“Je n’aurai pas le temps ” serait moins le titre d’une chanson à succès que la description du monde moderne. C’est en tout cas la présentation qu’en fait avec humour James Gleick dans son ouvrage : Toujours plus vite. Le livre est parfois décousu. Il mêle des considérations mathématiques de haut niveau sur les séries de nombres ?” qui ne sont pas toujours très claires ?” à des réflexions sur l’histoire du temps et de sa mesure. L’économie a tiré d’une plus grande capacité à mesurer le temps un mode d’organisation de la production de plus en plus contraignant. Le paysan vivait au rythme lent des saisons. L’ouvrier taylorisé subissait déjà la dictature de l’horloge. Le cadre de la nouvelle économie est persécuté par son agenda.L’auteur est fasciné par les ascenseurs qui, compte tenu de la hauteur croissante des immeubles, sont d’une rare complexité pour que les usagers n’y passent pas trop de temps. De cette fascination, il tire un moyen de classer les gens en deux groupes : ceux qui attendent que la porte de l’ascenseur se ferme, et ceux qui appuient d’emblée sur le bouton prévu pour rendre cette fermeture immédiate. Ces derniers, qu’il appelle individus de catégorie A, sont les symboles de l’époque moderne qui, malgré l’efficacité croissante des processus de production et les gains de productivité afférents, malgré la rapidité des transports, malgré la vitesse de circulation de l’information, manque de temps.En fait, le problème réside dans une distorsion entre ceux qui traînent leur vie entre ennui et oisiveté, jeunesse dés?”uvrée du tiers-monde ou pré-retraités des plans de restructuration, et les acteurs de la nouvelle économie qui courent après leur emploi du temps. L’enjeu du futur est que la formation et l’organisation permettent de corriger cette distorsion.
*Professeur à lESCP
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