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Les carnets de Netego

De start-up en holdings, journal de bord d’un cadre de la nouvelle économie. Il se confie sous pseudo pour parler?” et parfois crier ?” plus librement…

La marotte et le bâton

Le nouveau TVC (Tic Verbal Compulsif) du boss se résume à deux mots : “Réunion bilan”. Toutes affaires cessantes, il faut se ruer au Comdir (comité de direction), où nous échangeons amabilités forcées et ragots déstabilisateurs ( “On m’a dit que tu ramais un peu sur le dossier Webinvest, n’hésite pas à me demander un coup de main”). Puis, impérial, le boss arrive enfin, suivi de (très) près par Charlotte, l’ondulante directrice générale, tel Néron flanqué d’Agrippine (sans jeu de mots). Le tandem infernal nous confirme aussitôt l’ordre du jour : “Réunion bilan”. Roland, boss suprême et incomparable stratège, donne le coup d’envoi : “Où en sommes-nous pour le déménagement ?” Il s’agit de fuir vers la province, où Roland rêve de se planquer depuis les attentats de New York, qui ont forgé sa nouvelle philosophie : “Les villes sont condamnées. Quand on est assis sur une bombe, il faut changer de siège.” On a tous envie de lui répondre qu’il y a longtemps qu’il déménage. Philippe Romont, en charge du dossier délocalisation, préfère lui dire, avec l’imprécision dynamique qui le caractérise : “Ça avance, ça avance…” Mais on ne la fait pas à Roland : “Dans quelle direction, si ce n’est pas indiscret ?” Philippe, qui d’habitude transpire la fatuité, sue maintenant d’inquiétude : “J’avais pensé à… la région toulousaine…” Charlotte, pas du tout tentée par Toulouse : “Si nous examinons cette proposition risquée, enfin je veux dire les raisons personnelles qui quelque part te font aimer le risque, eh bien moi je dis que ce serait un challenge, mais très risqué je dirais…” Roland, qui vénère les principes total-psy ayant valu sa nomination à Charlotte, mais ne les a pas tout à fait intégrés : “Toulouse ? Mais Philippe, vous êtes nul ou quoi ? Vous vouliez fuir les attentats pour vous réfugier à deux pas d’une usine chimique en instance d’explosion ?” Romont, déchiqueté, se retourne vers notre directrice générale, si humaine : “Moi je dis qu’il faut le comprendre car avec tous ces événements, on est super émus, moins lucides, je dirais. On désobjective, donc on n’est plus objectifs.” Romont, s’accrochant à cette bouillie comme à une bouée : “C’est vrai, nous sommes tous bouleversés. Cela dit, j’ai pris aussi des contacts dans la Drôme, près de Sud Net, qui sont nos premiers clients et…” Mise à mort de Romont : “En fait, demande Roland, à cinq kilomètres de la centrale nucléaire du Tricastin, c’est cela ? Un Airbus détourné sur ce machin, et nous sommes en train de bouffer le champignon atomique par la racine, c’est ce que vous proposez ?” Pendant que Romont agonise, Roland range soudain son bâton : “Pas de panique, prenez le temps qu’il faut pour trouver une solution.” Le boss applique ses bonnes résolutions du mois dernier, inspirées par Charlotte (“Le spectacle de la violence planétaire doit nous aider à améliorer nos propres comportements, moi le premier”). Romont soupire de soulagement. Roland, magnanime, précise : “Désolé pour cette mise en boîte, Philippe. Vous avez bien sûr droit à un délai, et à mon respect : l’incompétence nest pas un péché mortel.”À Romont qui sombre à nouveau, Charlotte tend une perche : “Oui, reprenez le dossier mais ne vous stressez pas. Prenez le temps de vous recentrer, et remettez-nous ça disons… demain, moi je dirais.”

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La rédaction