Pas une semaine sans que les sanctions économiques américaines ne noircissent le ciel déjà bien chargé de Huawei. Après de nombreux coups reçus dont le plus emblématique est l’interdiction d’utiliser les usines taïwanaises de TSMC pour fabriquer ses processeurs, Huawei va devoir faire face à une privation totale de composants provenant de Corée du Sud.
Les trois principaux champions électroniques du pays que sont Samsung, LG et SK Hynix ont en effet tour à tour annoncé arrêter de livrer l’entreprise chinoise à partir du 15 septembre prochain. LG ne livrerait plus d’écrans, Samsung garderait ses écrans et ses processeurs Exynos (utilisés dans certaines gammes de produits) et SK Hynix couperait le robinet à modules mémoires.
Privé des services Google, Huawei avait su rebondir avec l’utilisation de la partie libre d’Android et son App Gallery. Mais sans processeurs, ni écran, ni mémoire disponibles, il est tout bonnement impossible de produire le moindre téléphone. À la manière de la stratégie d’encerclement de l’Union soviétique par des bases de missiles lors de la Guerre froide, les États-Unis “cernent”‘ la Chine en maintenant dans leur giron tous les acteurs asiatiques à la pointe des nouvelles technologies. Alliés des USA, la Corée du Sud, Taïwan et le Japon semblent donc tous vouloir se conformer aux interdictions américaines. Laissant très peu de chances à Huawei de trouver des alternatives pour rester dans la course.
Guerre de totale de la chaîne d’approvisionnement
Entamée il y a un an, la « croisade » des USA contre Huawei sonne presque comme un plaidoyer contre l’interdépendance des états – ou pour le protectionnisme et la souveraineté, selon les points de vue. L’éphémère numéro un mondial des smartphones conçoit en effet ses smartphones avec quelques briques chinoises – SoC sur mesure par sa filiale HiSilicon, écosystème (originellement) chinois d’AppGallery – mais avec force composants étrangers. Des capteurs japonais de Sony en passant par les mémoires et écrans coréens, les antennes et le système d’exploitation américain, etc. les smartphones de Huawei sont des appareils « globaux ».
Une chaine d’approvisionnement que l’administration Trump sape non seulement du point de vue des fournisseurs de composants finaux comme les Samsung et autres Sony, mais aussi du point de vue de la chaîne technologique.
Ainsi, après avoir interdit à TSMC de produire des puces pour Huawei, les USA sont actuellement à la manœuvre pour empêcher la seule alternative chinoise actuelle, SMIC, d’acquérir les machines, les logiciels et autre savoir-faire pour améliorer leur chaîne de production. Et ce, autant pour permettre aux USA et à ses partenaires asiatiques (Corée du Sud et Taïwan) de conserver leur avance technologique que pour frapper Huawei. Et seulement Huawei.
Huawei perçu comme un avatar du PCC
Si Samsung devrait un peu profiter de la baisse des ventes – de la disparition ? – des terminaux Huawei, le gros du volume du marché sera phagocyté par des marques… chinoises. En tête de pont, les Oppo/Vivo/Realme (même groupe), Xiaomi et autres. Des entreprises un peu moins « techno indépendantistes » – seul Huawei sait faire ses SoC personnalisés, les Kirin – qui sont bons clients des Qualcomm (USA) et autres MediaTek (Taïwan).
Le hic pour Huawei sont ses liens supposés avec le Parti communiste chinois, qui aurait favorisé son accélération technologique et son expansion – comme ce que font les Américains avec leurs champions, soit dit en passant !
Avec la privation de composants clés comme les écrans et la mémoire, la disparition des smartphones de Huawei semble presque certaine et sonnerait comme une victoire court-terme pour le gouvernement Trump. Le risque étant, pour les USA, que le gouvernement chinois réussisse à accélérer son agenda de souveraineté technologique. Et après une traversée du désert, Huawei pourrait repartir de plus belle. Sans aucune dépendance américaine.
A l’heure où nous écrivons ces lignes, nous n’avons pas encore eu de réaction officielle de la part de Huawei France quant aux décisions américaines.
Sources : Reuters, UPI, Engadget
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