Des motards partout. Avant 1984, année de l’informatisation du PMU, des dizaines d’hommes à moto sillonnaient chaque jour la France à destination de la capitale, emportant dans leur sacoche les tickets des paris enregistrés dans la
matinée. Une fois ceux-ci rassemblés, on pouvait procéder à l’évaluation des gains des heureux vainqueurs. Qui devaient quand même attendre le lendemain pour toucher leur argent.En 2003, il ne s’écoule qu’une dizaine de minutes entre la fin d’une course et le moment où les gagnants empochent leur magot. En moins de vingt ans, l’informatique a bouleversé l’organisation de cette activité ancestrale qu’est le
pari sur des courses de chevaux. Et le recours aux technologies ne fait que s’accélérer : télévision interactive, téléphone, minitel, mobiles et internet sont désormais utilisés pour informer le parieur ou recueillir ses mises.Cette multitude de supports de jeu explique que la direction des opérations et des systèmes d’information (Dosi) emploie 250 personnes sur les 500 que compte le siège du PMU. Et que les dépenses de ladite Dosi font partie des premiers
budgets de la maison : 150 millions d’euros par an sur les 423 millions d’euros que représentent les charges nettes de gestion de ce GIE.A titre indicatif, cette facture techno constituera 2,1 % du chiffre d’affaires du PMU. ‘ L’essentiel de notre activité repose sur le système informatique, confie Olivier Herrmann, Dirigeant Système
Information depuis la fin 2000. Et notre objectif est de ne pas connaître d’interruption technique supérieure à une heure. ‘ Inutile de préciser que cela se traduirait inévitablement par des pertes de chiffre d’affaires
! Comme en ce dimanche 22 décembre 2002, où les 120 minutes de panne ont engendré un manque à gagner estimé à 15 millions d’euros. Au PMU, personne n’a envie que cela recommence.Et puis, contrairement à une activité commerciale traditionnelle, avec ses heures de fermeture durant lesquelles l’informatique peut être révisée, la prise de paris est possible vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur
sept. Si le nombre de joueurs est moindre la nuit, il ne faut pas oublier les habitants des DOM-TOM. Il y a toujours un parieur éveillé quelque part sur la planète !Outre ce rythme continu, le système d’information gère une multitude de données. Petite explication mathématique : pour une course comprenant dix-huit partants, on dénombre, en théorie, 1 million de combinaisons possibles pour un
quinté. Dans la pratique, les parieurs écartent les chevaux les plus médiocres. Ce qui ne laisse ‘ que ‘ 100 000 combinaisons ayant effectivement une chance de se vérifier à l’arrivée. A multiplier par le nombre
d’épreuves : plus de 5 100 courses nationales et 5 700 régionales sont organisées en France tous les ans. Avec, à chaque fois, des milliers de formules de paris. Résultat, les machines effectuent quotidiennement quelque 40 000 calculs : prise en
compte des versements, établissement d’une cote, enregistrement d’un ordre d’arrivée, paiement aux gagnants. Sans oublier les changements de dernière minute dûs aux chevaux non partants.
La solution : centraliser les calculs
‘ Tout le système est désormais centralisé à Paris, explique Olivier Herrmann. Contrairement aux débuts de notre informatisation, où nous avions opté pour l’installation d’une vingtaine de
serveurs décentralisés en région. ‘ Rationalisation oblige, le projet Pégase, élaboré en 1996 avec IBM, puis avec Cap Gemini, avait pour vocation d’uniformiser l’équipement. Elaboration des logiciels, fabrication des
matériels… Il aura fallu près de dix ans pour finaliser le processus. D’autant plus que le système d’information, qui était en gestation, a dû prendre en compte le passage à l’an 2000 et la conversion à l’euro. ‘ Pour les
paris, nous fonctionnons traditionnellement avec des paiements en espèces, indique le Dirigeant Système Information. Nous avons ainsi connu cet intéressant cas de figure : le 31 décembre 2001, nous collections des francs, et le
1er janvier 2002, il fallait assurer les paiements en euros ! ‘Le système a tenu le choc ; il est aujourd’hui composé de trois ensembles :
le système d’information central (SIC), qui compile l’ensemble des mises afin d’établir les rapports ;
le système d’information financier (SIF), qui émet les chèques, gère les caisses des points de vente, leurs commissions et les sommes transférées à l’Etat ;
le système d’information hippique (SIH), qui délivre en temps réel les données relatives aux courses (liste des chevaux au départ, montant des paris, résultats d’arrivée, etc.).Les destinataires ? Les services minitel, les sites internet spécialisés, les médias, l’Agence France Presse, les points de vente PMU… Tous les relais d’information susceptibles de diffuser des nouvelles concernant le monde des
chevaux. Avec ses 8 000 points de vente répartis sur le territoire, le PMU a donc une certaine habitude de la prise de paris à distance. ‘ Nous leur fournissons tous les équipements informatiques et télécoms, confie
Olivier Herrmann. Ainsi que la liaison Transpac, qui les relie à notre siège. ‘ Ce dispositif correspond à la philosophie du PMU : un pari n’est enregistré que lorsque la somme misée est effectivement délivrée par le
joueur. Ce qui interdit le paiement au moyen d’un chèque ou d’une carte de crédit.Afin de ne pas se priver de la clientèle ne voulant ou ne pouvant se rendre dans un café ou une antenne du PMU, le GIE propose l’ouverture d’un compte bancaire auprès du Crédit Mutuel. Le parieur abondera alors ce compte. Comme une
sorte de porte-monnaie électronique, il servira à payer les mises, quel que soit le mode de transmission du pari : par téléphone auprès d’un opérateur, par minitel ou via la télécommande de sa télévision. En effet, ‘ depuis avril
2000, les abonnés à TPS ou à Canal Satellite, qui retransmettent les programmes de notre propre chaîne de télévision, Equidia, peuvent parier par ce biais, indique Didier Banquy, directeur général délégué du PMU. Ce qui
représente un moyen supplémentaire d’atteindre une clientèle qui n’aurait pas forcément envie de fréquenter un hippodrome. ‘ C’est également l’enjeu de la prise de pari sur internet, annoncée pour la fin de l’année 2003.
Renouveler la cible
Les nouveaux supports de jeu, comme le pari via le poste de télévision ou la formule Spot, qui revient à proposer aux parieurs une sélection automatique des chevaux les plus joués, ont certainement contribué à la venue des 500 000
clients supplémentaires enregistrés par le PMU depuis trois ans. ‘ Un tiers des 6,5 millions de personnes qui parient chaque année sur des chevaux ont moins de 35 ans, insiste Bertrand Bélinguier, le président-directeur
général du PMU. 2,5 millions sont des femmes, et 1,6 million jouent depuis moins de trois ans. ‘ On est loin de l’image répandue du parieur âgé et inactif ! Alors, pas question de mettre en péril par des ratés
informatiques ce rajeunissement réussi. Les techniciens de la Dosi ont préféré s’assurer de la fiabilité et de l’intégrité des connexions avant de se lancer dans l’aventure des paris sur le net. Conscients que les pirates en tout genre seront
attirés par le magot du cheval (6,4 milliards d’euros collectés par le PMU en 2002).En attendant, la Dosi multiplie les réponses aux tests d’intrusion réalisés à sa demande par un cabinet spécialisé. Quant à la fluidité des connexions, elle est maintenant quasi parfaite : 0,7 seconde d’applicatif, et une seconde de
réseau. Entre la prise du pari et l’émission du ticket certifiant, il faut moins de deux secondes. Mais le fait de calculer toujours plus vite ne doit pas pour autant entraîner une diminution des contrôles.
L’indispensable rationalisation
L’une des autres ambitions de la Dosi est de décloisonner l’informatique des autres directions opérationnelles marketing, commercial, communication, etc. ‘ Nous avons mis en place des comités utilisateurs, auxquels
participent des collaborateurs des différents services, raconte Olivier Herrmann. Pour discuter de manière informelle de l’amélioration au jour le jour de notre système d’information, en fonction de l’évolution de leurs besoins.
‘ Des échanges sur des sujets à plus long terme ont lieu afin que l’aspect technologique soit constamment pris en compte : accords avec des opérateurs étrangers, commercialisation de nouvelles offres de paris… Le tout sur
fond de rationalisation. ‘ Nous travaillons dans une logique de maîtrise des coûts, prévient le Dirigeant Système Information. Les dépenses informatiques représentaient 2,32 % du chiffre d’affaires l’an
dernier. Nous devrions atteindre 2,11 % en 2003. ‘ Des économies qui s’expliquent notamment par le passage du mode régie au mode forfait pour de nombreuses prestations. Et par une sélection forte des fournisseurs : le PMU emploie
quatre SSII à titre principal. Contre une cinquantaine il y a quelques mois.Cette simplification du fonctionnement a permis de réduire de 10 % le poste sous-traitance. ‘ J’ai souhaité que nous nous concentrions sur le c?”ur de notre métier, confie Olivier Herrmann.
Ainsi, je considère que les modalités de développement du pari sur internet font pleinement partie des compétences du PMU et qu’elles doivent donc être réalisées par nos équipes. Tandis que les traitements dans les différents langages
informatiques seront réalisés à l’extérieur. ‘
Un benchmarking permanent
Cette année, la Dosi s’est dotée de sa propre cellule d’intégration. Ses missions ? Définir les cahiers des charges pour les prestataires et valider la qualité technique de leurs interventions. Et aussi veiller à la montée en charge
une fois une nouvelle technologie installée. ‘ Cette structure a vocation à faciliter le passage entre le mode projet et la production ‘, reconnaît le Dirigeant Système Information. Cette remise à plat des
processus de travail a suscité la mise en place de critères d’évaluation. ‘ Nous cherchons toujours à nous confronter aux autres grands consommateurs de tickets, que sont, par exemple, Aéroports de Paris ou la Française des
Jeux, poursuit le Dirigeant Système Information. Comment font-ils ? Quelles sont les bonnes pratiques en la matière ? ‘Autant de questions qui incitent à analyser le processus de la prise de paris. Ainsi que les conditions dans lesquelles sont traités les appels provenant des points de vente. La Dosi a donc élaboré une série d’indicateurs chiffrés.
Ainsi, au mois de janvier 2001, un opérateur du PMU était en mesure de traiter 100 appels téléphoniques dans le mois, deux ans plus tard, il parvient à en réceptionner 20 de plus. Et, dans le même temps, le délai moyen d’attente pour parler avec
ledit opérateur est passé de trois minutes à environ quarante secondes. ‘ Nous considérons que cela fait partie de la qualité de la relation que nous devons entretenir avec nos points de vente, reconnaît Olivier
Herrmann. S’ils ont un problème technique avec leur terminal, l’assistance téléphonique doit permettre de régler la majorité des dysfonctionnements. ‘Pour les cas les plus graves, un technicien est dépêché sur place. Effectuée par un prestataire extérieur, cette intervention représente une dépense supplémentaire pour la Dosi. ‘ Mais c’est important pour nous :
plus les points de vente sont en état de fonctionner, plus ils sont à même de recevoir des paris, souligne le Dirigeant Système Information. Et en réduisant le temps de calcul des rapports à chaque course, on accroît les chances
de voir les gains remis en jeu dans la foulée. ‘Afin d’optimiser la gestion de ses compétences, la Dosi a initié une réflexion concernant les ressources humaines. ‘ Notre intention est de faire bouger les collaborateurs en interne, confie Olivier
Herrmann. Il faut des postes qui évoluent suffisamment pour éviter de tomber dans la routine. ‘ Dans cet esprit, chaque trimestre, il passe en revue avec la DRH les dossiers de l’ensemble du personnel de la Dosi. C’est
là que se préparent les nouvelles affectations et les éventuelles promotions.
Un travail collaboratif
‘ La direction des opérations et des systèmes d’information est le bras armé de l’entreprise, résume Didier Banquy, directeur général délégué. Les autres directions proposent des projets. A
charge ensuite pour la Dosi de plancher sur leur réalisation technique. ‘ Le tout dans une procédure désormais bien huilée. Le PMU fonctionne sur deux rythmes. D’une part, le budget annuel. D’autre part, un plan à moyen terme, sur
trois ans. Tout commence par l’expression d’un besoin par l’un ou l’autre des services de la maison. Par exemple, l’idée de lancer un nouveau type de pari. Dans ce cas, l’équipe commerciale devra commencer par chiffrer la future contribution du jeu
proposé au chiffre d’affaires du PMU. Avec cette estimation, le comité de sélection, qui réunit une fois par an les principaux directeurs, va pouvoir se prononcer. Et voir comment il peut trouver sa place dans les budgets à venir.
‘ C’est le mode projet classique, explique Olivier Herrmann : étude de faisabilité, rédaction de la liste des spécifications, puis série de tests. ‘Après une phase de validation, la mise en service peut être envisagée. Par exemple, le dernier-né du PMU, baptisé Multi, a mis un an à voir le jour. En général, le délai moyen de réalisation d’un projet varie entre six et neuf mois.
‘ Il faut prendre garde à ce que le développement de nouveaux projets ne vienne pas altérer la gestion quotidienne du système d’information ‘, insiste le Dirigeant Système Information. D’où la nécessité, pour
l’état-major du PMU, de procéder à des arbitrages entre les différentes propositions émanant de ses services. Le grand chantier de rénovation de l’informatique, Pégase, arrivant maintenant à son terme, les requêtes différées redeviennent
d’actualité. Et les pistes ne manquent pas notamment pour les spécialistes du marketing.En effet, le système d’information du PMU permet de disposer d’une gigantesque base de données comportementales. Sur les habitudes de jeu, les horaires, le jour de la semaine, les sommes consacrées au pari, le support utilisé…
‘ Nous transmettons ces statistiques aux services marketing et commercial, indique Olivier Herrmann. Compilées par un logiciel de gestion de la relation client, elles sont modulées par jour ou par mois.
‘ Seule limite à cette base de données exhaustive sur le marché du pari : l’anonymat. Car la plupart des transactions sont effectuées en espèces, sur l’hippodrome ou dans les points de vente. C’est pourquoi l’ouverture des paris
sur internet est attendue avec autant d’impatience. Le web constitue un important foyer potentiel de développement commercial pour le PMU. Et offre de belles perspectives technologiques pour sa Dirigeant Système Information !
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.