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Les actions de groupe font du surplace en France

Le groupe de travail qui devait étudier la possibilité d’introduire la procédure d’action de groupe en France a rendu son rapport le 16 décembre.

C’est un rapport très attendu qui a été remis aux ministres de l’Economie et des Finances et de la Justice vendredi 16 décembre. Celui du groupe de travail dédié à l’action collective en justice, plus connu sous le vocable
anglo-saxon de class action. Une procédure qui permet de rassembler en une plainte unique celles de plusieurs justiciables ayant subi le même préjudice du fait d’un même professionnel (industriel, constructeur, prestataire de
service…).L’intérêt est de simplifier le travail du juge et de permettre à un justiciable d’engager des poursuites qu’il n’aurait pas engagées s’il avait été seul. Cela n’existe pas en droit français, mais le Président de la République avait
promis, lors de ses v?”ux de janvier 2005, de travailler sur la question et d’aboutir à une modification de la législation.Suite à la remise de ce rapport, le gouvernement compte présenter des propositions mais pas avant le 1er mars 2006. D’ici là, il relance les consultations. Car il faut bien dire que les soixante-dix pages du
rapport n’aboutissent pas vraiment à une proposition ferme. Le document fait surtout un vaste état des lieux de la question. Application de l’action de groupe dans d’autres pays, déroulement de ce type de procès, typologie des actions engagées, etc.
Le groupe de travail, constitué d’associations de consommateurs, de membres du Medef (représentant le patronat) et de juristes, retient néanmoins deux modèles de procédure.La première procédure s’inspire de ce qui se pratique aux Etats-Unis et au Québec : le juge statue sur la validité de l’action, contrôle la définition du groupe qui décide de se plaindre en nom collectif et en fonction de cela, il
autorise ou refuse l’action de groupe. Si c’est bon, il juge, au cours d’un procès en bonne et due forme, et attribue des dommages et intérêts s’il y a lieu. Dans le cadre de la deuxième, le juge commence par se prononcer sur la responsabilité du
professionnel. Si celle-ci est établie, le juge attend, pour exécuter la sanction, que les victimes se manifestent dans un certain délai. Chaque demande de dommages et intérêts est alors examinée individuellement.

Le Medef hostile aux class actions

Entre ces deux modèles, le groupe de travail ne choisit pas. Et pour cause : ses membres n’ont pas réussi à se mettre d’accord. L’UFC-Que Choisir est, par exemple, favorable au premier dispositif quand les autres associations de
consommateurs préfèrent le deuxième. ‘ Nous considérons que le deuxième système ne réglera pas les problèmes, explique Gaëlle Patetta, directrice juridique de l’UFC-Que Choisir. Il y a une action
individuelle à engager, donc, comme aujourd’hui, on va à l’encombrement des tribunaux. ‘
Mais pour Consommation logement et cadre de vie, qui a pris position sur la question début novembre, ce deuxième système a plusieurs intérêts. D’abord, il évite ‘ une mise en cause prématurée des professionnels,
la publicité ne se faisant que lorsque leur responsabilité est établie ‘.
Ensuite, la demande de dommages et intérêts par le consommateur relève de sa propre initiative, qu’il prend en connaissance de cause, puisque la
responsabilté du professionnel est établie au préalable de sa démarche.Quant au Medef, c’est bien simple : il est hostile aux class actions,
‘ mécanisme juridique étranger totalement extérieur à notre culture juridique ‘ !
‘ Ce n’est pas la bonne méthode pour réfléchir sur les class actions que de faire un groupe de travail avec de fermes opposants aux class actions et de fermes partisans, commente l’avocat Jean-Marc Goldnadel, qui
avait voulu lancer une telle procédure en France via le site
Classaction.fr (condamné pour démarchage illicite début décembre). La class action n’est qu’une procédure judiciaire. Alors quand on décide d’introduire une nouvelle
procédure, on fait appel à des magistrats, des avocats, des professeurs de droit. On n’appelle pas le Medef. ‘
Le rapport souffrirait d’un autre problème. Les actions collectives ne sont envisagées que sous l’angle de problèmes relevant du code de consommation. ‘ Une class action, ce n’est pas uniquement faire payer SFR et
Bouygues ‘,
continue Jean-Marc Goldnadel. La procédure vaut aussi bien pour des cas de pollution, de problème d’environnement, de santé publique… Ce que note également Véronique Magnier, professeur de droit à
l’université de Picardie et membre du groupe de travail : ‘ Restreindre le domaine de l’action ne serait pas justifié sur le plan juridique et serait source de perte d’efficacité sur le plan
procédural. ‘
Au final, le groupe de travail va reprendre ses auditions pour préciser sa pensée. Ce qui donne un peu l’impression dun retour au point de départ.

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Arnaud Devillard