Au printemps 2000, les chauffeurs de taxi demandaient à leurs passagers des conseils pour acheter les actions des sociétés internet. Avec le recul, c’était clairement un signe avant-coureur du krach qui allait suivre.Aujourd’hui, les conversations dans les taxis américains sont, à l’inverse, négatives. On y ridiculise des idées encensées hier, tout en mettant en garde contre les dangers de mondialisation induits par le Net.Cette vague pessimiste, aussi superficielle que l’hystérie collective qui l’avait précédée, est un indice que nous avons touché le fond et qu’il est temps de reconsidérer l’impact potentiel positif de l’internet.Il est également temps que les médias véhiculent des analyses plus poussées que la simple description des aléas boursiers des valeurs high-tech. Et qu’ils essaient de comprendre ce que l’innovation de ces sociétés apporte, à long terme, à des pans entiers de l’économie traditionnelle.
Le supermarché Webvan est mort, mais son modèle a de l’avenir
L’exemple qui illustre le mieux ce propos est celui de Webvan, société californienne de supermarché en ligne. Vous allez me dire qu’elle a déposé le bilan en juillet, faute de financements. A mon avis, elle n’en reste pourtant pas moins un modèle de concept adapté à l’internet.La presse et le grand public n’ont retenu que ses ascensions et ses plongeons en Bourse, mais le choc qu’elle a créé va bien au-delà de ce parcours de montagnes russes.Webvan, d’abord, a bouleversé le c?”ur du métier et de la profitabilité des supermarchés : l’automatisation de la chaîne logistique. En analysant le compte d’exploitation d’une chaîne de supermarchés, on constate en effet qu’environ 50 % des charges proviennent des amortissements et de l’entretien de l’infrastructure immobilière (entrepôts et magasins).Avant l’internet, la seule manière de gérer la fluctuation de la demande des clients était de constituer des stocks-tampons dans des entrepôts régionaux et locaux. Qu’a fait Webvan ?En proposant aux consommateurs de commander via un site web, elle avait la possibilité de prévoir les demandes des clients. Ce qui lui a permis d’automatiser au maximum la réponse à la commande. Résultat : une augmentation du service clients et de très grosses économies sur un poste ?” la logistique ?” qui représente donc 50 % des charges.La société avait par ailleurs développé des logiciels fondés sur l’intelligence artificielle pour gérer ses achats en flux tendu et installé des robots pour automatiser le remplissage des paniers clients dans les entrepôts. Quant aux camions, ils étaient dispatchés dans la zone de livraison avec un parcours optimisé par un logiciel ” intelligent “.Même en tenant compte du différentiel de coût entre l’équipement d’un centre Webvan et celui d’un supermarché classique, l’avantage est énorme.Sur le long terme, un centre de logistique de type Webvan remplace de 7 à 10 entrepôts et supermarchés régionaux classiques. Et la marge nette de magasins de ce genre atteint 8 à 10 % nets contre 3 à 4 % pour un supermarché américain classique. Les chaînes traditionnelles ont bien sûr réagi.Dans quelques années, elles auront revu leur organisation, augmenté leur profitabilité et généré des dizaines de milliards de dollars de valorisation boursière. Au niveau macro-économique, l’effet Webvan est donc énorme.
Grâce au Réseau, plus besoin de sacrifier la qualité aux volumes
La start-up a aussi fait mentir une loi d’airain de la distribution. La recherche du profit par les grandes surfaces s’était toujours traduite par une augmentation des volumes, et donc par une baisse de la qualité des produits. Webvan a montré qu’on pouvait commander de très petites quantités à de très nombreux producteurs, en direct, en temps réel et en flux tendu.En clair, Webvan savait le mercredi soir qu’elle devait livrer le lendemain 47 homards vivants à San Francisco et 32 à Seattle ?” et non une moyenne de 35 par jour et par supermarché.La coopérative de pêcheurs locale recevait la commande par e-mail : elle savait combien de crustacés rapporter le lendemain. Elle avait en plus la garantie d’être payée, et plus cher que par les grandes surfaces classiques. La technologie est donc un remède à la mondialisation, et non un facteur aggravant. Bientôt, José Bové ira faire un stage chez les capital-risqueurs de la Silicon Valley.
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