Le cru 2002 du Venture Capital Investing, qui vient de se tenir à San Francisco, a tout du produit de transition, symptôme d’une industrie en convalescence. Transition vers quoi ? Réponse dans les meetings, sur les stands et dans les couloirs de la grand-messe du capital-risque anglo-saxon.Premier constat, la digestion de la crise n’est pas achevée. Les trois premiers mois de l’exercice marquent un nouveau recul des investissements. Et la perspective de voir se réaliser les plus-values s’éloigne. La Bourse ne s’est pas encore relevée. En fait, le cycle de vie du métier reprend un cours normal. “Le premier trimestre 2002 est le pire que l’on ait connu en terme d’introductions en Bourse [IPO, ndlr] “, indique Mark Heesen, président de la National Venture Capital Association. “Le marché a absorbé toutes les sociétés qui auraient dû lui faire appel en 2002 et 2003”, affirme Bob Pavey, General Partner de Morgenthaler. La reprise des IPO n’est pas prévue avant le deuxième semestre 2003. L’héritage de la bulle se matérialise aussi dans les discours. Sur le salon, “raisonnable” est le leitmotiv. La dérive de la fin des années quatre-vingt-dix a mené à une levée record de 100 milliards de dollars (105,6 milliards d’euros) lors de l’année 2000 ?”une progression d’un facteur 50 en dix ans?”, pour redescendre à moins de 38 milliards en 2001. Un tel cycle n’est pas une première, si ce n’est par l’ampleur des chiffres. La barre des 100 milliards ne sera pas à nouveau franchie avant une ou deux décennies. Les chiffres de 20 à 30 milliards de dollars semblent une valeur raisonnable, qui permettra de revenir à un fonctionnement plus sain.
Victimes du modèle
Enfin, les méthodes évoluent. Selon le modèle du début des années quatre-vingt-dix, une société levait environ 25 millions de dollars, et acquérait une valeur de 150 millions avant son IPO. À la fin de la décennie, elle levait 100 millions, pour une valeur d’1 milliard. “Qu’advient-il des 100 millions investis lorsque la valeur redescend à 200 millions ? Nous sommes victimes d’un modèle dans lequel les entreprises ont besoin de trop d’argent pour se lancer”, s’exclame Vinod Khosla, General Partner de Kleiner Perkins Caufield and Byers (KPC & B), cofondateur de Sun, figure de proue du capital-risque de la Silicon Valley.Trop de sociétés ont été lancées. Entre 1995 et 2000, plus de 14 000 ont reçu un capital. Environ 1 000 sont entrées en Bourse, 1 500 ont été achetées, et 1 200 ont été liquidées. “Parmi les 10 000 restantes, 8 000 auraient dû ne pas voir le jour”, souligne Vinod Khosla. Les levées démesurées, le gaspillage de l’argent par les start-up, les attentes irréalistes de la part des investisseurs, tout cela n’était pas raisonnable. Des sociétés disposant de 5 millions de dollars en lèvent 75. Où est la réelle motivation ?”En outre, lever davantage de fonds n’est pas un gage de succès. Au portefeuille de KPC & B, les sociétés qui avaient récolté moins d’1 million de dollars ont eu un taux de succès de 100 %, contre 87 % pour celles qui avaient reçu davantage. Pour le capital-risqueur d’aujourd’hui, inutile de vouloir jouer sur trop de tableaux. Vinod Khosla a investi dans une société par an depuis 1995, et obtenu un retour sur investissement de 80 % de celui qu’il aurait eu en en finançant trois. “Le rythme raisonnable est de 1,5 à 2 opérations par partenaire et par an, et de 25 à 30 millions de dollars par entreprise en 3 tours de table”, affirme-t-il. Les excès n’ont pas tous été corrigés. Les salaires sont pointés du doigt. “Certains CEO gagnent jusque 400 000 dollars par an, cela doit changer”, affirme Vinod Khosla.
Des secteurs convoités
Au-delà du mea culpa percent déjà les tendances des prochaines saisons. Parmi les technologies retenant l’attention des capital-risqueurs : les transmissions filaires et sans fil, les progiciels d’entreprise, ou encore l’informatique distribuée (grid computing) pour les traitements ou le stockage. Autre “mode” : ignorer… les phénomènes de mode ! “Les nanotechnologies deviennent trop médiatisées. Elles vont être l’objet d’une bulle”, affirme Vinod Khosla.Se méfier des modes, c’est, au passage, commencer à récuser les corrections excessives du marché. Le fournisseur de services d’accès haut débit BBO a été victime de la méfiance des investisseurs : il a fermé ses portes l’an dernier, n’arrivant pas à rassembler de nouveaux fonds, “alors qu’il avait un business plan solide et dépassait les prévisions de chiffre d’affaires”, précise Vinod Khosla. Même dans un domaine sinistré comme les télécoms, il est possible de gagner de l’argent. Les dot-com, souvent montrées du doigt, pourraient même créer la surprise dans les douze mois. “Celles de notre portefeuille croissent, sont profitables ou sur le point de l’être”, affirme Vinod Khosla.En termes géographiques, aussi, la tendance est claire : recentrage. Désormais, les sociétés de capital- risque se focalisent sur les États-Unis ?”surtout sur les zones classiques (la Silicon Valley et Boston), mais aussi la Californie du Sud (troisième en termes de capital investi) ?”, et quelques autres poches d’expertise. L’international ?” Israël excepté ?” n’est plus à l’ordre du jour. D’autant que les fonds locaux, qui enregistrent dans leurs comptes les conséquences de la crise, sont guettés par un phénomène de concentration. “Il restera moins de la moitié des sociétés, et un tiers des professionnels”, prédit John Mumford, partenaire fondateur de Crosspoint Venture Partners.* à San Francisco
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