La semaine dernière, je vous racontais comment j’en avais été réduit à attendre notre boss à la porte des toilettes pour tenter de le coincer et d’avoir enfin une conversation ” entre hommes “, tels Chirac et Jospin au sommet franco-macho de Vittel.En tant que dircom, je ne suis pas préparé à cette forme de communication interne : je n’ai pas mon permis de chasse d’eau, et personne ne m’a jamais appris cette technique à HEC, où l’on ne pisse que de la copie… J’ai pourtant fait le pied de grue dans les toilettes, des jours durant, aux heures stratégiques où la vessie de notre boss, plus humaine que lui, cherchait à s’épancher. Mais, sans jeu de mots, il a dû y avoir une fuite…Roland l’a sûrement appris, et je l’ai guetté en vain, le c?”ur battant. Quand mon ennemi intime, Romont, directeur des activités stratégiques, arriviste au look porcin, a pointé ses gros sabots dans les toilettes, avec l’air d’avoir trouvé une truffe, je ne me suis pas longtemps demandé laquelle…
” Dis donc, t’as l’air d’apprécier les lieux… Tu passes ta vie ici ou quoi ? ” Puis, tout aussi finement : ” C’est là que tu puises ton inspiration ? Non, je rigole… Mais j’ai lu ton dernier projet de communiqué, c’est moins brillant que d’habitude. À ce propos, je me suis permis de suggérer quelques modifications à Roland…”
En entendant ça, j’ai failli faire une rupture d’anévrisme. Et moi, le gentil, le bien élevé qui ne fait jamais de vague dans l’aquarium, j’ai fait celle- là dans les toilettes : ” Tu ne devrais pas venir ici, Romont, pense à ta santé. Cet endroit servant de cimetière aux m…, tu cours trop de risques…”
À la seconde où je disais ça, j’ai failli m’excuser. On ne se refait pas. Mais en voyant la soudaine paralysie faciale de Romont, son groin tétanisé, et la peur inespérée que mes soixante-cinq kilos inspiraient à ses quatre-ving-dix, j’ai ravalé mes excuses. Pour une fois que je lui fichais la trouille, j’en ai même ajouté un grain :
” Je ne sais pas si tu sais nager, alors je te laisse une chance : je ne tire pas la chasse…”
Royal comme sortie, non ? Dans le couloir, je ne touchais plus le sol, comme une vedette de Au théâtre ce soir croulant sous les applaudissements. Je suis ensuite allé déjeuner, avec une jeune journaliste qui m’a félicité pour mon bronzage (UV obligent) et quand je me suis remis au travail, on m’applaudissait encore !Roland, faisant irruption dans mon bureau, et me trouvant endormi devant mon Mac où j’étais censé peaufiner la énième version de ce foutu communiqué annonçant des résultats raisonnablement gonflés, tape dans ses mains pour me réveiller. Je bafouille que je suis ravi de le voir, parce que j’ai quelque chose à lui demander.
” C’est moi qui ai quelque chose à te demander, répond-il en décollant de ma joue un Post-It qui s’y est incrusté lors de ma sieste : ” Ce job tennuie-t-il à ce point ? Ou penses-tu que seul un con puisse te poser cette question ? “
Imparable. Là, je sèche. Soufflez-moi vite une bonne réplique, ou Roland va tirer la chasse…
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