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Les appareils de brouillage font taire les mobiles

Finies les sonneries de portables intempestives et les conversations dérangeantes dans les lieux publics. Les appareils de brouillage arrivent, et leur utilisation sera bientôt tout à fait légale.

On ne pourra bientôt plus passer un coup de fil ou envoyer un message SMS avec son mobile tout en se faisant une toile. Jusqu’à présent prohibée, l’utilisation d’appareils de brouillage rendant inopérants les téléphones mobiles est désormais autorisée dans les salles de spectacle. Le législateur a discrètement modifié, en juillet 2001, le code des Postes et des Télécommunications.Cela ne signifie pas pour autant que les exploitants de salles de cinéma et les directeurs de théâtres ont le droit d’installer des brouilleurs depuis cette date. Car le même code stipule que c’est à l’Autorité de régulation des télécommunications (ART) de préciser les règles d’utilisation de ces appareils.L’ART doit notamment définir les modalités d’exploitation des brouilleurs sur le plan technique. Comme cela prendra du temps, les inconditionnels du mobile ont encore un sursis de plusieurs mois. D’ici là, l’usage d’un brouilleur reste strictement interdit, et il est sévèrement réprimé par la loi : six mois de prison et 30 000 euros d’amende (près de 200 000 francs), le double en cas de récidive.

Faites-les taire !

Pour couper la chique aux mobiles, les brouilleurs émettent des signaux parasites de faible intensité sur les bandes de radiofréquences utilisées par les opérateurs (900 et 1 800 MHz). Dès qu’un brouilleur est en service, tout lien entre les téléphones et les stations de base du réseau cellulaire est coupé.Pour les mobiles des usagers se trouvant dans la zone de brouillage, tout se passe comme si l’endroit n’était pas couvert par le réseau de leur opérateur. Plus de sonnerie intempestive : les appels entrants sont automatiquement dirigés sur la messagerie vocale. Aucun appel sortant n’est non plus possible.A ce principe de base s’ajoutent quelques variantes selon le type de brouilleur. Dans une classification préliminaire, qui préfigure de la complexité des prochaines règles et limitations de brouillage, l’ART a recensé six catégories d’appareils. Il y a tout d’abord ceux qui émettent du “bruit” en continu sur les bandes de fréquences concernées. Ceux-là ne font aucun détail.Dans leur périmètre de couverture, le brouillage est continu et aucun mobile ne fonctionne. Il y a ensuite les appareils qui n’émettent des ondes que lorsqu’ils détectent un mobile actif (allumé). Variante plus subtile : ceux qui ne s’activent que lorsque les mobiles sont sur le point de communiquer.

Des brouilleurs sélectifs

Ces deux techniques de brouillage sélectif permettent de limiter les émissions électromagnétiques dont on ne sait toujours pas si elles sont sans danger. On trouve aussi des appareils intelligents qui communiquent avec les mobiles et leur envoient des messages pour qu’ils basculent en mode restreint.Avec ces modèles, les limitations d’appel et de réception peuvent être ajustées au cas par cas (pour autoriser, par exemple, les appels d’urgence). Enfin, il existe des brouilleurs plus complexes qui communiquent avec les stations de base du réseau, soit pour leurrer les mobiles, soit pour demander un service de filtrage à l’opérateur.La zone de couverture des brouilleurs dépend d’un grand nombre de facteurs techniques comme environnementaux : puissance d’émission, type d’antenne utilisé (directionnelle ou non), placement de l’appareil, distance de la zone de brouillage au relais cellulaire, présence d’obstacles actifs… La distance maximale d’efficacité à partir de l’endroit où est installé le brouilleur varie ainsi de quelques mètres pour l’appareil de poche, à plusieurs dizaines de kilomètres pour les modèles à usage militaire.Si ces derniers ne sont évidemment pas commercialisés auprès du grand public, les brouilleurs personnels, eux, commencent à sortir des milieux confidentiels du contre-espionnage amateur. Il n’est guère difficile aujourd’hui de trouver des modèles en vente par correspondance sur Internet. Premier prix : environ 180 euros (moins de 1 200 francs), taxes et frais de livraison compris, pour un modèle compact qui brouille les émissions radio dans un rayon de dix mètres. Pour un appareil autonome, transportable et compact (de la taille d’un mobile), comptez environ 800 euros (soit 5 247 francs). Rappelons-le : l’utilisation de ces appareils est interdite en France. Mais il est apparemment possible de s’en procurer sans montrer patte blanche.L’arrivée prochaine de brouilleurs privatifs dans les salles de spectacle, même si elle sera probablement soumise à des règles strictes édictées par l’ART, pose plusieurs problèmes.

Problèmes en perspective

Tout d’abord, qui aura effectivement le droit de les utiliser ? Si la loi semble claire, son interprétation peut entraîner quelques débordements. Par ailleurs, les nouvelles dispositions législatives créent, de fait, des trous volontaires de couverture dans les réseaux. Si le brouillage est incorrectement confiné dans le périmètre des salles de spectacle, cela risque de nuire à la qualité de service dans le voisinage.La loi impose aussi aux opérateurs de téléphonie mobile l’obligation d’acheminer les appels d’urgence (comme le 112, numéro d’appel d’urgence européen). Dans les zones brouillées, cette obligation ne pourra être respectée si les appareils de brouillage utilisés bloquent indistinctement tous les appels. Pour le public, cela signifie-t-il qu’il y aura des cinémas ou des théâtres plus sûrs que d’autres ? D’ici l’installation des premiers appareils par les exploitants de salle, ces questions auront peut-être été résolues. En attendant, il est toujours possible de passer ou de recevoir un coup de fil pendant un spectacle. Mais soyez chic : éteignez votre mobile

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Jean-Marc Gimenez