte auprès de votre libraire en lui commandant le Guide du protocole et des usages : ce simple commerçant ne pouvant ni nuire à votre carrière, ni la booster, son regard ironique ne vous en touchera qu’une sans gonfler l’autre. Inutile de vous préciser que ce genre d’expression est à bannir instamment en société, où le langage de camionneur fait rarement rire, sauf à citer non pas Frédéric Dard, mais Sollers citant Dard, nuance dont peut dépendre votre carrière…Au bureau comme en ville, ne prononcez plus jamais les mots “ensuite” ou “puis” ; préférez-leur “derrière” : pas de “nous consultons la base, et ENSUITE nous licencions”, vous seriez vous-même licencié… Préférez “nous consultons, et DERRIÈRE nous licencions”. Ce qui, remarque basique, n’est pas un langage plus “à la page” (expression immédiatement ringardisante), mais plus up to date. Moi-même, je ne parle plus que comme ça. Je ne “devine” pas ; “j’intuite” que ça plaira à mon boss, non pas à mon “patron”, ce qui fait ferait dramatiquement congés-payés.Ainsi, il a bien senti que nous étions du même monde. La preuve : il ne ma pas demandé de “travailler” ce week-end sur le dossier Poulard. Seulement de le “prévalider pour lundi”. “Une avancée sociale significative”, non ?
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