Soyons nus, soyons nous
Avez-vous vu sur Paris Première l’émission de Frédéric Beigbeder où tous les invités étaient entièrement nus ? Chairs plus ou moins lisses, fesses plus ou moins fermes, toisons plus ou moins luxuriantes et sexes plus ou moins… Bref, tous nus. S’agissait-il d’une émission consacrée à l’emploi, avec des acteurs de porno venus exhiber leur outil de travail ? Non, seulement d’une émission culturelle, où les auteurs et les critiques présents tenaient sûrement à nous prouver qu’ils traitent la littérature par-dessous la… jambe, et qu’ils se la mettent là où je pense. Notre PDG Roland qui, depuis ce jour, glose à l’infini sur cet événement mondial, y a vu tout autre chose. Un coup de communication “for-mi-dable”. Car “tout le monde” (850 Parisiens branchés) ne parle plus que de ça. Et, ajoute-t-il, si le directeur de la communication de notre groupe (moi) avait d’aussi bonnes idées, il y a longtemps que nos actionnaires ne seraient plus à poil ! Comme chaque fois que l’avenir de l’univers est en jeu, Roland a donc réuni le comité de direction. Il appelle ça “cellule de crise”, ce qui est très tendance et lui permet de s’identifier à Jospin fuyant Trotski, ou Chirac cherchant d’urgence le dernier modèle de parapluie anticrachats… Roland adore dramatiser et nous réquisitionner aussitôt sur la scène de ses tragédies grandioses. Ce qui, en général, n’a qu’un effet : faire passer nos 35 heures à 70 ! Nous voilà donc convoqués à 20 h au 3e comité de direction de la journée, avec pour mission de tirer la substantifique moelle du pénis de Beigbeder. “Je veux un truc qui marque les esprits, un concept phare, et imparable ! Et je le veux tout de suite !” Là, il me regarde avidement, tel Jacques pressant à l’Élysée la tête de son Dominique (de Villepin) pour en extraire ce qui ne s’y trouve plus depuis longtemps : une idée. Vais-je lui suggérer de se mettre nu devant le gratin de la presse économique ? De montrer ses bourses chez Jean-Pierre Gaillard, d’y exhiber la paille de son intimité pour cacher la poutre de nos comptes truqués ? Ou, chez Nicolas Beytout, de faire glisser sur ses chevilles le caleçon Calvin Klein qu’il a oublié dans le bureau de Charlotte, notre directrice générale adjointe ? Laquelle me sauve du naufrage en osant faire remarquer à Roland qu’avant de faire de la pub, il faudrait la mériter… Que veut-elle dire ? “Moi je dis que la nudité améliore vraiment les vibrations, mais je crois aussi qu’avant de nous déshabil-ler sur la place publique, on devrait le faire entre nous.”Stupéfaction dans l’assistance : plaiderait-elle pour l’introduction de l’échangisme au sein des instances dirigeantes ? Roland, troublé : “Ah bon… Tu crois que ce serait porteur ? ” Charlotte, illuminée : “Porteur, faut voir, mais moi je dis qu’on devrait organiser un séminaire mensuel où l’on serait nus, car moi j’estime que ça évacuerait les tensions entre nous, et ce serait déjà ça. Et puis, c’est très structurant…” Roland : ” OK Charlotte, on prend date et tu faxes ça à l’AFP et aux télés. ” Romont, notre DG adjoint, consterné : “C’est une blague ?” Nayant sûrement pas raté le dernier Envoyé Spécial et son reportage consacré au nouveau management, vous connaissez la réponse…
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