Ceux d’entre vous qui sont passés devant un cinéma ce soir ont dû être surpris de voir leur façade plongée dans le noir. Il s’agit d’une opération orchestrée par la Fédération nationale des cinémas français (FNCF) : tous les cinémas de France, du multiplexe à la salle d’art et d’essai, ont éteint leurs enseignes lumineuses mercredi 4 novembre, entre 18 et 19 heures, pour alerter les pouvoirs publics sur les conséquences économiques de la loi Hadopi.
« Nous n’avons pas voulu lancer une opération écran noir qui aurait pénalisé les spectateurs, qui nous sont fidèles », déclare Erwan Escoubet, directeur juridique de la FNCF. Les projections ont donc eu lieu normalement, une affichette sur les portes du cinéma ou une annonce avant le début de la séance a permis d’expliquer l’opération aux spectateurs.
Une exclusivité réduite à quatre mois
C’est la nouvelle chronologie des médias instituée dans la loi Création et Internet qui est pointée du doigt. La durée d’exploitation des films en exclusivité dans les salles est désormais fixée à quatre mois, contre six auparavant. Une tactique adoptée dans l’espoir de couper l’herbe sous le pied au téléchargement illégal, puisqu’elle permet aux consommateurs d’accéder plus rapidement aux films en DVD ou en VoD (vidéo à la demande), quatre mois seulement après leur sortie en salles.
La Fédération a été consultée lors de l’élaboration de la nouvelle chronologie, elle l’a même validée. « Les salles de cinéma font partie des victimes du piratage, nous avons naturellement accepté le principe de la loi Hadopi, explique Erwan Escoubet. Mais nous avions demandé au gouvernement de réfléchir à un rééquilibrage du partage des recettes. »
Ce n’est donc pas le prix du billet de cinéma qui est en jeu. La FNCF voudrait que la part destinée au diffuseur soit augmentée. Actuellement, sur un billet vendu 7,50 euros, une fois déduites les différentes taxes, il reste environ 6,30 euros à partager à part égale entre l’exploitant et le distributeur. C’est dans la poche de ce dernier que voudrait piocher la Fédération, en réduisant sa part à 45 % des recettes.
2 milliards d’euros investis en vingt ans
« Les distributeurs ont vu leur sources de revenus se multiplier, puisqu’ils tirent aussi des bénéfices de l’exploitation des films en DVD, en VoD ou encore lors de leur diffusion à la télévision. Alors que les salles de cinéma s’appuient exclusivement sur la vente de tickets », argumente Erwan Escoubet.
Or, la réduction du temps d’exclusivité a un impact économique direct. « Le film perd de sa valeur dans l’esprit du spectateur, qui est moins enclin à aller au cinéma s’il sait que dans peu de temps il va pouvoir le louer », explique le directeur juridique.
Et il rappelle les lourds investissements effectués par la profession, près de 2 milliards d’euros en vingt ans, ce qui a permis de relancer la fréquentation des salles obscures et de soutenir la création cinématographique. De nombreuses salles, qui doivent faire face à de lourds remboursements, risquent de basculer dans une situation économique intenable pouvant les conduire à fermer leurs portes.
La Fédération a engagé des démarches pour obtenir un rendez-vous auprès du ministère de la Culture afin de lui exposer ses arguments. Elle espère pouvoir engager le dialogue grâce à cette action symbolique.
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